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29/10/2010

Parashat H'ayei-Sarah

La dernière épreuve

Notre parasha commence par nous raconter la mort de Sarah, notre première Matriarche. Elle vécut 127 ans. Avraham vint à H'evron la pleurer [cf. Bereshit 23:1-2 ; Ramban, ibid.]. Le mot "livkotah" - "la pleurer" est écrit dans la Torah de manière étrange : la lettre "kaf" (כ) est à caractère réduit.

Le Baal HaTurim [ibid.] nous explique que la raison à cela est qu'Avraham a diminué au possible ses pleurs - en effet, dit-il, Sarah était déjà âgée et son heure approchait…

Rashi, quant à lui [ibid., basé sur le midrash Bereshit Rabba 58,5 et Pirkei deRabbi Eliezer, ch. 32] écrit :

"la mort de Sarah a été accolée à l'épisode de la ligature d'Itzh'ak, car quand la chose lui fut annoncée, que son fils allait être sacrifié, son âme l'a quitté et elle est décédée".

La chose est étonnante de la part de Rashi qui commente lui-même, précédemment [Bereshit 21:12] que la prophétie de Sarah est plus grande que celle d'Avraham [cf. Siftei H'ah'amim, ibid.], sous-tendant que plus tard aussi, Sarah savait déjà ce qui se tramait et était donc au courant de la ligature.

Il serait plutôt illogique d'affirmer qu'Avraham et Itzh'ak auraient su surmonter cette épreuve alors que Sarah y aurait échoué - son âme quittant son corps.


Dans la prière que l'on récite tous les soirs, "Hashkiveinou", on demande à D' de nous garder du "Satan" qui est devant nous et de celui derrière nous.
De quoi s'agit-il ?

On prie pour qu'on nous ôte notre mauvais penchant (yetzer hara, aussi appelé "Satan", cf. Sih'ot Moussar du Rav Shmulewitz sur le sujet), qu'il ne se mette pas en notre chemin, lors de l'accomplissement d'un commandement ou lorsqu'on est éprouvé. Par exemple, lors de la ligature, le mauvais penchant s'est affirmé dans l'affirmation probablement pensée par Avraham [cf. à ce propos le dvar torah de la semaine dernière] que tout le commandement de la ligature n'est qu'un grand bluff, puisqu'il lui a déjà été promis qu'Itzh'ak constituerait sa descendance. Avraham a dû dépasser son penchant. De même son fils a été tenté de persuader son père d'abandonner cette épreuve [cf. Midrash Rabba sur l'épisode de la ligature].
C'est cela le "Satan qui est devant nous".

Toutefois, il existe un autre type de "Satan", celui qui se trouve derrière nous. Après chaque réussite l'homme doit affronter sa fierté, son ego. Cette confrontation interne de l'homme peut le pousser jusqu'aux plus profondes abîmes, de sorte qu'il ne ressort plus rien de bon du bien qu'il aura accomplit - comme s'il n'avait rien fait !

Lorsque le "Satan" tente de faire trébucher Avraham avant la ligature et manque son opportunité, il se dit qu'il va réussir après coup. Etant donné que l'heure de Sarah approchait de toutes les façons, il voulait faire croire à Avraham qu'il était responsable de son départ pour le monde de Vérité, afin qu'il regrette l'acte de la ligature. Mais il n'en fut point ainsi, c'est cela que la Torah nous apprend en rapetissant la lettre "kaf" - Avraham pleure un peu, car il connaissait la vérité, Sarah devait de toute façon rendre son âme au Créateur, ça n'était pas lié à l'acte de la ligature, comme voulait le lui faire croire son mauvais penchant.
C'est peut-être également la raison pour laquelle la Torah nous explicite exactement le décompte des jours de la vie de Sarah, elle a vécu toutes les années qui lui étaient imparties.

Tandis qu'à propos d'Avraham il est écrit : "Le nombre des années, que vécut Avraham, fut de 175 ans" [Bereshit 25:7].

L'expression «asher 'haï» – que vécut – est également employée à propos d'Adam dans le verset [Bereshit 5:5] : « Tous les jours, que vécut Adam, furent de 930 ans... ». Cela n’est pas fortuit : Adam aurait dû vivre exactement 1000 ans, mais il a offert 75 années de sa propre vie au roi David, comme nous l'enseignent nos Sages. L'expression «asher 'haï» vient nous signifier que bien qu’un certain nombre d'années lui était destiné, il n'en a vécu qu'un nombre inférieur !
Il en est de même pour Avraham dont les jours furent raccourcis, peut-être afin qu'il n'ait pas à souffrir de la mauvaise conduite de son petit-fils Essav.

Puissions-nous aussi vivre toutes nos années, dans la joie, le bonheur, la santé et la plénitude,en dépassant le "Satan" devant et derrière nous.

21/10/2010

Parashat Vayera

Parashat Vayera
L'épreuve de la ligature

Dans notre parasha nous lisons un fameux épisode du livre de Béréshit à propos duquel le rav Don Itsh'ak Abrabanel (1437 - 1508) affirmait que de là provenait
"toute la fortune [=spirituelle] d'Israël et son mérite devant leur Père au Ciel et dont les mots [de ce passage] sont connus de tous et récités dans nos prières."
Il s'agit bien évidemment du passage de la ligature d'Itzh'ak fils d'Avraham [Bereshit 22:1 et suiv.].

Celui-ci est toujours lu comme source fortifiante en moment de misère ; en effet, il ne nous est jamais demandé d'affronter une épreuve à laquelle on ne puisse surmonter [comme le souligne le Ramban, ibid.] ; si Avraham était prêt à sacrifier son fils qu'il a si longtemps et duquel il a tant attendu, l'enfant qui devait continuer sa voie - on doit pouvoir surmonter nos petits problèmes, ils ne sont que de petites épreuves…

La question qui se pose dès lors est le pourquoi de cette épreuve.
D' ne connaît-Il pas le degré d'Avraham?
Ne sait-Il pas de quoi il est capable?

Avraham était savant, il était largement capable de souligner les propos contradictoires de D' : d'une part on lui avait promis qu'Itzh'ak constituerait sa descendance tant matériellement que spirituellement, qu'il allait, comme dit, continuer sa voie, d'autre part il avait également reçu le commandement de sa ligature… Qu'il aurait pu d'ailleurs comprendre comme simplement le fait d'amener Itzh'ak sur l'autel [comme cela est induit par Rashi sur le verset 12], mais pas de le tuer, toutefois cela ne fut pas le cas. Avraham a su "annuler" l'amour de son fils et le transvaser en un amour plus grand, absolu, du Divin
[cf. Tanya, Likutei Amarim, p. 114 ; Le Livre des Principes III, 36].

Nous apprenons de là qu'en vérité, l'épreuve constitue un exercice dont le but est de dévoiler les forces présentes dans l'âme de l'homme.

Le Natziv (Rav Naftali Tzvi Berlin 1817-1892) dans son commentaire "Haemek Davar" [ibid.] ramène à ce propos un midrash expliquant que de la même manière que l'agriculteur frappe le lin pour l'adoucir et permettre son utilisation, ainsi l'épreuve élève l'homme et le rend apte à un degré supérieur.

"Puisses-tu donner à tes adorateurs une bannière, pour s'y rallier au nom de la vérité, Sélah !" [Psaumes, 60:6, (trad. du rabbinat français)]

Tel un drapeau élevé à sa cime, comme pour proclamer au monde entier quel degré l'amour de D' peut atteindre. Cela motive également l'homme à se rapprocher encore plus du Divin - chose précédemment plus ou moins délaissée.
[cf. à ce propos le Guide des Egarés de Maïmonide III, 24 ; Ramban, préc. cit. ; Le Livre des Principes de Rav Yossef Elbo, IV, 13 et Rav S.R. Hirsch dans son commentaire sur la parasha, ibid.].

C'était donc cela le but et le message de la ligature d'Itzh'ak : dévoiler à Avraham lui-même des forces dont il n'était pas forcément conscient, accomplir son amour de D', rendre transcendant un amour naturel, l'élever et ainsi montrer au monde entier que l'amour de D' n'est pas limitée et qu'il n'est pas d'épreuves à laquelle on ne puisse surmonter.

Puissions-nous mériter tous ces degrés sans que les épreuves ne soient trop rudes.
Amen.

Parashat Lech-Lecha

Parashat Lech-Lecha

L'amour de la Terre d'Israël

Dans notre parasha [Bereshit 12:1] est relaté le commandement Divin entendu par Avraham d'aller vers la Terre qui lui serait indiquée, mais il n'est pas précisé sa nature, c'est-à-dire de quelle terre il s'agit.

Rashi [s.v. asher arei'ka] écrit que cela ne lui fut pas indiqué immédiatement afin de lui faire envier la Terre et lui donner une récompense à chaque parole [notons que dans le midrash Bereshit Rabba 39,8 dont Rashi s'inspire largement, il est écrit "à chaque pas", car il ne sait pas où il va…].


Le Maharal de Prague [dans son commentaire sur Rashi, Gour Aryeh, ibid.] explique que lorsqu'une chose n'est pas dévoilée de suite, elle devient appréciée ; en effet, Avraham est peiné d'accomplir un commandement dont il n'a pas connaissance et par conséquent il reçoit chaque parole Divine avec amour, ainsi, il est récompensé pour chaque parole reçue. Il en est de même, dit-il, au moment de la ligature d'Itzh'ak, le lieu n'est pas directement indiqué - "une de ces montagnes" indique le verset, encore une fois pour rendre Avraham méritant.

En résumé, selon le Maharal si un homme est peiné relativement à l'acquisition, à l'accomplissement d'un certain élément c'est pour que, finalement, son lien, sa relation à ce même élément (une fois acquis) en soit accrue. Ainsi, nos Sages nous enseignent dans le Talmud [Bavli Brah'ot 5a] que la Terre d'Israël (tout comme la Torah et le monde futur) s'acquiert dans la souffrance (issourim).

On peut ajouter que D'ieu Voulait rendre éternel dans le cœur du Peuple Juif le lien d'amour à la Terre d'Israël. Par conséquent, quand Avraham vient pour la première fois en Israël c'était sans le savoir - afin de l'embellir à ses yeux et d'inséminer en son âme et celle des ses descendants un amour transcendant envers la Terre Sainte. On peut trouver une preuve à ce principe dans le commentaire de Rav H'ayim de Volozhin sur les Maximes de Nos Pères [Rouah' H'ayim sur Pirkei Avot 5, 2] où il est écrit qu'Avraham notre Père a subi dix épreuves : il est dit Avraham notre Père pour nous apprendre que chacune des épreuves qu'Avraham a surmonté et pour laquelle il a été prêt à se sacrifier fur enracinée dans la nature israélite. Ainsi, ajoute-t-il, la volonté de venir en Israël provient de "Lech-Lecha".


Une autre explication des propos de Rashi nous donne le Malbim [dans son livre "Eretz H'emda" début Lech-Lecha s.v. "El HaAretz"] :

"Au moment où Avraham a vu la Terre d'Israël - il l'a acquise et elle lui fut consacrée, sa sainteté a alors commencé, etc. Selon ce principe, on peut comprendre ce que nos Sages ont dit "après avoir posé ces yeux sur lui, il se transforma en une pile d'os" [T.B. Shabat 34a]. En effet, les yeux ont ce pouvoir d'attraction qu'a une pierre imbibante, tel le regard de la chouette [cf. "Etz Hah'ayim" du Ari za"l, portique 8, ch. 1]. […] Ainsi Avraham, par la force de son regard vers la Terre Sainte a su se lier à la sainteté retenue au sein de celle-ci […] et par conséquent, après avoir atteint la sainteté de la Terre, celle-ci devint sienne… C'est là l'intention de Rashi lorsqu'il dit "pour la lui faire envier", "la rendre douce à ses yeux", c'est-à-dire que par la vue d'Avraham notre Père, la Terre devient douce et heureuse".

Le Malbim nous explique, à la différence du Maharal, que le changement n'est pas psychologique, n'est pas en Avraham, mais en la Terre d'Israël qui, par un processus de liaison transcendantal avec celui-ci, lui devient acquise. En fait, le Malbim nous décrit comment Avraham acquiert la Terre, pour lui et ses descendants après lui - alliance, fusion et union mystique, amour éternel.

Puissions-nous connaître cet amour à la Terre et mériter son accomplissement plein et entier, tout le Peuple Juif, ensemble - dans la paix et la joie ; voir la construction de notre Temple, au plus vite, de nos jours. Amen.

08/10/2010

Parashat Noah'

Fenêtre ou joyau ?

1. La source d'éclairage

Un petit détail

Lorsque Noah' entreprit la construction de son Arche, le verset [Genèse VI, 16] nous parle également d'une source d'éclairage (tzohar) prévue et enjointe par l'Eternel que Noah' doit ajouter.

Fenêtre ou "pierre précieuse"?

Nos Sages, dans le midrash, [Bereshit Rabbah 31,11 - ramené par Rashi sur le verset, cf. également T.B. Sanhédrin 108b et T.Y. Psachim ch. 1, hal. 1] s'interrogent quant à la signification d'un tel détail. R' Abba précise qu'il s'agit d'une simple fenêtre, tandis que R' Lévi pense qu'il s'agit d'un mystérieux cristal éclairant (évèn tovah). [Il est intéressant de noter que le Sifté H'ah'amim, ainsi que le Ibn Ezra, dans une certaine mesure, ne s'intéressent qu'au premier avis, c'est-à-dire la fenêtre].Que ce midrash peut-il bien signifier ?

2. Une première approche : notre lien au monde

L'Arche - un symbole

Afin de pouvoir comprendre la discussion, nous devons comprendre ce que l'Arche symbolise. En fait, elle est l'archétype de l'authenticité divine en ce monde, comme l'explique le Maharal de Prague [Gour Aryeh, ibid., cf. également Zohar, ibid. l'Arche est le prototype de la yeshiva, institut visant à dévoiler le Divin ici-bas]. Par conséquent, elle se doit d'établir un lien, une relation avec l'extérieur, avec le reste du monde. Celle-ci est nécessaire, puisque moyen de la mission dont l'Arche est porteuse. Un isolement complet serait donc difficilement envisageable.

La question qui se pose dès lors est : comment instaurer une telle relation?

L'opinion de R' Abba - l'ouverture

R' Abba préconise une ouverture dans l'Arche. En d'autres termes, les courants prédominant dans la société, bien que parfois de nature dévastatrice, tels des flots prêts à tout submerger, doivent éclairer l'Arche. Evidemment, il s'agira dès lors d'orienter cette fenêtre convenablement, afin d'empêcher un flux néfaste de s'engouffrer à l'intérieur [selon le H'izkuni, ibid.]. Toujours est-il qu'influencer, éduquer ou exercer une quelconque emprise sur le monde environnant exige la connaissance de celui-ci ou, au moins, un aperçu des notions qui le fondent.

L'opinion de R' Levy - avis complémentaire

R' Levy n'en disconvient pas (puisque, d'une part, le verset parle explicitement d'une fenêtre et d'autre part, dans le domaine de la aggada (récits), les différents avis se complètent mais ne s'opposent pas, à moins d'être explicitement rejetés [cf. E. Dessler, Mikhtav MeElyahou, III, p. 353, qui cite le Zohar]). Il complète cependant le propos de R' Abba : certes une ouverture est indispensable, toutefois, préalablement, il s'agit de bénéficier d'une source de lumière propre et interne nous fournissant assez de ressources pour pouvoir gérer ce lien entre l'Arche et l'extérieur. Pour éviter les inéluctables mauvaises influences, il nous faut un précieux cristal parfaitement autonome qui ne doive rien à ces courants extérieurs. Quel autre moyen avons-nous pour conjurer ces préjudiciables et inévitables influences ?

Deux avis, deux visions du monde

Ce cristal luminaire, c'est la sagesse de la Torah [cf. T.B. Megilah 16].La question, pour R' Levy, serait donc, comment construire la fenêtre sans altérer ce cristal, ou en d'autres termes, quelle orientation prendre dans notre rapport au monde pour ne pas se faire immerger et garder notre originalité, notre Sagesse ?

Pour R'Abba, toute notre force réside dans le fait que notre lien avec le monde nous permet de le connaître et donc de nous enrichir, bien que cela comporte des dangers… c'est une lumière naturelle. D'ailleurs, ce n'est que celle-ci qu'on prend, les flots, quant à eux, restent au dehors, on n'en veut pas, on fait un tri obligé.

3. L'approche h'assidique : la force de la parole

Le mot du Baal Shem Tov

Le Baal Shem Tov - fondateur de la H'assidout - lui aussi, propose une approche quelque peu différente au sens littéral du verset. Il est ainsi ramené en son nom (Tsava'at Harivash 8b) :"Tu donneras du jour à l'arche, que tu réduiras, vers le haut, à la largeur d'une coudée etc. [Genèse IV, 16], Rav Israël Baal Shem dit : tu donneras du jour à l'arche - il faut que le mot [teiva] dit par l'homme en [étude de la] Torah et dans sa prière soit éclairant".

Le Baal Shem Tov joue avec une ambiguïté linguistique - l'ambivalence du terme "teiva" qui signifie en hébreu à la fois "arche" et "mot". Etant donné qu'il est évident que l'arche a besoin d'une ouverture, le fondateur du mouvement h'assidique, nous enseigne qu'il faut comprendre le sens profond du verset. Le mot "teiva" ne définit pas seulement l'Arche ou n'importe quel réceptacle - comme le panier ["teiva", encore !] de Moché - mais également un mot, une phrase, une parole. En effet, à chaque fois que l'homme parle, étudie, prie, il crée un vide, un réceptacle.

Mot ouvert à la lumière

C'est une pensée profonde de la H'assidout reprise par beaucoup de grands Admourim, tels que, par exemple, Rabbi Efraim de Sadiklov, petit-fils du Baal Shem Tov [Degel Mah'ane Efraim, sur Noah'] qui pousse l'idée encore plus loin : le mot sortant de la bouche de l'homme peut être "fermé et impénétrable", c'est-à-dire sans aucun éclairage, ou il peut être parole créatrice, mot "ouvert", paré de "fenêtres" permettant à la lumière d'être éclairée en son sein. Rabbi Efraim contraint l'homme à se délivrer soi-même. Il comprend la force de la parole : elle peut être un récipient invitant une réflexion de la lumière en-elle ; mais pour cela, il faut l'ouvrir, trouver son ouverture qui est, soulignons-le, intrinsèque et non pas extérieure à elle. L'ouverture du mot, de la parole rend le propos incitant, invitant, recherchant une signification. Une telle parole qui propose, ouvre le débat, incite à la réflexion et pose les questions devient accorte d'une part et d'autre part ne peut pas être dogmatique, astreignante et contraignante, sinon elle "se ferme". Tel un homme construisant sa maison avec de nombreuses fenêtres, preuves de son intime volonté d'être éclairé de l'extérieur. Une "parole fermée" est vide d'espoir, statique. En bref, une parole ouverte est le reflet de l'ouverture (ou du moins de sa volonté à l'élargir), de celui qui l'exprime, telle une maison ouverte aux invités, reflet de sa dynamité.

La capacité de luire

Rabbi Nah'man de Breslev, autre descendant du Baal Shem Tov (son arrière petit-fils), donne une autre interprétations à ses propos (Likoutei Moharan Kama, 9). L'essentiel est moins dans la lueur du mot que dans la capacité de l'homme à l'éclairer. Rabbi Nah'man nous apprend que les mots sont l'expression d'un monde intérieur et par conséquent ils doivent être pleins de vie, de signification, du plus profond cela vient au plus profond cela atteint l'auditeur. Mais il arrive parfois, surtout dans la prière ou l'étude, qu'on lise des mots, jette des phrases monotones dans l'espace, vide de toute vitalité. Pourquoi? Peut-être quelqu'un saura leur rendre leur sens et leur vie. Le but de la parole est d'influencer, de dévoiler une lumière intérieure, présente en chacun, la lueur Divine.

Ces deux interprétations des propos du Baal Shem Tov se complètent.Parfois il est des orateurs dont le but est d'ouvrir des portes de réflexion, des prières qui sont requêtes. Parfois les mots nous illuminent, nous éclairent, nous influencent, et il est aussi en notre pouvoir d'en créer de ce type - par la parole, selon Rav Nah'man, on donne la possibilité à la Shkhina (Présence Divine) de résider en notre sein.

Halevai Aleinou.

Shabat shalom et h'odesh tov.


Shmuel E.

Dédié à la guérison de Avraham H'ayim ben Sarah, Menah'em ben Huguette ainsi qu'à tous les malades de notre Peuple, d'autant qu'à la mémoire bénie du Rav Yehouda Amital, du Grand-Rabbin d'Israël, le Rav Mordekhai Tzemach ben Mazal, à Simone bat Zoé, à H'aya Routh bat Miriam veH'ayim, à Yirmiahou H'ayim ben Miriam, et à tous ceux qui sont tombés pour la gloire d'Israël, tous nos soldats. Soit leur mémoire bénie !Veyibade Bein Hah'ayim levein Hametim, mazal Tov à Olivier (Aharon) et Myriam Guyot pour la naissance de leur petite fille shetih'ye.

06/10/2010

Parashat Nitzavim-Vayelekh

L'unité (d'élite?)

Après la difficile reproche de la semaine dernière (parashat Ki-Tavo), D' finit ses propos en demandant pourquoi Il agit (Lui-même!) de cette manière (Dvarim 29:23) et Il répond (ibid., 27) qu'Il nous chasse de notre Terre avec grande amertume, colère, etc. … tout cela pourquoi ?
"Car les choses voilées sont à l'Eternel notre D' et celles dévoilées à nous et à nos enfants pour toujours, afin d'accomplir toutes les paroles de cette Torah" (ibid., 29).

Nos Sages nous enseignent que de ce verset nous apprenons que chacun a l'obligation morale de corriger son prochain ou de lui faire un reproche, le cas échéant, pour l'aider à revenir au droit chemin (Sanhédrin 43b).

Rashi (dans son commentaire sur notre verset) explique :
"Qu'y a-t-il en nos mains que nous puissions faire? Peut-on punir tout un groupe pour les pensées d'un individu? Pourtant personne ne connaît les pensées intérieures d'autrui? D' de répondre - "Je ne punis pas pour les choses qui vous sont voilées, car elles sont à l'Eternel notre D' et Il fera rendre des comptes à ce même individu. Mais les choses dévoilées, elles sont à nous et à nos enfants afin que nous ôtions le mal qui est parmi nous. Si on ne le fait pas, le groupe est puni. […] et même le groupe, il n'est puni qu'après avoir traversé le Jourdain, alors que le Peuple a intégré la promesse du Mont Guerizim et du Mont Eival et devient responsable l'un de l'autre".


On comprend des propos de Rashi que la responsabilité des Juifs l'un envers l'autre, du moins comme concept juridique, hilkhatique, n'existe pas en dehors d'Israël et c'est ce que vient nous apprendre ce verset de notre parasha (cf. également Vaykra 25:35-38).

Selon ce même principe le Maharal (Netivot Olam, I, Netiv HaTzedaka, chap. 6) explique un autre midrash : quiconque est indifférent à la tzedaka (= écarte son regard, l'évite) est considéré comme vouant culte à l'idolâtrie" (T.B. Baba Batra 10a), car Israël, dit-il, est complètement uni, totalement un, et cela prouve qu'ils n'ont qu'un seul D'.
"Mais cela se voit uniquement quand l'un donne à l'autre et l'autre donne à l'un, ainsi ils sont unis […] mais ils ne furent réellement unis qu'en rentrant en Israël. La preuve à cela et que tant qu'ils n'avaient pas franchi le Jourdain et n'étaient pas venus en Terre Sainte, ils ne furent pas punis pour les "choses voilées". Jusqu'à ce qu'ils traversent le Jourdain et deviennent responsables (arèvim) l'un de l'autre (Sanhédrin 43b). Est responsable quiconque est lié à autrui. Et les Juifs n'ont pas été liés, tel un Peuple, jusqu'à leur arrivée en Israël, alors qu'ils furent ensemble sur la Terre, où ils avaient un endroit la Terre d'Israël. Et grâce à la Terre d'Israël, ils sont un Peuple, entièrement…"


En vérité cela est écrit textuellement dans le Zohar (III, 93b) à propos du verset (récité chaque shabat à minh'a): "Qui comme ton Peuple Israël est un peuple uni sur Terre" (Samuel II, 7:23) - quand le Peuple est-il déterminé comme uni? Lorsqu'il est sur sa Terre.

Le "Méam Loez" rapporte qu'il est dit dans le verset "Vous voici aujourd'hui tous debout devant D-ieu… tout homme d'Israël" (Dvarim 29:9). Quand pourrons-nous tous nous tenir debout ? Quand nous serons tous unis.
Et cela s'illustre de la sorte :
Un père dans ses derniers jours appela ses enfants autour de lui : "Apportez-moi une botte de joncs."
Après l'avoir reçue, il leur demanda d'essayer de la casser en deux. Aucun n'y parvint.
Il leur dit alors : "regardez de quelle manière il faut s'y prendre." Les enfants curieux de savoir comment il allait réussir, s'approchèrent de lui. Il défit la botte, et cassa les joncs l'un après l'autre. "Voilà, dit-il. De là vous apprendrez que si vous êtes unis, personne ne pourra vous vaincre ; en revanche, si vous êtes dans la dispute et désunis, nulle sera votre résistance." C'est ce que dit Moshé au peuple d'Israël. "Vous voici aujourd'hui tous debout devant D-ieu… tout homme d'Israël.

Ce même principe d'unité est également présent dans la deuxième parasha que nous lisons cette semaine, Vayelekh.

Tandis que Nitzavim parle plus de la liberté de l'homme et de son choix à choisir la Voie Divine ou non, ainsi que des implications de son choix, Vayelekh s'ouvre sur le commandement de Hak'hel, du Rassemblement (Dvarim 31:12). Ce commandement s'applique au Roi, il doit réunir une fois tous les sept ans tout le Peuple au Temple (Beit HaMikdash) et lire dans la Torah (en particulier la parasha de Shema marquant l'acceptation du joug Divin) devant tout le monde, femmes et enfants compris.
Il y a une discussion entre le Rambam, Rav Eliezer de Metz et le Sefer Hah'inouh' quant à savoir si le commandement est de rassembler, d'étudier, de lire ou plutôt que les paroles du Roi soient entendues.

Il est évident que ce commandement ne peut s'appliquer qu'en Israël, car il faut premièrement, comme dit, un Roi et deuxièmement, cela se déroulait au Mont du Temple en présence, troisièmement, de tout le Peuple, et cela n'est valable qu'en Israël. En effet, les Juifs se trouvant en dehors d'Israël sont exempts du commandement de monter au Temple durant les trois fêtes de pèlerinage (Psachim 3b, Tossafot s.v. Me'eleah - "Netzivin est en dehors d'Israël") et ne font pas partie intégrale de l'ensemble "tout Israël", à cet égard.

A ce propos il est raconté dans la guemara (T.B. H'aguiga 3a) que Rabbi Yo'hanan ben Broka et Rabbi Elèazar H'asma étaient partis visiter Rabbi Yehoshoua, à Pèkiin. Il leur dit : quoi de nouveau au Beit Hamidrash (= dans la maison d'étude) aujourd'hui ?
Nous sommes tes élèves et nous buvons tes paroles de sagesse, répondirent-ils. Quand même, rétorque leur maître, il n'y a pas de Beit Hamidrash sans nouveautés, à qui était-ce le shabat? A Rabbi El'azar ben Azarya, il nous a enseigné la parachat Hak'hel, et avons appris que si les hommes doivent venir pour apprendre, les femmes doivent venir pour écouter, mais la question est: les bébés pourquoi viennent-ils? La réponse : pour assurer une bonne récompense à ceux qui les accompagnent. Lorsque Rabbi Yehoshoua entendit cette interprétation du verset. Il leur dit : vous aviez une pierre si précieuse dans vos mains et vous vouliez m'en priver ?!

Pourquoi Rabbi Yehoshoua réagit-il avec tant d'enthousiasme à la leçon qu'il venait d'entendre?
C'est qu'il avait été lui-même amené par sa mère à la yeshiva, dans son berceau. Elle disait toujours : "il faut que l'oreille de mon garçon s'habitue aux paroles de la Torah." Et c'est la raison essentielle pour laquelle il faut amener les bébés dans ce grand rassemblement (selon le Talmud de Jérusalem, Yevamot 1).

Mais au delà d'une simple identification avec le propos énoncé, Rabbi Yehoshouha est heureux de voir que ses disciples comprennent la valeur de l'éducation.
En effet, seule une éducation aux valeurs de la Torah, de l'Etat d'Israël (en l'occurrence dans ce cas, le Royaume) sur sa Terre peut conduire à l'unité.

Puissions-nous mériter voir l'unité, sur notre Terre, de tous les Juifs, construire notre Temple et mériter la Délivrance pleine et entière, de nos jours.
Amen.

27/08/2010

Parashat Ki-Tavo

Parashat Ki-Tavo
Le mérite des prémices

"Lorsque tu viendras sur la Terre que D' te donne en héritage, tu la conquerras et l'occuperas (y habiteras). Et tu prendras des prémices de tous les fruits de la terre (adama) que tu amèneras de ta terre (artzeh'a) que l'Eternel ton D' t'a donné..." (Dvarim 26:1).

Nos Sages nous enseignent (Sifrei, 156, 14 ֵ[psikta 297]) "accomplis ce commandement ( = celui des prémices - bikourim) car par son mérite tu rentres en Israël".

Le H'atam Sofer pose la question, au nom de son maître, le Hafla'a : comment est-ce possible d'accomplir le commandement avant d'avoir conquis la Terre, puisqu'il est bien dit que par le mérite des bikourim (prémices) on rentre en Terre Sainte ?

Il répond ("Torat Moshé", Mahadura Kama, Dvarim, p. 44) :

"Malgré que nos ancêtres sont allés "de peuple en peuple et d'un royaume à l'autre" (Psaumes 105, 13), à chaque endroit de leur déplacement leur cœur, leurs yeux et leur pensée étaient toujours portés vers la Terre promise que D' leur a donné. Ainsi, les tribus ont-elles dit à Pharaon "nous sommes venus résider [temporairement] (lagour) en ton territoire" (Bereshit 47:4) et non pas y habiter [de manière fixe] (lehityashev). Car en chaque instant nous pensons à notre Terre. Et tant qu'ils y pensaient Pharaon et ses décrets ne les touchaient pas. […] De la même manière, dans le passage des bikourim, il est écrit "il descendit en Egypte et ils y résidèrent (vayagor) en petit nombre" - y résidèrent (garou) comme des étrangers (gerim) et n'ont pas abandonné leur patrie. […] Chaque endroit où vous allez, toutes vos pensées seront liées "à la Terre" [= d'Israël] […] par conséquent on dit "nous Te remercions pour ce que tu as donné à nos ancêtres" - il s'agit du don d'une Terre désirée à nos ancêtre descendus en Egypte à chaque endroit de leur exil. Et par leur mérite, Tu nous as sorti d'Egypte. Ainsi, nous comprenons le verset : "Lorsque tu viendras sur la Terre que D' te donne en héritage" - qu'elle soit déjà avant ta venue, ton héritage, quelque soit l'endroit où tu te trouves, penses-y. Alors, méritant, "tu la conquerras et l'occuperas". De cette manière, tu comprends le propos de nos Sages (Sifrei, ibid.)"

Le H'atam Sofer comprend donc qu'il s'agit d'un acte de pensée. Le commandement d'amener les prémices de la terre est très important puisque le monde a été créé pour cela (cf. Bereshit Rabba, 1), mais plus important encore (et c'est peut-être comme ça qu'il faut comprendre ce midrash, cf. "Binyan Av", Sih'ot ouMaamarim, t. II, siman 40, p. 259 et suiv.) est l'idée du commandement : remercier D', reconnaître Sa Bonté. Ce remerciement, cette idée c'est celle de remercier pour la Terre qu'Il nous a octroyé, donné.
[Le Rav Yona Imanuel (Hama'ayan, 5743) disait au nom du rav Shraga Feibel Frank qu'on accomplit cela aussi par la récitation du Birkat HaMazon [= les actions de grâces après le repas], lorsque l'on dit "une Terre désirée, bonne et large, Tu as donné à nos ancêtres" (ce h'idoush est basé sur le midrash Shir HaShirim Rabba, 5), nous remercions D' pour la Terre Sainte autant que pour la nourriture, à tel point que si l'on ne dit pas ce passage cité précédemment, l'on n'est pas quitte du Birkat HaMazon et il faut le refaire (cf. Rambam, Lois des Bénédictions, chap. 2, loi 3, cf. également les notes du Rav Kapah', ibid. pour les preuves du T.B. Brakhot 48b, cf. encore Maharal, Netivot Olam, Avoda, chap. 18, p. 140-141).
Le Rav Shlomo Zalman Auerbach explique qu'il s'agit de lire ces mots avec intention, car sinon, c'est comme s'il ne les avait pas dit ("Minh'at Shlomo", t. I, siman 2). Il paraît que lui-même répétait ces mots lors de la récitation du Birkat HaMazon.]
Ainsi, quiconque se remémore la Terre promise, peut importe où il se trouve, y a droit. C'est le mérite dont nos Sages parlaient.

Le Rav Shaoul Israëli (Siah' Shaoul, p. 531) pose la même question, mais y répond différemment.
Il explique que le concept "d'entrée en Israël" n'est pas un concept géographique uniquement - il est des gens, dit-il, qui passent physiquement leur vie en Israël, alors que leur âme n'y est pas.
"Entrer en Israël signifie reconnaître le principe spirituel et admettre le rôle spirituel de cette Terre, à la différence des autres pays du monde et de leur population expliquant de facto la différence du Peuple qui doit y résider, par rapport aux autres peuples. Par conséquent et à cause de cela, l'évolution de l'occupation de la Terre est complètement différente des autres pays et elle doit l'être. En effet, seulement lorsque ces deux éléments "tu la conquerras et tu l'occuperas" s'accomplissent, qu'il devient nécessaire de lier la somme des événements qui nous ont amené jusqu'ici, percevoir la non-naturalité de toute l'histoire juive et par conséquent que l'Etat qui doit se créer ici ne peut pas être tel les autres pays. Alors et seulement alors, tu rentres en Israël…"

Le Rav Israëli zatsal, à la différence de H'atam Sofer, ne comprend pas cet enseignement comme une voie spirituelle nous liant à D', nous délivrant. Il voit plutôt le côté pratique - entrer en Terre d'Israël, c'est créer un état différent des autres états du monde, modèle de morale, de bienfaisance et d'accomplissement de la Volonté Divine - il s'agit moins de conquérir la Terre physiquement que spirituellement, dans l'acceptation d'un pareil état, lumière pour les Peuples. Quiconque accomplit le commandement des prémices, élève les fruits de la terre, alors qu'elle est déjà occupée, à un niveau spirituel, à un niveau Divin, mérite d'entrer en Israël spirituellement, de lier son histoire à celle de millions de Juifs à travers les générations qui ont tout sacrifié et donné à ce but, pour la Terre d'Israël.

Puissions-nous voir ce jour rapidement et à nouveau amener nos prémices au Temple à Jérusalem, Amen.

Shabat shalom.
Shmouel Elikan


Dédié à la guérison de Avraham H'ayim ben Sarah, Menah'em ben Huguette ainsi qu'à tous les malades de notre Peuple, d'autant qu'à la mémoire bénie du Rav Yehouda Amital, du Grand-Rabbin d'Israël, le Rav Mordekhai Tzemach ben Mazal, à Simone bat Zoé, à H'aya Routh bat Miriam veH'ayim, à Yirmiahou H'ayim ben Miriam, et à tous ceux qui sont tombés pour la gloire d'Israël, tous nos soldats. Soit leur mémoire bénie !

Parashat Ki-Tetze

Sidra Ki Tetze

La Sih’a du Rav Chaim Sabato

Notre sidra énumère un nombre très grand de commandements et contient beaucoup d’intéressants éléments, toutefois, nous allons nous concentrer uniquement sur deux aspects de celle-ci : « Quand tu sortiras en guerre contre ton ennemi… » [1] et le passage du « fils rebelle » [2].

La sortie en guerre
Le Talmud (dans le traité de Sota) nous apprend que tous les « fauteurs » présents dans le peuple ne sortaient pas en guerre, même ceux qui parlaient entre la mise des tfilin (phylactères) du bras et ceux de la tête [3].
N’est-ce pas extraordinaire ?
L’armée du peuple d’Israël n’est ni barbare, ni monstrueuse, ni répugnante, elle est faite de gens pieux, moraux, des tzadikim !
Ainsi, nous voyons que la suite de la paracha évoquant la volonté de se lier avec une captive étrangère ne provient guère d’un “manque d’éducation“ ou d’éthique, d’un homme occupé à écouter son mauvais penchant, assouvissant tous ses désirs.
C’est ainsi que commente le « Or HaH’ayim » le verset citant la crainte du cœur (v’yareh’a levav) : il s’agit, dit-il, de la crainte qu’un homme a de son penchant.
Il nous apprend ici un très grand principe : la force de l’homme est grande et elle peut l’emmener, le pousser, le diriger, même s’il est le plus grand des sages, le plus pieux des héros, à des endroits non raisonnables. Par là-même, nous constatons que les forces de l’homme sont limitées. La Torah, en réponse à cela, nous propose un “système“, un paradigme, un environnement, pour arranger cela, pour accompagner les désirs, pour mieux s’en méfier. C’est ainsi que le Rav Avraham Itzh’ak HaCohen Kook enseigne – selon un passage du Talmud - qu’il est interdit, selon ce principe, de compter sur les forces de l’homme uniquement.

Le fils rebelle
La guemara (Sanhédrin 98b) juge de la véridité factuelle du fils rebelle et enseigne que selon l’avis « qu’il n’a jamais existé et n’a jamais été créé », notre passage dans la parasha est justifiée par son étude – « étudies la et sois récompensé ». Nous devons donc comprendre de quoi il s’agit, l’étudier en tous cas.
La Torah décrit le fils rebelle par cinq attributs :
Sorrère – il va dans une autre voie, il sort du droit chemin.
Moréh – « il désobéit aux propos de son père » (Rashi), à plus forte raison de ses maîtres.
Eineno shomea bekol aviv ve’imo – il n’écoute pas les paroles de ses parents
Zollel – assouvit tous ses désirs corporels.
VéSovéh – se soûle.

Un homme en quête de soi-même, surtout à l’adolescence, puisqu’il s’agit ici bien de cela, est une chose qui n’est pas tellement étonnante, voire extraordinaire. Est-ce surprenant qu’un adolescent n’écoute pas la voix de ses parents ?
On peut répondre que dans le cas du fils rebelle, la situation est bien plus grave, puisque ça n’est plus seulement une simple crise d’adolescence, mais une véritable et puissante rébellion : il va assouvir tous ses désirs et se soûler, ça n’est plus du tout « naturel » et c’est interdit.

Le “Or Sameah’“ (Rav Meir Simh’a HaCohen de Dvinsk - dans son livre sur la Torah « Mesheh’ H’oh’mah ») explique l’état idéal évitant une telle situation : laisser à l’individu la place de se développer afin de qu’il puisse se confronter à de nouveaux événements et user de ses forces de manière positive, par des voies qui ne sont guère prohibées.

Même si l’homme faute, il y a toujours un espoir qu’il se répentisse (fasse techouva), mais lorsqu’on lie cette folie qu’est l’accomplissement de tous ses désirs et sortir de son état naturel pour se soûler quotidiennement, il n’y a plus d’espoir de pouvoir échapper, se sortir de sa rébellion, c’est ainsi que nous enseigne le Sforno.

Et pourquoi la guemara dit « étudies et sois récompensé » ? Pour nous enseigner le danger de la liaison entre les deux éléments (sorrère oumoreh et zollel vesovéh – rebellion et assouvissement des désirs).

Conclusion
De ces deux épisodes extrêmes, on voit combien les forces de l’hommes sont limitées et le danger qu’il y a en elles. Et voici que la Torah nous enseigne de ne pas y céder, d’user de nos forces de manière positive et constructive. Même le Sage et pieux pense qu’il est assez fort et finalement tombe, cède à ses désirs, veut les assouvir, ici de manière licite toutefois, mais qui nous assure qu’il en sera toujours ainsi, alors à plus forte raison quand ça ne l’est pas ! Il en est de même du fils rebelle, ses forces sont mal utilisées, dans une mauvaise direction. Il arrive à la mesure de l’épicurien – tant dans le sens de apikoros – renégat, qu’au sens commun du terme où il cherche à profiter de chaque morceau de viande et à se soûler autant que possible (cf. Ibn Ezra, ibid.), où il n’y a plus de retour possible.
Le message est clair, on parle d’extrêmes, mais c’est là la force de l’homme et il doit la diriger, la controler. Message moral de grande importance.

Puissions-nous tous utiliser nos forces pour améliorer le monde de manière attentive et juste nous amenant au bon endroit.

Shabat shalom.

[Traduit, adapté et annoté par S. Elikan]


[1] Dvarim 21:10

[2] Dvarim 21:18 – 21:21

[3] Il existe une discussion entre Rashi [sur T.B. Menah’ot 36a s.v. lo sah’] et Rabbeinou Tam [ibid. s.v. lo]. Le premier affirme qu’il n’y a qu’une seule bénédiction sur les deux tfilin (celle de la main et celle de la tête)– cela se comprend du talmud (ibid.) enseignant que quiconque parle entre les tfilin de la main et de la tête, doit en dire deux, et donc si on ne parle pas, on n’en dit qu’une seule. C’est également l’opinion du Rif (Rabbi Yehouda Alfassi, 8a dans ses pages), du Rambam (lois des tfillin, ch. 4, loi 5), ainsi que du Rashba (resp. t.I, 156 et 809). Le second, affirme qu’il faut dire deux bénédictions puisque ce sont deux lois différentes et la preuve du T.B Brah’ot (60b), du Yeroushalmi (chap. 9, loi 3) ainsi que du Midrash Tanh’ouma (fin de la parashat Bo, 14). C’est également l’opinion du Rosh et du Tour [quant à la compréhension de Rabbeinou Tam du passage précédemment expliqué par Rashi, cf. Arouh’ HaShoulh’an, O.H. Tefilin, 28, 10].

06/08/2010

parashat Reeh

Un regard, des regards

Dans notre parasha sont traités plusieurs sujets:

- «Vois», dit Moché au peuple, « je présente devant vous aujourd’hui la bénédiction et la malédiction » : la bénédiction résultera de l’accomplissement des commandements et son contraire de leur abandon. L’une et l’autre sont proclamés sur le Mont Grizim et sur le Mont Eval après que le peuple ait traversé le Jourdain.
- On nous dit que le Temple devra être établi «au lieu que D.ieu choisira pour y faire demeurer Son nom». Le peuple y apportera ses sacrifices ; nulle part ailleurs on ne pourra faire d’offrandes à D.ieu . Il reste permis d’abattre, en dehors de ce lieu, des animaux, simplement pour en manger la viande. Le sang, cependant, (qui est versé sur l’autel dans le Temple) ne doit jamais être consommé.
- Puis l'épisode du faux prophète ou quiconque entraîne son prochain à servir les idoles devant être condamné à mort; une cité idolâtre devant être détruite. Les signes qui permettent d’identifier les poissons et les animaux cachères, ainsi que la liste des oiseaux non cachères sont répétés. (Il avaient d’abord été mentionnés au chapitre 11 de Vaykra, dans parashat Shemini.)
- On nous enseigne encore qu'un dixième de toutes les productions devra être consommé à Jérusalem ou bien être vendu pour de l’argent, lequel servira à acheter des nourritures là-bas et à les y manger. Certaines années, cette dîme est donnée aux pauvres. Les premiers nés du gros et menu bétail doivent être offerts dans le Temple et leur chair est consommée par le Cohen.
- La Mitsva de charité oblige un Juif à aider son prochain nécessiteux par un don ou un prêt. L’année sabbatique (qui intervient tous les sept ans), toutes les dettes doivent être abandonnées (shmitat ksafim).
- La Paracha conclut avec les lois des trois fêtes de pèlerinage, Pessa’h, Chavouot et Souccot, durant lesquelles chacun doit venir « voir et être vu » devant D. au Beth-Hamikdach et l'obligation de se réjouir à celles-ci.

Une longue parasha pleines de sujets intéressants et de nombreux commandements (17 positifs et 38 négatifs, selon le Sefer Hah'inouh' et encore plus selon le Ramban!).

Alors, la question qui se pose : quel lien y a-t- il entre le fait que Moché place devant Israël la bénédiction et la malédiction, selon leur obéissance ou non aux lois de Dieu. et le fait qu'il leur explique que le culte sacrificiel sera établi dans un ieu à déterminer, et exhorte le peuple à ne pas écouter ceux qui voudraient les inciter à l'idolâtrie et qu'en tant que fils de Dieu, ils doivent se différencier des peuples idolâtres environnant, notamment par leur alimentation et qu'ils doivent prélever la dîme sur la récolte, aider les pauvres, libérer les esclaves et enfin, accomplir les fêtes de pèlerinage ?

De prime abord, il semblerait que le lien soit plutôt d'ordre social. Notre société, si elle veut la bénédiction, tant pour les individus qu'en tant que groupe doit reposer sur la foi en un D'. Unique, depuis notre vie spirituelle jusqu'à notre vie la plus matérielle, comme la nourriture, tout doit être sanctifié, prélevé, y compris la Terre, pour bien souligner notre dépendance et le fait que notre ordre social ne soit pas un simple accord tacite de type "contrat social", mais bien un ordre Divin imposé [cf. H'izkouni et Bekhor Shor, Dvarim 11:26]. Notre lien à autrui, à D' et à la Terre, puis à nous-mêmes est Divinement régi. Ce principe est vrai, mais nous aimerions essayer de l'approfondir quelque peu selon deux compréhensions possibles d'un commentaire au début de la parasha.

Il s'agit bien évidemment des propos du Sforno qui affirme :
"Regarde et vois que ton affaire (inyaneh'a) ne soit pas de manière moyenne (beinoni) tel qu'il est d'usage chez les autres peuples, car il est vrai que Je vous donne la bénédiction et la malédiction et elles sont deux extrémités, etc."


Ce commentaire semble bien intriguant. Que veut-il dire par là?
Le Rav Avraham Elkana Shapira zatsal [ancien rosh yeshiva de Merkaz HaRav ; Alon Kommemiut, Av 2006] propose l'explication suivante. Le Sforno nous enseigne ici un principe de base important. On ne peut pas vivre "moyens", à moitié ici et à moitié là, mais il faut tendre à la plénitude, selon le Sifrei [ibid.] qui lie notre verset au libre-arbitre annoncé dans parashat Nitzavim "et tu choisiras la vie" (ouvah'arta bah'ayim), il ne s'agit pas uniquement de choisir le bien, le juste, la bénédiction, mais de le choisir pleinement pour arriver à une vie pleine et intègre.
Ce même principe se retrouve dans la Guemara à propos du Jour de Jugement (Rosh HaShana) approchant à grands pas - "les moyens" sont suspendus jusqu'à Yom Kippour, s'ils sont méritants, ils sont inscrits à la vie. On explique que durant les dix jours de Pénitence, l'homme peut changer son destin en ajoutant des mitzvot et des bonnes actions.
Le Ritva dans son commentaire sur la Guemara s'étonne : pourtant selon Beit Hillel, celui qui est à moitié méritant et à moitié coupable, D' Lui-même fait pencher la balance en sa faveur par Sa Générosité, il n'y a pas besoin, alors d'ajouter des mitzvot et des bonnes actions durant les dix jours de Pénitence, puisqu'il est déjà assuré à Yom Kippour de mériter une bonne année.
Il répond qu'en réalité D' Veut que l'homme tranche son propre sort et destin par ses actes et justifications, que l'homme lui-même agisse et choisisse la vie et ne reste pas "moyen".

Ajoutons encore une pierre à l'édifice, plus lévinassienne peut-être, mais qui serait également envisageable pour comprendre les propos du Sforno.
Le terme Brah'a - bénédiction, dont la racine est BRH', s'écrit en hébreu avec un Beth qui vaut 2, un Reish - 200 et un Kaf - 20. Tous marquent la dualité, le dépassement de soi-même.
Ainsi, Rabbeinou Bah'ya [sur Dvarim 8:10, cf. encore Maharal, Beer HaGula, 4, vers la fin ; H. Infeld, Torat HaGra VeMishnat Hah'assidout, p.33-38] explique que selon la Kabala "Brah'a" signifie "ajout et pluralité".

Quiconque est capable de se dépasser, de se surpasser, de ne pas rester figé dans sa vision du monde, de voir à partir de moi, mais bel et bien de regarder depuis le côté, d'où le terme "reeh", regarde, ne peut plus rester "moyen". Être moyen c'est vivre selon les lois de la nature tout en s'imposant une certaine morale, c'est vivre un vide, oublier de se lier à quelque chose de transcendant. On peut être Juifs, peuple éternel, spirituels, etc. et vivre comme des animaux, cela n'empêche pas. Le choix est justement la quête de la transcendance, se lier à quelque chose de plus grand que moi, qui me sorte de moi-même. C'est D'. Seule transcendance également immanente, éternellement vraie, puisque Vérité en-soi. La Torah et les mitzvot sont la Voie qu'Il nous a donné pour se lier à Lui, quel cadeau ! Pour cela, Son Saint Nom doit reposer partout, dans chaque élément de notre vie, même sociale. Seulement ainsi on pourra en arriver à la plénitude, à la shlémout, à la vie.

Halevay Aleinou,
Shabat Shalom



Quelques perles…

"Regarde, Je place aujourd’hui devant vous la bénédiction et la malédiction » (Dvarim 11:26)
De nombreux commentateurs font remarquer que ce verset commence au singulier («regarde») pour passer ensuite au pluriel («devant vous»).
Rav Yossef de Sloutsk rappelle l’enseignement de la Guemara (Qiddouchin 40b) :
«Heureux est celui qui accomplit ne serait-ce qu’une seule mitsva, car il fait pencher la balance de la justice non seulement en sa faveur, mais pour le bien du monde en général!»
Nous pouvons en déduire que le monde est jugé selon les actions accomplies par la majorité des hommes. S’ils se comportent dûment, il sera sauvé malgré l’inconduite des pécheurs. Chaque individu peut modifier le résultat, car il suffit d’une seule mitsva pour infléchir les plateaux de la balance. Telle est l’idée soulignée par notre verset, qui avertit l’homme – au singulier – que ses actions exercent une influence sur la société en général – celle décrite au pluriel. Quand il accomplit des mitsvot, l’individu suscite une bénédiction divine, tandis que lorsqu’il pèche, il attire des malédictions sur le monde entier.

Ce verset nous apprend, explique Rav Moché Feinstein, que l’octroi de récompenses dans le monde matériel dépend de l’état spirituel de la génération. Il arrive que quelqu’un mérite une rétribution mais qu’il ne la reçoive pas ici-bas à cause de l’indignité de ses contemporains.
Voilà pourquoi la Tora dit à l’homme : « regarde » – au singulier – que les bénédictions et malédictions attribuées par Hachem sont « devant vous » – au pluriel ; elles dépendent de la situation de la société dans sa globalité.

Le Rabbi de Kotzk expliquait encore : le fait que D' ait "placé devant" nous est accepté par les Juifs, c'est donc au pluriel, alors que pour ce qui est de la définition de la bénédiction et de la malédiction, chacun le voit différemment de ses propres yeux, donc au singulier.
(Maayana Shel Torah, Reeh)

"La bénédiction et la malédiction" (ibid.)
Moché ne dit pas ici qu’il place devant le peuple « le bien et le mal », fait remarquer le Gaon de Vilna, car il arrive que les méchants soient comblés tandis que les justes souffrent. Hachem choisit parfois de récompenser les impies dans ce monde-ci pour les quelques bonnes actions qu’ils ont réalisées, tandis qu’Il fait souffrir les justes pour leurs rares péchés afin de ne pas amoindrir leur récompense dans le Monde à venir.
L’homme qui s’est rendu digne de la bénédiction divine peut être certain qu’elle arrivera, même si ce n’est pas immédiatement. L’infortune présente n’est que transitoire, et la récompense qu’il mérite sera acquise quoi qu’il arrive. C’est ainsi que la berakha de Ya‘aqov assurant son petit-fils Efrayim qu’il «se multiplierait abondamment» (Beréchith 48, 16) ne s’est pas aussitôt réalisée.
Telle est la raison pour laquelle notre verset parle de « bénédiction et malédiction », et non de « bien et mal ».

"Regarde, Je nothén (littéralement: «donne») aujourd’hui devant vous la bénédiction et la malédiction" (ibid.)
La Tora s’exprime ici au présent – nothén –, fait remarquer le Gaon de Vilna, et non au passé – nathati. Gardons-nous de penser que le choix de la « bonne voie » nous « fige » dans cette attitude positive, ni que le choix du mal ne laisse aucune possibilité de changement. La Tora nous apprend ici que la possibilité d’opter pour le bien ou pour le mal se maintient en permanence devant nous, jusqu’à notre dernier souffle. Elle « t’est » donnée constamment ; elle ne t’a pas « été donnée ».
Il ne faut en aucun cas se dire : « Jamais je n’arriverai à réparer tout le mal que j’ai perpétré ! », ou : « Je n’obtiendrai jamais le pardon pour les innombrables péchés que j’ai commis ! » Le choix de faire le bien nous est donné présentement, « aujourd’hui », à tout moment de notre vie. Celui qui se repent est considéré comme un nouveau-né, pourvu qu’il soit sincère dans sa contrition, et qu’il se dirige réellement dans la bonne voie.
Ne doutons jamais non plus de notre faculté de résister aux séductions de notre penchant au mal. Soyons au contraire bien conscient du fait que notre aptitude à accomplir le bien nous est procurée par Hachem, qui sera avec nous, comme Il nous le dit Lui-même – « Je donne aujourd’hui… » N’ayons donc aucune crainte ! Nos Sages nous enseignent en effet (Soucca 52a) que le mauvais penchant nous domine constamment et que si Hachem ne nous assistait pas, nous serions vaincus !
Ne nous laissons pas davantage aller au désespoir en pensant qu’Il accordera Ses bénédictions uniquement s’il y a de nombreux hommes vertueux ici-bas, et donc qu’il ne sert à rien d’être le seul tzadik (juste) dans un environnement dépravé… La Tora emploie ici le singulier (« regarde »), pour bien montrer que même l’individu peut être le véhicule par lequel la bénédiction divine se répand dans le monde entier.

"La bénédiction, si vous écoutez…" (ibid., 27)
Notre verset, indique le Or ha-‘Hayim, parle de deux bénédictions : celle qui nous est promise si nous « suivons » la voie voulue par Hachem, et celle que nous vaudra « l’écoute » de la Tora. Cette « audition » est en soi une bénédiction, comme le dit le prophète (Yecha’ya 55, 3) : « Ecoutez, et votre âme vivra… » Celui qui, attentif à la Tora, se délecte de sa saveur, se sait aussitôt redevable d’une dette de gratitude envers Celui qui lui en a fait don. Il va sans dire qu’il ne lui viendra même pas à l’idée de réclamer une récompense pour cette loyauté.
Moché nous informe ici que la bénédiction est accordée à celui qui ne fait qu’« écouter » la Tora, indépendamment de celle que lui vaut l’observance pratique des mitsvot.
L’âme de celui qui « écoute » la parole de Hachem en est amendée, car la Tora est un élixir de vie.

30/07/2010

Parashat Ekev

Ce sera, parce que (éqèv) vous aurez écouté. (7, 12)

Le mot hébreu éqèv, que nous avons traduit par « parce que », peut également signifier « talon ». Selon la Michna (Avoth 1, 4), fait remarquer le 'Hatham Sofèr, la connaissance de la Tora s'acquiert « en s'asseyant à la poussière des pieds [des Sages] et en buvant avidement leurs paroles ».

Ces deux attitudes sont interdépendantes : En « s'asseyant à la poussière des pieds » des talmidei 'hakhamim, on parvient à saisir leurs propos et la sagesse qui s'en dégage, laquelle est aussi bénéfique que l'eau à un homme assoiffé. Par le passé, ceux qui voulaient étudier la Tora circulaient souvent de ville en ville à la recherche d'un maître qui leur convînt, et qui fût apte à étancher leur soif. Notre verset recommande cette façon de faire, car il peut être interprété comme signifiant : « Wehaya 'éqèv ce sera, par le talon » c'est-à-dire par le mérite de tous vos déplacements et vos voyages à la recherche d'un maître «tichme'oun, vous écouterez » vous entendrez et comprendrez alors « ces lois-là ».


Ce sera, parce que vous aurez écouté. (7, 12)

La Tora et les mitswoth sont qualifiées de « plus précieuses que l'or » (Tehilim 19, 11), le texte ajoutant (verset suivant) : « ton serviteur y est aussi attentif, en observant celles grandement [foulées au] 'éqèv ('talon') ».
Le Midrach Tan'houma explique ce passage comme suit : David dit à Hachem : « Maître de l'univers ! Ne crois pas que j'observe Tes paroles simplement parce qu'elles sont plus précieuses que l'or ! Mais Ton serviteur y est attentif, et il observe même celles, parmi elles, qui sont simples ! » C'est pourquoi il est écrit (ibid. 31, 20) : « Comme il est considérable, le bien que Tu dissimules pour ceux qui Te craignent », à savoir l'immense récompense que Tu réserves à ceux qui, Te craignant, accomplissent dûment les commandements « faciles ».
L'homme pourrait être tenté de concentrer ses efforts sur les mitswoth les plus difficiles, explique le Sefath Emeth, en leur attribuant à tort plus d'importance qu'aux autres. Or, déclare ici le roi David, c'est pour avoir attaché un soin et une attention extrêmes à ces injonctions « faciles » que les gens ont tendance à piétiner de leurs talons, que « ton serviteur est aussi attentif "bahèm", à elles », à savoir aux mitswoth plus ardues et graves.
Le véritable homme de foi reconnaît qu'Il nous récompense pour toutes nos mitswoth, y compris pour celles pouvant être réalisées facilement et sans effort.
Moché a annoncé aux enfants d'Israël, explique dans le même sens Rachi, que la récompense promise par Hachem sera offerte « si vous écoutez les mitswoth faciles, que l'homme piétine avec ses 'talons' ».

Or, cela est difficile à comprendre : Pourquoi mériterions-nous toutes Ses bénédictions pour avoir accompli précisément les commandements « faciles » ?

Rabbeinou Yona (Cha'arei Techouva 3) cite la Guemara (Berakhoth 4b), selon laquelle celui qui transgresse les enseignements des Sages est passible de mort.
Cela tient, explique-t-il, à ce que les gens se permettent de violer ces préceptes au motif qu'ils sont moins importants que les commandements.

Il en va de même pour ce qu'on appelle des mitswoth faciles.

L'homme tend à les minimiser et à y contrevenir, et une fois qu'il les a enfreintes, il se justifie de manière ridicule, comme s'il voulait se convaincre qu'il peut en trouver d'autres, plus difficiles à observer, et donc plus « prometteuses ».

Or, au contraire, puisqu'elles sont « faciles » et couramment sous-estimées, notre libre arbitre à leur égard est plus considérable, ainsi que la récompense value par leur pratique zélée.


Ce sera, parce que vous aurez écouté ces lois (michpatim). (7, 12)

La Tora parle ici de "michpatim" de lois logiques, dont nous pouvons comprendre les motifs, fait remarquer le Choèl ou-Mèchiv, et non de 'houqim, de décrets divins que notre raison ne peut cerner, et dont l'observance pourrait donc sembler plus méritoire. Or, une autre dissemblance sépare ces deux catégories de commandements : Quoique la mise en pratique des « lois » soit plus facile, il est cependant malaisé de les observer sans arrière-pensées, exclusivement en tant qu'injonctions de Hachem, et ce précisément parce qu'elles s'imposent logiquement.

Quant aux 'houqim, notre entendement ne pouvant participer à leur observance, il est plus facile de les accomplir le-Chèm Chamayim, parce qu'Il nous les a imposés et à seule fin de répondre à Sa volonté. Tenant compte de cette différence, Hachem nous assure que si l'on pratique les michpatim avec une totale pureté d'intentions, Il nous en récompensera abondamment.

Ce sera, parce que vous aurez écouté ces lois Hachem, ton Dieu, te gardera l'alliance et la bonté qu'Il a jurées à tes pères. (7, 12)

La Tora établit ici un lien entre l'accomplissement de Ses commandements et Sa promesse à nos aïeux, fait remarquer le Chèm mi-Chemouèl, car les descendants de 'Essaw auraient pu faire valoir leur mérite ancestral, étant issus eux aussi, d'Avraham et de Yits'haq. Voilà pourquoi il est stipulé ici que cette promesse est conditionnée par le respect de Sa parole. Par l'observance des mitswoth, nous montrons que nous sommes vraiment les enfants de ceux auxquels Il a donné Sa parole. Ainsi, « Il 'te' gardera 'à toi seulement' l'alliance et la bonté »



Source : http://www.chiourim.com/paracha_article/sefer_devarim/%27eqev.html

26/07/2010

Parashat Vaeth'anan

A la mémoire de mon grand-père Moshé ben Avraham za"l


La foi d'Israël et la foi naturelle


Au début de la parasha, Moshé implore D'. de le laisser entrer en Terre d'Israël (Dvarim 3:23-27), en réponse il reçoit l'ordre Divin de monter sur la colline (lui permettant de contempler la Terre) et de renforce le leadership de Yehoshua (3:28-29). Il poursuit ensuite le récit des quarante années d’errances dans le désert qui viennent de s’écouler. Il rappelle les journées grandioses du Sinaï et le don de la Torah - il est toutefois à noter que le Décalogue y est indiqué légèrement différemment que dans parashat Yitro. Suivent le "Chéma", quelques commandements et avertissements.

Un des avertissements répété est celui de s'éloigner de l'idolâtrie.

Ainsi, il est écrit (Dvarim 4:15-20) :

"Veillez attentivement sur vos âmes, puisque vous n'avez vu aucune figure le jour où l'Éternel vous parla du milieu du feu, à Horeb, de peur que vous ne vous corrompiez et que vous ne vous fassiez une image taillée, une représentation de quelque idole, la figure d'un homme ou d'une femme,
la figure d'un animal qui soit sur la terre, la figure d'un oiseau qui vole dans les cieux,
la figure d'une bête qui rampe sur le sol, la figure d'un poisson qui vive dans les eaux au-dessous de la terre.
Veille sur ton âme, de peur que, levant tes yeux vers le ciel, et voyant le soleil, la lune et les étoiles, toute l'armée des cieux, tu ne sois entraîné à te prosterner en leur présence et à leur rendre un culte: ce sont des choses que l'Éternel, ton Dieu, a données en partage à tous les peuples qui sont sous le ciel.
Mais vous, l'Éternel vous a pris, et vous a fait sortir de la fournaise de fer de l'Égypte, afin que vous fussiez un peuple qui lui appartînt en propre, tels que vous l'êtes aujourd'hui."

Ces propos semblent de prime abord assez étranges.
En effet, ils relèvent plusieurs interrogations :
1. à qui s'adresse-t-on, à des fous? pourquoi un homme censé se prosternerait-il, surtout après avoir vécu la formation universelle du premier Peuple monothéiste, devant des animaux, les astres, etc. !?
2. pourquoi énumérer précisément ces dix éléments (homme, femme, animal terrestre, oiseau, bête rampante, ou aquatique, le soleil, la lune, les étoiles, le ciel entier (tzva hashamaim), alors que ceux-ci sont compris dans les mots "une représentation de quelque idole"?
3. que veut dire la Torah quand elle dit "ce sont des choses que l'Éternel, ton Dieu, a données en partage à tous les peuples qui sont sous le ciel"? Le service idolâtre est-il légitime à un non-Juif? Pourtant c'est un des sept commandements auxquels ils sont toutefois astreints!
4. quel lien y a-t-il entre la fin "vous, l'Eternel vous a pris, afin que vous fussiez [pour lui] un Peuple" et tout ce qui est indiqué au début du propos?

Essayons également de comprendre l'avis du Rama [Rabbi Moshé Isserless, sur Sh. Ar., O.H., fin du Siman 156] que les nations du monde ne sont pas obligées à "l'association" (shitouf). C'est-à-dire qu'il leur est permis de croire en D', tout en croyant en d'autres forces extra-naturelles. Alors que le Noda BeYehouda [Rav Yeh'ezkel Segal Landa(u), resp. (tanyana), Y.D., siman 144 - la réponse a néanmoins été rédigée par son fils, mais il semblerait avoir agréé] exprime le fait que le Rama se soit trompé dans la compréhension des rishonim. Il est cependant vrai que ses propos sont difficilement concevables au vu des nombreuses preuves et références que ramène le Noda BeYehouda (ibid.). Si l'idolâtrie est interdite en soi pour les non-juifs, comment la permettre en "association" avec la foi en D', cela semble bien contradictoire! Cela voudrait encore dire que les chrétiens ne sont pas idolâtres…

En bref [selon le livre "Rouah' H'en", parasha 15, du Rav Natan Herz Wessely].
En réalité, il faut comprendre les paroles du Rama, comme conception du monde. La base de cette conception est qu'il existe une différence notoire entre Israël et les Peuples du monde. Ceux-ci sont sous l'emprise des forces de la nature, et D' ne leur accomplit pas de miracles (cf. Kouzari IV, 3, p. 156), ils sont sous la hashgah'a (assurance Divine) générale, sans soucis pour les particuliers. Ils ont des anges particuliers qui s'occupent d'eux (cf. Ramban sur Vaykra 18:25 et autres, basés sur Pirkei deRabi Eliezer, chap. 27), aussi appelé par nos Sages - mazal.

Alors que nous sommes dirigés uniquement selon nos actes (cf. Bereshit Rabba 44, 14 et autres), c'est ainsi que le Rambam explique le propos de nos Sages qu'il n'y a pas de mazal à Israël (T.B. Shabat 156a), dans son cahier sur la résurrection (Iggeret Th'yiat HaMetim, p. 97-8, éd. Kapah').

Ainsi, on comprend de quoi parlent les versets cités précédemment: il ne faut pas donner trop d'importance aux forces de la nature, chacune à sa manière et à son endroit (la mer, le sol, le ciel, etc. et chacun avec ses animaux, ses forces, ses astres…), mais plutôt mettre notre foi en D' qui par Sa Volonté fixe le jour et la nuit, maître des toutes les forces de l'univers (cf. Sh.Ar. O.H. siman 5). C'est cela qui nous différencie des autres peuples et explique le lien entre les versets.
C'est là aussi l'intention du Rama, eux peuvent croire aux forces de la nature, car elles les dirigent, et ça ne fait pas partie de leur foi de manière intégrale, mais simplement c'est un constat de fait.

Puissions-nous avoir confiance en D' et mériter ainsi de voir Ses Miracles et la Rédemption pleine et entière.
Amen.

18/07/2010

על קמצא ובר קמצא

בט' באב אין לומדים תורה כרגיל כיוון ש"פיקודי ה' ישרים משמחי לב",
אך מותר ללמוד דברים העוסקים בעניינו של היום- החורבן ובתיקונו

מערך ללימוד עצמי לתשעה באב

מספרת הגמ' במסכת גיטין נה,ב (בתרגום מארמית):
"על קמצא ובר קמצא חרבה ירושלים.
היה אדם אחד שאהב את קמצא ושנא את בר קמצא. עשה סעודה. אמר לשמשו: לך והזמן לסעודה את קמצא, שאותו אני אוהב.
הלך השמש והביא בטעות את בר קמצא השנוא.
מצא בעל הבית את בר קמצא יושב ליד שולחנו. אמר לו: הרי אותו האיש שונא אותי. מה אתה עושה כאן?!
השיב בר קמצא: הואיל ובאתי הנח לי ואתן לך דמי האכילה והשתייה שלי.
אמר לו בעל הבית: לא! צא מכאן.
- אתן לך דמי חצי סעודתך.
- לא
- אתן לך דמי כל סעודתך.
- לא
נטלו בידו, העמידו והוציאו החוצה.
אמר בר קמצא: הואיל וישבו שם חכמים ולא מיחו בידו כנראה שנוח להם בזה. אלך ואלשין עליהם לפני המלך.
הלך ואמר לקיסר: מרדו בך היהודים.
אמר לו: מנין לי?
אמר לו: שלח להם קורבן ותראה שלא יקריבו אותו.
שלח בידיו עגל. כשבא להקריב הטיל בו מום בשפתיים ויש אומרים בעין, במקום שעבורנו זה נחשב למום, ואצל הגויים אינו נחשב למום.
חשבו רבנן להקריבו משום שלום מלכות, אמר להם רבי זכריה בן אבקולס "יאמרו בעלי מומין קרבין על המזבח".
חשבו להרוג את בר קמצא שלא ילך וילשין לקיסר. אמר להם רבי זכריה "יאמרו מטיל מום בקודשים ייהרג".
אמר רבי יוחנן: ענוותנותו של רבי זכריה בן אבקולס החריבה את ביתנו ושרפה את היכלנו והגליתנו מארצנו"

שאלות להתבוננות
א. "על קמצא ובר קמצא חרבה ירושלים" - איך ייתכן שבגלל מריבה מקומית בין שני אנשים יקרה אסון לאומי עם משמעות לדורות כמו חורבן המקדש?
ב. אפשר להבין במה מאשימים את בר קמצא. אבל במה חטא קמצא שבגללו חרבה ירושלים?! הרי הוא לא היה מעורב כלל בכל הסיפור, לא היה נוכח בסעודה ולא ידוע שהיה מסוכסך עם אף אחד (ואם תגידו – 'אין הכוונה שהוא אשם, אלא פשוט הסיפור כולו קרוי על שמם של האנשים שבגללם התחיל העניין'. אם כך, האם לא היה מתאים הרבה יותר לקרוא למעשה על שם שני אנשים אחרים – בר קמצא ובעל הבית – שני 'הגיבורים' העיקריים בסיפור, ולא להכניס גורמים צדדיים?).
- נקודה למחשבה – מעניין שלכל אורך הסיפור שמו של אחד משני ה'גיבורים' הללו נעלם לגמרי ולא מוזכר אפילו ברמז - בעל הבית עורך הסעודה! מה פשר הדבר? (ננסה להציע לכך תשובה בסוף).
ג. למה בר קמצא מגיע בכלל לסעודה אם הוא יודע שמדובר בשונא שלו? וכי מריבות של שנים נמחו ברגע?
ד. למה שתקו החכמים שישבו בסעודה ולא התערבו?
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אם היו שואלים אתכם מי האשמים במה שקרה שם בסעודה מן הסתם הייתם מציינים את בעל הבית על שבייש יהודי ברבים, את בר קמצא על ששכנע את הקיסר שהיהודים מרדו בו, ואולי גם את החכמים על שלא ניסו להתערב ולהרגיע את הרוחות. אך למעשה האחריות רחבה עוד יותר.
קודם כל, השַמָש . איך קורית לך טעות איומה שכזו? אתה הרי עובד קבוע אצל אותו אדם, מכיר בדיוק את האויבים והאוהבים שלו. תיזהר יותר! אתה חייב לדייק ולבצע את השליחות כמו שצריך (דרך אגב, האם התופעה של 'הקטנת ראש', 'אני עושה מה שאמרו לי/כתוב בתקנון ולא מעניין אותי שום דבר', מוכרת לכם מן החיים ממקומות נוספים?).
בר קמצא – למה הגיע לסעודה של אויבו הגדול? ניתן לשער שחשב שהשונא משכבר הימים מעוניין להשלים איתו.
בסדר גמור. אם כך, תיכנס, גש אליו, תגיד שלום, לחץ את ידו. תשלימו. הרי מריבה של עשרים שנה לא נמחית ברגע.
ומה קורה בפועל?
הוא מגיע אבל במקום לעשות מה שצריך על מה הוא מתנפל? על האוכל... וממילא כעבור חמש דקות כשבעל הבית משוטט לו בין האורחים את מי הוא מופתע לגלות בעיצומה של זלילה כשהסטייק נעוץ בין שיניו?...
בעל הבית – שמתם לב שהוא פונה אל בר קמצא בגוף שלישי? האם זה מרוב כבוד? מסתבר שלא. השנאה רבת השנים לא נעלמה לאף מקום. בסדר, אתה לא חייב לארח את מי שאתה לא רוצה, אבל אתה גם לא חייב להשפיל ולבייש בן אדם לפני אולם שלם (נסו להוכיח מתוך הסיפור עד כמה היציאה החוצה באמצע הסעודה הייתה דבר מבזה עבור בר קמצא).
החכמים היושבים בסעודה - מה עבר במוחם שמנע מהם להתערב? ניתן רק לשער. אולי חששו שההתערבות רק תלבה את הרוחות ותעצים את המריבה. אולי פחדו שבעל הבית יזרוק גם אותם. לא ברור. מכל מקום ייתכן שגם מהם היה מצופה לא לשבת בחיבוק ידיים אלא להתקרב, להרגיע ולנסות לפשר.
קמצא - ואם חשבתם שלפחות הוא יוצא נקי מהעניין, לא בטוח בכלל. אומנם הוא לא נוטל חלק פעיל בכל ההתרחשות, אבל אולי זו בדיוק הבעיה. נניח שהחבר הכי טוב שלך עושה אירוע של שמחה ולא קיבלת הזמנה. מה תעשה? תשאל אותו, תברר אולי הייתה תקלה בדואר. לא נעים לך? תבדוק דרך מישהו אחר.
אם אתה לא נמצא לצד חברך הטוב ברגע כל כך חשוב עבורו, האם זה לא מעיד משהו על החברות שלכם?...

ומכל מה שלמדנו עד כה עולה תשובה לתמיהה הגדולה שפתחנו בה.'על קמצא ובא קמצא חרבה ירושלים' .
אומר המהר"ל מפראג - לא ייתכן שדבר גדול כמו חורבן בית המקדש יתרחש בגלל מריבה קטנה בין שני אנשים.
חז"ל בדבריהם באו להצביע על מציאות כללית מקולקלת שהייתה קיימת בירושלים, שהיא זו שהביאה לחורבן.
במילותיהם המדוייקות הם הגדירו בקצרה ובחדות את הבעיה - "על קמצא ובר קמצא חרבה ירושלים" - בגלל התופעה השלילית שלכל אדם יש מין 'קמצא' ו'בר קמצא' משלו– שונא, אותו הוא מתעב ומוכן לעשות הכול כדי לפגוע בו ולהרע לו, ואוהב שאיתו הוא כורת ברית (ואולי גם זה – רק כדי להילחם יחד בשני...).
ייתכן אפילו שההבדל בין האוהב לשונא אינו גדול. שתי אותיות מבדילות ביניהם בסך הכול. אך זה לא מונע מהמחלוקת, הסכסוך והעוינות להרקיע לשחקים.
רק כדי להמחיש את המציאות בירושלים באותם הימים – חז"ל מספרים שבזמן המלחמה על ירושלים היה בתוכה את כל הדרוש כדי להחזיק מעמד אל מול האויב גם במצור ממושך. לשלושת עשירי העיר היו מחסני מזון וציוד ענקיים שהיו יכולים להספיק לעשרים ואחת שנה (!) של עמידה במצור. בזמן כה ממושך האויב כבר היה מתייאש מזמן והולך לו.
ומה קרה בפועל? הכול עלה באש!
המחסנים נשרפו בכוונה בניסיון להשפיע במריבות הפנימיות שהיו בירושלים בין הפלגים השונים. התוצאה - ירושלים נפלה במצור בגלל הרעב והחולשה.

ועוד הערה חשובה. כשיש תופעה של מריבות, סכסוכים ובריתות הגנה, גם האהבה עשויה להיות אינטרסנטית . מה שחז"ל קוראים - תלויה בדבר. כל מטרתה היא להתאחד יחד כנגד הצד האחר. כשזה כבר לא משתלם – גם היא לא תחזיק מעמד.
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בואו ונתבונן שוב בחלקו השני של הסיפור:
"הלך קמצא ואמר לקיסר: מרדו בך היהודים. אמר לו: מנין לי? אמר לו: שלח להם קורבן ותראה שלא יקריבו אותו.
שלח בידיו עגל. כשבא להקריב הטיל בו מום בשפתיים ויש אומרים בעין, במקום שעבורנו זה נחשב למום, ואצל הגויים אינו נחשב למום.
חשבו רבנן להקריבו משום שלום מלכות, אמר להם רבי זכריה בן אבקולס "יאמרו בעלי מומין קרבין על המזבח".
חשבו להרוג את בר קמצא שלא ילך וילשין לקיסר. אמר להם רבי זכריה "יאמרו מטיל מום בקודשים ייהרג".
אמר רבי יוחנן: ענוותנותו של רבי זכריה בן אבקולס החריבה את ביתנו ושרפה את היכלנו והגליתנו מארצנו"

שאלות להתבוננות
לעומת כל הדמויות האחרות בסיפור איך אתם מתרשמים מהתנהגותו של הקיסר?
האם אתם יכולים להציע משמעות סמלית להטלת המום דווקא בפיו או בעינו של הקורבן? (האם יש קשר בין זה לבין מה שקרה בסעודה?)
מדוע מאשים ר' יוחנן את ענוותנותו של ר' זכריה בן אבקולס? לא היה מתאים יותר לדבר על הססנותו או אולי עקשנותו? מה המובן של 'ענווה' בהקשר הזה?
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למרבה הפלא, מי ש'יוצא טוב' (הכול יחסי, כמובן) מכל הסיפור הזה הוא דווקא...הקיסר. כשהוא שומע את ההאשמה כנגד היהודים הוא לא מתעצבן, לא מתלהם אלא פשוט מבקש מברר את הדברים. אם אפשר ללמוד כאן ממישהו זה ממנו.

המום שהוטל בקורבן היה בפה או בעין, ואולי רמוז כאן באופן סמלי במה נפלו ונכשלו כל המעורבים בסיפור:
בחוש הדיבור - לא לדבר מה שלא צריך ולא לשתוק כשצריך לדבר.
ובחוש הראיה - כשאתה רואה דברים שצריך להתייחס אליהם לא להיות כאילו לא ראית
הגמרא גם מציינת שאלו דברים שאצל הגויים אינם נחשבים למום, אך אצל ישראל כן . ללמד אותנו שלנו יש רף רוחני אחר. מעם ישראל נדרשת רמה מוסרית גבוהה יותר משאר העמים. וכשישראל מתדרדר, מסתאב ויורד אף מתחת לעמים, גם החורבן שעלול לבוא עליו גדול יותר.
והגורם האחרון כאן בסיפור - ר' זכריה בן אבקולס שמואשם על ידי ר' יוחנן על 'ענוותנות' שאינה במקום.
מה הייתה הבעיה שלו?
במצב קריטי וגורלי לעתיד עם ישראל כמו שהיה אז נדרשה הכרעה אמיצה ומהירה.
כל מה שהוא עשה היה בדיוק ההפך מלהחליט. להטיל ספק, לפקפק, להעלות חששות וסיכונים, אך לא להציע שום דבר מעשי בתמורה . ייתכן שזה נבע מביטחון מופרז בה' במקום בו הייתה נדרשת דווקא השתדלות נמרצת מצד האדם, ייתכן שזה בא מענווה יתירה ( 'מי אנחנו שנקבל החלטות כבידות כאלו?!'). כך או כך, בסופו של דבר מה שהיה צריך להיעשות לא נעשה, והחורבן התרחש.
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קמצא ובר קמצא – אלפיים שנה אחרי
שאלנו בתחילת הדרך מדוע לכל אורך הסיפור לא מוזכר שמו של בעל הבית.
אין ספק שחז"ל לא 'השמיטו' אותו במקרה .
ייתכן חכמינו לא ציינו את שמו כדי לומר לנו ש האדם הזה פשוט יכול להיות כל אחד!
אני, אתה ואת.
הגמרא לא מתארת כאן סיפור פרה-היסטורי שנשלף ממרתפי המוזיאונים. מדובר במציאות שעלולה להיות אקטואלית עד כדי כאב, כאן ועכשיו. לא משהו שרק קרה, אלא שממשיך לקרות כל הזמן, ובגללו עדיין אין לנו בית מקדש אלפיים שנה אחרי. האם שנאת חינם זה דבר שעבר זמנו? האם אהבות ושנאות, סכסוכים ומניפולציות חלפו מן העולם? האם אוזנינו לא שומעות מדי יום מילים שלא צריכות להיאמר ופינו לא משגר חיצים שבשוגג (או במזיד) ננעצים בליבו של מישהו אחר? האם לא קורה שאנו שותקים ומעדיפים לעצום עיניים במקום בו צריך לקום ולעשות מעשה? שאנו מעדיפים 'לבטוח בה'' ולגלגל אחריות כלפי מעלה בזמן שתפקידנו להשתדל ולעשות מעשים? מצוי מאוד להיכשל בגאווה, אבל האם לא קורה גם שנכשלים בענווה שאינה במקומה?
ודבר אחרון - פתגם ידוע אומר: מספיק טיפש אחד בשביל לשרוף יער שלם . זה ודאי נכון. אך הגמרא שמספרת לנו על קמצא ובר קמצא מלמדת אותנו דבר חשוב נוסף- צריך עוד הרבה אנשים מסביב שיניחו לזה לקרות .

"כל דור שלא נבנה בית המקדש בימיו כאילו נחרב", אמרו חז"ל. אך אולי דווקא היום הזה, יום החורבן, עשוי להיות זמן של חשבון נפש והתחלה חדשה. קודם כל, כל אחד בעצמו ובמעגלים הקרובים אליו, וכולנו יחד במהלך כללי שיוביל את כולנו לחדש ימינו כקדם ולראות בבניין בית המקדש, במהרה בימינו. אמן.



כתב: יוני לביא, "חברים מקשיבים"
לתגובות: yony@makshivim.org.il
(תודה לשי מנלה, שחלק מהרעיונות כאן לקוחים ממנו)

* נערך על ידי הרב

16/07/2010

9 Av

Tich’a Beav – Le 9 Av

Le Jour des Lamentations

Ticha’a Beav est un jour « prédéstiné au châtiment ».

Ce déterminisme fatal n’en est pas vraiment un, il provient de nos fautes et à nous de le réparer.

Nos Sages, dans le Talmud nous ont enseigné plusieurs principes :

- Premièrement, le premier Temple a été détruit à cause de trois fautes : l’idolâtrie, l’inceste et le versement de sang [1] ; alors que le deuxième Temple le fut à cause de la haine gratuite (sinat h’inam)[2]

- Deuxièmement, tant que le Temple n’est pas reconstruit, c’est comme s’il venait d’être détruit [3].
Moralité : c’est à nous que la tâche incombe de réparer les ustensiles brisés, et des cendres faire renaître notre Maison - le Temple.

Le Rav Avraham Itzh’ak HaCohen Kook écrit : « si nous avons été détruits et le monde a été détruit avec nous [4], à cause de la haine gratuite, nous devons nous reconstruire et le monde se reconstruira avec nous grâce à l’amour gratuit [5] »[6]. A nous de réparer ce que nous avons détruit en changeant notre comportement, justement dans ces jours où l’on doit ajouter de la Kedousha, de la Sainteté.

Pour cela, nous devons d’abord comprendre ce qui s’est passé en ce jour.

Le Rambam (Maïmonide) dans son Mishné Torah reprend le Talmud [7] qui nous enseigne :
“Cinq événements tragiques se sont produits à Tich’a Beav :
1. Les Juifs, dans le désert, se virent refuser l’entrée en Terre Sainte [8]
2. Destruction du premier Temple [9]
3. Destruction du deuxième Temple [10]
4. Conquête de la forteresse de Bétar… Cette citadelle tomba aux mains des Romains et tous ses habitants furent exécutés ; ce fut une tragédie comparable à la destruction du Temple.[11]
5. Le mécréant Turnus-Rufus laboura l’aire du Temple et ses alentours, réalisant ainsi la parole du prophète (Jérémie 26,18) : «Sion sera labourée comme un champ»“

Rambam, Hilkhot Ta’anit 5, 3

Malheureusement, la liste n’est pas close, Tich’a Beav 1492 a été rude pour les Juifs espagnols qui de « l’âge d’or » passaient à un régime plus strict : le choix entre la conversion et l’émigration – ou la torture et les autodafés. Don Isaac Abrabanel raconte dans son commentaire sur la Torah, comment il est passé de ministre des Finances de la Péninsule Ibérique, considéré alors comme un roi, au statut de rejeté, abandonné, seul et dont la famille a été décimée. Il raconte son exil et son seder de Pessah’ seul sur le bord d’une plage…

Ça ne s’en termine malheureusement pas là, la 1ère Guerre Mondiale a commencé le jour de Tich’a Beav, et c’est elle, on peut le dire qui a engendré d’une certaine manière la Seconde Guerre Mondiale, la Shoah, l’Holocauste. Sans parler des nombreux pogrommes qui ont eu lieu ce même jour. A travers l’histoire entière du peuple Juif, le jour de Tich’a Beav n’a jamais été qu’un «mauvais jour» .

Toutefois, nous avons de l’espoir et celui-ci nous maintient en vie.
Le Talmud[12] nous raconte la fameuse histoire de Rabbi Akiva qui, en voyant un renard sur le Saint des Saints, riait, alors que ses confrères, docteurs de la Loi (Rabban Gamliel, Rabbi El’azar ben Azarya et Rabbi Yehoshoua), quant à eux, pleuraient.
Eux lui demandent, pourquoi ries-tu ? Il leur répond, pourquoi pleurez-vous ? Ils rétorquent : “ne vois-tu pas la profanation du Nom Divin, un renard[13] rentre dans le Kodesh HaKodashim (le Saint des Saints), alors qu’il est écrit (Bamidbar 1) « tout étranger s’approchant mourra » ! “

Akiva répond alors, c’est pour cela exactement que je ris ! En effet, le prophète Isaïe (chap. 8) ne précise-t-il pas qu’il a deux témoins de confiance Ouriah le Cohen et Zacharie fils de Yevarh’yaou ? Et quel lien y a-t-il entre ces deux hommes, l’un vécut à l’époque du premier Temple, alors que le second au temps du deuxième… ?
Seulement, le texte veut nous apprendre que la prophétie de l’un est liée à celle du second. Le premier dit « à cause de vous Sion comme un champ se laboure » (Micha, 3:12), alors que le second souligne (Zacharie, chap. 8) : « les vieux et les vieilles s’assoieront encore dans les rues de Jérusalem ».
J’ai craint, dit Rabbi Akiva, que ne s’applique pas la prophétie de Zacharie, mais maintenant que je vois la réalisation de celle d’Ouriah, je suis assuré que la seconde se réalisera en ces termes. Ils lui répondirent « tu nous as consolé Akiva, tu nous as consolé ».

On peut dire ainsi, de la même manière que la première partie de la prophétie de Jérémie s’est réalisée [14], ainsi la deuxième partie, c’est-à-dire le reconstruction du Temple (le 3ème), se réalisera [15] !

Toutefois, il est là un élément étonnant : Rabbi Akiva ne croyait-il pas en la prophétie avant qu’elle ne se réalise ?! Et si elle ne se réalisait, n’aurait-il cru ni à l’une, ni à l’autre ?

En fait, la vision de Rabbi Akiva est bien plus profonde que cela. Il pensait que ces deux prophéties n’étaient pas nécessairement liées l’une à l’autre, mais là, il voit au sein même de la destruction – la reconstruction, la résurrection. La fin d’une époque constitue le commencement d’une période, d’un processus, Rabbi Akiva le voit déjà. La destruction n’est pas un événement en soi, mais plutôt la marque d’un changement, d’un passage d’un processus d’exil à celui de la rédemption.

Le Midrash [16] raconte :
« le jour où sont rentrés les ennemis dans la ville et ont détruit le Temple, un homme, vivant au dehors de Jérusalem, labourait son champs. [Subitement] sa vache se jeta au sol, elle ne voulait plus labourer… Il entendit alors une voix : “que veux-tu de la vache ? Lâche-la, car elle pleure la destruction du Bayit (de la Maison) et du Mikdash (Lieu Saint) qui a été brûlé aujourd’hui“.
Entendant cela, l’homme déchira son vêtement, s’arracha ses cheveux, cria et mit de la cendre sur sa tête, il pleura et dit : “malheur à moi ! malheur à moi !“
Après deux ou trois heures, la vache se releva, puis se mit à danser, à se réjouir. L’homme s’étonna grandement. [Une fois encore,] il entendit une voix disant : laboure et travaille ton champs, car en cette même heure est né la mashiah’ (Messie)».

Le jour de la destruction est le jour même de la délivrance – fait plutôt remarquable !
Il nous appartient de signaler ici la signification de ce jour sombre moins comme le souvenir d’un événement historique spécifique, mais plus comme une vision globale transcendante d’un point de chute spirituelle.
Ce même point devient par la suite source d’une renaissance rédemptoire, peut-être salutaire. C’est d’une part, comme nous l’avons vu chez Rabbi Akiva, une vérité historique non-factuelle, mais plutôt essentielle, alors que d’autre part il s’agit bel et bien d’un acte spirituel qui agit le même jour – la naissance du messie se fait au moment de la destruction du Temple. Ce passage subit du deuil, non pas à la joie, comme cela aurait été espéré par le récit narratif du midrash, mais à la continuation de la vie, du travail constitue une préparation à ce repos espéré, à cette rédemption. Cela ne tombe pas du Ciel.

Les annonces viennent d’En-Haut, le travail, la réparation reste à accomplir ici-bas.


Puissions-nous réparer et mériter ainsi que voir la Délivrance, pleine et entière, que le 9 Av soit cette année un jour de joie pour tout le Peuple!
Amen.


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[1] Cf. Talmud Bavli, Yoma 9b ; il est à noter que dans Jérémie (9, 11-12), qu’on lit comme Haftara à Tich’a Beav, il est dit que la Terre a été « perdue » et s’est désertifiée parce que le peuple a abandonné la Torah de D’… et la Talmud de commenter (Nedarim 81a) “« l’abandon de la Torah » – parce qu’ils n’ont pas commencé par la bénir“ (shelo birkhu batorah tkhila). On voit donc l’importance capitale de la Torah qui fixe les limites d’Israël et la Halakha, indispensable comme l’eau, et ne pas la bénir, c’est porter atteinte à sa valeur, vouloir réformer la particularité d’Israël, comme corps, Terre et âme (cf. Rav Yaakov Ariel, MeOhalei Torah sur la Torah et les Fêtes, p. 341-2).

[2] Qui est pire que l’idolâtrie et qui est « comme tuer quelqu’un » (Kala Rabati 5,1), le Talmud Bavli (Yoma 9b) va encore plus loin : à l’époque du premier Temple, la Torah et les bonnes actions ont été plutôt « délaissées », alors que ce ne fut pas le cas lors du deuxième Temple, “pour nous enseigner, nous dit le Talmud, que la haine gratuite [malgré les bonnes actions et l’étude qu’il y avait au temps du deuxième Temple] a la même valeur que toute les fautes citées comme « causes» de la première destruction ! cf. aussi Otzar HaMidrashim, ch. 17, p. 80, éd. Eisenstein et Pitron Torah, paracha « Zot Thyieh », p. 45 : « deux choses ont détruit le Temple, la haine gratuite (sinat h’inam) et la médisance (lashon hara) et à cause de celles-ci, il n’est toujours pas reconstruit… ».

[3] cf. Talmud Yeroushalmi Yoma 38c, ch. 1, hal. 1

[4] Le monde a occidental a été influencé par le judaïsme (l’islam, le christianisme en sont notamment la preuve), toutefois c’était par un judaïsme en pleine crise à chaque fois et par des Juifs ayant quelques problèmes identitaires, par conséquent, au moment de la réparation, dit le Rav Kook, le monde devrait se réparer également, par son rapprochement dialectique envers la shkhina, la Présence Divine.

[5] J’ai vu au nom du Rav Neventzal shlit“a que l’amour « gratuit » ça n’existait pas, soit on a l’obligation d’aimer, soit on ne l’a pas, et on a l’obligation d’aimer le peuple d’Israël, pourtant, je pense qu’il ne parlait qu’au niveau de l’obligation et pas de ce qui était au-delà, l’ajout qui, lui, n’est pas nécessaire et dépend de la volonté, ainsi il est «gratuit », parce qu’on fait mieux que ce qu’ont doit faire.

[6] Orot Hakodesh 3, 324

[7] Talmud Bavli, Ta’anit 26b, 29a

[8] « Rabbi Yoh’anan dit que cet événement se produisit la veille du Neuf Av. Le Saint béni soit-Il prononça alors Sa sentence : “Vous avez pleuré pour rien ; J’instaurerai à cette date une journée de lamentations pour les générations“ » (Talmud Bavli, Ta’anit 28b).

[9] cf. la démonstration du Talmud Bavli (Ta’anit 29a) à partir des Ecritures.

[10] Le Talmud (ibid.) se demande alors comment connaître la date exacte, le jour, de la destruction du deuxième Temple (n.b. nous notons deuxième et non pas second qui sous-tend une finalité). Et celui-ci de répondre : « C’est que nous savons bien que les événements heureux sont réservés au jour de faveur et les jours de calamité au jour de culpabilité » (ibid.).

[11] cf. Talmud Yeroushalmi, Ta’anit 69a, chap. 4, hal. 5

[12] Talmud Bavli, Makot 24b

[13] Qui est un animal impur !

[14] Comme il est écrit : « al har tzion sheshamem shoualim yeleh’ou bo […], lama lanetzah’ tishkah’einou, ta’azveinou le’oreh’ yamim …» (“Pour le mont Sion qui s’étend, désolé ; les renards y rôdent […] pourquoi nous ignores-Tu pour toujours, nous abandonnes Tu si longtemps“)

[15] Comme il est dit : « ashivenou H’ eleih’a, venashouva ; h’adesh yameinou kekedem » (“Reviens vers nous D. et nous reviendrons vers toi ; renouvelle pour nous les jours d’autrefois“).

[16] Eikha Zouta, 1

Parashat Dvarim

Entre remontrances et délivrance…

Notre parasha commence par les propos de Moshé, avant sa mort. Il rappelle au Peuple leur odyssée et leurs "exploits" (c'est une manière de leur faire une remontrance, selon Rashi [sur Dvarim 1:1] qui ramène le midrash), puis, par la suite, et jusqu'à la fin du Livre, revient sur toute la Torah, l'interprète, la raconte.
Il omet les lois de pureté et d'impureté, des korbanot (sacrifices), les habits des kohanim (prêtres), etc.

Ainsi, dans son introduction au commentaire sur Dvarim, le Ramban écrit :
« On connaît le thème général de ce livre : Il inclut la répétition de la Tora où Moché a expliqué à la génération qui allait entrer en Erets Yisrael la plupart des commandements qu’elle devrait y observer. Il ne s’y trouve, en revanche, aucune mention des commandements des kohanim. »

Le Rav Mordekhaï Yaffé (le Lévoush) s’interroge quant à la raison qui a empêché Moshé de répéter ces lois spécifiques. Il répond en citant un midrach expliquant qu'aucun membre de la tribu de Lévi n’est mort dans le désert, celle-ci ayant été la seule à ne pas calomnier Erets Yisrael alors que les explorateurs revenaient de leur mission. Il n’était donc pas nécessaire de rappeler les lois propres aux kohanim, puisque ceux-ci les avaient toutes apprises de la bouche même de Moshé !

Seules les autres tribus ont dû réétudier les commandements qui leur étaient applicables. En effet, leurs membres qui les avaient recueillis de Moché étaient morts dans le désert. La conquête du pays allait être opérée par une nouvelle génération ignorante des prescriptions faites à leur parent. C’est pourquoi il a dû les lui répéter et procéder à cette mise au point.

Ainsi, d'autres lois sont énoncées pour la première fois dans ce Livre : le divorce, le lévirat (yiboum) et d'autres encore. D'aucuns commandements sont expliqués différemment, interprétés par Moshé. Ainsi en est-il, par exemple, des dix Paroles explicitées dans la parashat Vaeth'anan différant notamment de celles écrites dans la section d'Yitro, dans le livre de Chemot.

La parasha de Dvarim est toujours fixée comme "Shabat H'azon", veille du 9 Av. Il existe à cela plusieurs raisons.

Premièrement, comme nous l'avons vu précédemment dans les propos du Lévoush, il y a un lien intrinsèque entre le livre de Dvarim et la faut des explorateurs. De la même manière, Moshé, comme dit, fait des remontrances au Peuple d'Israël et parle longuement de la faute des explorateurs [Dvarim 1:22-45].

Cette faute nous dit le Talmud [Ta'anit 29a] est ontologiquement liée à la date du 9 Av :
"“Le Peuple pleura cette nuit là”, Rabbi Yoh'anan dit - “cette nuit là” était la nuit du 9 av, D' leur a dit : vous avez pleuré en vain, Je vous fixe un pleur pour les générations à venir".

Ce lien, deuxièmement, se voit également dans notre parasha [Dvarim 1:12] au verset "Eikha essa levadi…" (Hélas, comment porterais-je seul votre fardeau, vos disputes et querelles?) ressemblant par son style à l'ouverture des Lamentations de Jérémie "Eikha yashva badad…" (Hélas, comment? elle est assise solitaire!).

Cette similitude est rapportée dans le midrash [Eikha Rabba 1,1] :
"Trois prophètes ont employé le mot "Eikha", Moshé, Isaïe et Jérémie… Rabbi Lévi dit : cela ressemble à une mariée qui avait trois garçons d'honneur: le premier assiste à son bonheur, le deuxième à son infidélité et le troisième à sa disgrâce. Ainsi Moshé a vu les Juifs dans leur gloire et leur bonheur et s'est écrié "Comment supporterais-je seul votre charge?" (Eikha essa levadi tarkhekhem), Isaïe, témoin de leur infidélité s'est exclamé "Comment la Cité fidèle est-elle devenue une prostituée?"(Eikha hayta lezona). Jérémie assistant à leur disgrâce se lamenta "Hélas, elle est assise solitaire"(Eikha yashva badad).

Le midrash nous apprend par là qu'il existe un lien essentiel entre la Terre d'Israël (tel que le souligne le Talmud [ibid.] et Moshé dans ses remontrances au Peuple - ça n'est par pour rien qu'il explique si longuement la gravité de la faute (23 versets!) aux descendants de ceux qui ont fauté), l'identité juive (comme chez Isaïe) et notre indépendance (comme chez Jérémie).

Ce sont également les propos de la mishna [Ta'anit chap. 4, mishna 6] :
"Le 9 Av, il a été décrété que nos Ancêtres ne rentreraient pas en Terre d'Israël, le Temple fut détruit à deux reprises, la ville de Beitar fut ravagée et la Ville [=Jérusalem] a été labourée [c.à.d. entièrement détruite]."

La mishna commence avec un événement qui apparemment est sans rapport avec la destruction du Temple, alors que tous les autres y sont liés. La réponse généralement admise et que le Talmud laisse entendre [cf. également Tour O.H. 450] est que "le jour engendre", c'est-à-dire que ce sont des jours de malheur, ceux-ci se reproduisant en sont la preuve.

En fait, le lien est plus profond : les fautes seraient liées l'une à l'autre, elles ont un lien d'ontologie. Nos Sages, souvent, marquent au début d'un enseignement sa source, sa racine, son "shoresh".
Le rav H'arlap dans ses livres (surtout Mei Marom) s'applique toujours à rechercher la racine de chaque chose, souvent selon la Kabbala.
Le rav H'ayim Sabato, suivant ses enseignements, explique que la cause de la destruction des deux Temples et tout ce qui s'ensuivit (la destruction de Beitar et de Jérusalem) est due au fait même de ce rejet de la Terre d'Israël.
Les fautes commises contre la Terre engendrent le rejet de celle-ci, elle ne nous accepte que lorsque nous la respectons: n'y commettons pas d'inceste, d'idolâtrie (l'ipséité en est aussi une, ai-je entendu aujourd'hui du Rav Neventzal), de meurtres, de haine gratuite et que nous acceptons notre héritage, notre identité, la Torah.

La Terre d'Israël, la Torah d'Israël et le Peuple d'Israël ne font qu'un, quiconque vient à en renier l'un de ces éléments induit nécessairement un manque dans les autres.

Puissions-nous connaître, nous qui vivons la renaissance de ces trois éléments aujourd'hui, la délivrance pleine et entière, au plus vite, Amen.