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27/08/2010

Parashat Ki-Tavo

Parashat Ki-Tavo
Le mérite des prémices

"Lorsque tu viendras sur la Terre que D' te donne en héritage, tu la conquerras et l'occuperas (y habiteras). Et tu prendras des prémices de tous les fruits de la terre (adama) que tu amèneras de ta terre (artzeh'a) que l'Eternel ton D' t'a donné..." (Dvarim 26:1).

Nos Sages nous enseignent (Sifrei, 156, 14 ֵ[psikta 297]) "accomplis ce commandement ( = celui des prémices - bikourim) car par son mérite tu rentres en Israël".

Le H'atam Sofer pose la question, au nom de son maître, le Hafla'a : comment est-ce possible d'accomplir le commandement avant d'avoir conquis la Terre, puisqu'il est bien dit que par le mérite des bikourim (prémices) on rentre en Terre Sainte ?

Il répond ("Torat Moshé", Mahadura Kama, Dvarim, p. 44) :

"Malgré que nos ancêtres sont allés "de peuple en peuple et d'un royaume à l'autre" (Psaumes 105, 13), à chaque endroit de leur déplacement leur cœur, leurs yeux et leur pensée étaient toujours portés vers la Terre promise que D' leur a donné. Ainsi, les tribus ont-elles dit à Pharaon "nous sommes venus résider [temporairement] (lagour) en ton territoire" (Bereshit 47:4) et non pas y habiter [de manière fixe] (lehityashev). Car en chaque instant nous pensons à notre Terre. Et tant qu'ils y pensaient Pharaon et ses décrets ne les touchaient pas. […] De la même manière, dans le passage des bikourim, il est écrit "il descendit en Egypte et ils y résidèrent (vayagor) en petit nombre" - y résidèrent (garou) comme des étrangers (gerim) et n'ont pas abandonné leur patrie. […] Chaque endroit où vous allez, toutes vos pensées seront liées "à la Terre" [= d'Israël] […] par conséquent on dit "nous Te remercions pour ce que tu as donné à nos ancêtres" - il s'agit du don d'une Terre désirée à nos ancêtre descendus en Egypte à chaque endroit de leur exil. Et par leur mérite, Tu nous as sorti d'Egypte. Ainsi, nous comprenons le verset : "Lorsque tu viendras sur la Terre que D' te donne en héritage" - qu'elle soit déjà avant ta venue, ton héritage, quelque soit l'endroit où tu te trouves, penses-y. Alors, méritant, "tu la conquerras et l'occuperas". De cette manière, tu comprends le propos de nos Sages (Sifrei, ibid.)"

Le H'atam Sofer comprend donc qu'il s'agit d'un acte de pensée. Le commandement d'amener les prémices de la terre est très important puisque le monde a été créé pour cela (cf. Bereshit Rabba, 1), mais plus important encore (et c'est peut-être comme ça qu'il faut comprendre ce midrash, cf. "Binyan Av", Sih'ot ouMaamarim, t. II, siman 40, p. 259 et suiv.) est l'idée du commandement : remercier D', reconnaître Sa Bonté. Ce remerciement, cette idée c'est celle de remercier pour la Terre qu'Il nous a octroyé, donné.
[Le Rav Yona Imanuel (Hama'ayan, 5743) disait au nom du rav Shraga Feibel Frank qu'on accomplit cela aussi par la récitation du Birkat HaMazon [= les actions de grâces après le repas], lorsque l'on dit "une Terre désirée, bonne et large, Tu as donné à nos ancêtres" (ce h'idoush est basé sur le midrash Shir HaShirim Rabba, 5), nous remercions D' pour la Terre Sainte autant que pour la nourriture, à tel point que si l'on ne dit pas ce passage cité précédemment, l'on n'est pas quitte du Birkat HaMazon et il faut le refaire (cf. Rambam, Lois des Bénédictions, chap. 2, loi 3, cf. également les notes du Rav Kapah', ibid. pour les preuves du T.B. Brakhot 48b, cf. encore Maharal, Netivot Olam, Avoda, chap. 18, p. 140-141).
Le Rav Shlomo Zalman Auerbach explique qu'il s'agit de lire ces mots avec intention, car sinon, c'est comme s'il ne les avait pas dit ("Minh'at Shlomo", t. I, siman 2). Il paraît que lui-même répétait ces mots lors de la récitation du Birkat HaMazon.]
Ainsi, quiconque se remémore la Terre promise, peut importe où il se trouve, y a droit. C'est le mérite dont nos Sages parlaient.

Le Rav Shaoul Israëli (Siah' Shaoul, p. 531) pose la même question, mais y répond différemment.
Il explique que le concept "d'entrée en Israël" n'est pas un concept géographique uniquement - il est des gens, dit-il, qui passent physiquement leur vie en Israël, alors que leur âme n'y est pas.
"Entrer en Israël signifie reconnaître le principe spirituel et admettre le rôle spirituel de cette Terre, à la différence des autres pays du monde et de leur population expliquant de facto la différence du Peuple qui doit y résider, par rapport aux autres peuples. Par conséquent et à cause de cela, l'évolution de l'occupation de la Terre est complètement différente des autres pays et elle doit l'être. En effet, seulement lorsque ces deux éléments "tu la conquerras et tu l'occuperas" s'accomplissent, qu'il devient nécessaire de lier la somme des événements qui nous ont amené jusqu'ici, percevoir la non-naturalité de toute l'histoire juive et par conséquent que l'Etat qui doit se créer ici ne peut pas être tel les autres pays. Alors et seulement alors, tu rentres en Israël…"

Le Rav Israëli zatsal, à la différence de H'atam Sofer, ne comprend pas cet enseignement comme une voie spirituelle nous liant à D', nous délivrant. Il voit plutôt le côté pratique - entrer en Terre d'Israël, c'est créer un état différent des autres états du monde, modèle de morale, de bienfaisance et d'accomplissement de la Volonté Divine - il s'agit moins de conquérir la Terre physiquement que spirituellement, dans l'acceptation d'un pareil état, lumière pour les Peuples. Quiconque accomplit le commandement des prémices, élève les fruits de la terre, alors qu'elle est déjà occupée, à un niveau spirituel, à un niveau Divin, mérite d'entrer en Israël spirituellement, de lier son histoire à celle de millions de Juifs à travers les générations qui ont tout sacrifié et donné à ce but, pour la Terre d'Israël.

Puissions-nous voir ce jour rapidement et à nouveau amener nos prémices au Temple à Jérusalem, Amen.

Shabat shalom.
Shmouel Elikan


Dédié à la guérison de Avraham H'ayim ben Sarah, Menah'em ben Huguette ainsi qu'à tous les malades de notre Peuple, d'autant qu'à la mémoire bénie du Rav Yehouda Amital, du Grand-Rabbin d'Israël, le Rav Mordekhai Tzemach ben Mazal, à Simone bat Zoé, à H'aya Routh bat Miriam veH'ayim, à Yirmiahou H'ayim ben Miriam, et à tous ceux qui sont tombés pour la gloire d'Israël, tous nos soldats. Soit leur mémoire bénie !

Parashat Ki-Tetze

Sidra Ki Tetze

La Sih’a du Rav Chaim Sabato

Notre sidra énumère un nombre très grand de commandements et contient beaucoup d’intéressants éléments, toutefois, nous allons nous concentrer uniquement sur deux aspects de celle-ci : « Quand tu sortiras en guerre contre ton ennemi… » [1] et le passage du « fils rebelle » [2].

La sortie en guerre
Le Talmud (dans le traité de Sota) nous apprend que tous les « fauteurs » présents dans le peuple ne sortaient pas en guerre, même ceux qui parlaient entre la mise des tfilin (phylactères) du bras et ceux de la tête [3].
N’est-ce pas extraordinaire ?
L’armée du peuple d’Israël n’est ni barbare, ni monstrueuse, ni répugnante, elle est faite de gens pieux, moraux, des tzadikim !
Ainsi, nous voyons que la suite de la paracha évoquant la volonté de se lier avec une captive étrangère ne provient guère d’un “manque d’éducation“ ou d’éthique, d’un homme occupé à écouter son mauvais penchant, assouvissant tous ses désirs.
C’est ainsi que commente le « Or HaH’ayim » le verset citant la crainte du cœur (v’yareh’a levav) : il s’agit, dit-il, de la crainte qu’un homme a de son penchant.
Il nous apprend ici un très grand principe : la force de l’homme est grande et elle peut l’emmener, le pousser, le diriger, même s’il est le plus grand des sages, le plus pieux des héros, à des endroits non raisonnables. Par là-même, nous constatons que les forces de l’homme sont limitées. La Torah, en réponse à cela, nous propose un “système“, un paradigme, un environnement, pour arranger cela, pour accompagner les désirs, pour mieux s’en méfier. C’est ainsi que le Rav Avraham Itzh’ak HaCohen Kook enseigne – selon un passage du Talmud - qu’il est interdit, selon ce principe, de compter sur les forces de l’homme uniquement.

Le fils rebelle
La guemara (Sanhédrin 98b) juge de la véridité factuelle du fils rebelle et enseigne que selon l’avis « qu’il n’a jamais existé et n’a jamais été créé », notre passage dans la parasha est justifiée par son étude – « étudies la et sois récompensé ». Nous devons donc comprendre de quoi il s’agit, l’étudier en tous cas.
La Torah décrit le fils rebelle par cinq attributs :
Sorrère – il va dans une autre voie, il sort du droit chemin.
Moréh – « il désobéit aux propos de son père » (Rashi), à plus forte raison de ses maîtres.
Eineno shomea bekol aviv ve’imo – il n’écoute pas les paroles de ses parents
Zollel – assouvit tous ses désirs corporels.
VéSovéh – se soûle.

Un homme en quête de soi-même, surtout à l’adolescence, puisqu’il s’agit ici bien de cela, est une chose qui n’est pas tellement étonnante, voire extraordinaire. Est-ce surprenant qu’un adolescent n’écoute pas la voix de ses parents ?
On peut répondre que dans le cas du fils rebelle, la situation est bien plus grave, puisque ça n’est plus seulement une simple crise d’adolescence, mais une véritable et puissante rébellion : il va assouvir tous ses désirs et se soûler, ça n’est plus du tout « naturel » et c’est interdit.

Le “Or Sameah’“ (Rav Meir Simh’a HaCohen de Dvinsk - dans son livre sur la Torah « Mesheh’ H’oh’mah ») explique l’état idéal évitant une telle situation : laisser à l’individu la place de se développer afin de qu’il puisse se confronter à de nouveaux événements et user de ses forces de manière positive, par des voies qui ne sont guère prohibées.

Même si l’homme faute, il y a toujours un espoir qu’il se répentisse (fasse techouva), mais lorsqu’on lie cette folie qu’est l’accomplissement de tous ses désirs et sortir de son état naturel pour se soûler quotidiennement, il n’y a plus d’espoir de pouvoir échapper, se sortir de sa rébellion, c’est ainsi que nous enseigne le Sforno.

Et pourquoi la guemara dit « étudies et sois récompensé » ? Pour nous enseigner le danger de la liaison entre les deux éléments (sorrère oumoreh et zollel vesovéh – rebellion et assouvissement des désirs).

Conclusion
De ces deux épisodes extrêmes, on voit combien les forces de l’hommes sont limitées et le danger qu’il y a en elles. Et voici que la Torah nous enseigne de ne pas y céder, d’user de nos forces de manière positive et constructive. Même le Sage et pieux pense qu’il est assez fort et finalement tombe, cède à ses désirs, veut les assouvir, ici de manière licite toutefois, mais qui nous assure qu’il en sera toujours ainsi, alors à plus forte raison quand ça ne l’est pas ! Il en est de même du fils rebelle, ses forces sont mal utilisées, dans une mauvaise direction. Il arrive à la mesure de l’épicurien – tant dans le sens de apikoros – renégat, qu’au sens commun du terme où il cherche à profiter de chaque morceau de viande et à se soûler autant que possible (cf. Ibn Ezra, ibid.), où il n’y a plus de retour possible.
Le message est clair, on parle d’extrêmes, mais c’est là la force de l’homme et il doit la diriger, la controler. Message moral de grande importance.

Puissions-nous tous utiliser nos forces pour améliorer le monde de manière attentive et juste nous amenant au bon endroit.

Shabat shalom.

[Traduit, adapté et annoté par S. Elikan]


[1] Dvarim 21:10

[2] Dvarim 21:18 – 21:21

[3] Il existe une discussion entre Rashi [sur T.B. Menah’ot 36a s.v. lo sah’] et Rabbeinou Tam [ibid. s.v. lo]. Le premier affirme qu’il n’y a qu’une seule bénédiction sur les deux tfilin (celle de la main et celle de la tête)– cela se comprend du talmud (ibid.) enseignant que quiconque parle entre les tfilin de la main et de la tête, doit en dire deux, et donc si on ne parle pas, on n’en dit qu’une seule. C’est également l’opinion du Rif (Rabbi Yehouda Alfassi, 8a dans ses pages), du Rambam (lois des tfillin, ch. 4, loi 5), ainsi que du Rashba (resp. t.I, 156 et 809). Le second, affirme qu’il faut dire deux bénédictions puisque ce sont deux lois différentes et la preuve du T.B Brah’ot (60b), du Yeroushalmi (chap. 9, loi 3) ainsi que du Midrash Tanh’ouma (fin de la parashat Bo, 14). C’est également l’opinion du Rosh et du Tour [quant à la compréhension de Rabbeinou Tam du passage précédemment expliqué par Rashi, cf. Arouh’ HaShoulh’an, O.H. Tefilin, 28, 10].

06/08/2010

parashat Reeh

Un regard, des regards

Dans notre parasha sont traités plusieurs sujets:

- «Vois», dit Moché au peuple, « je présente devant vous aujourd’hui la bénédiction et la malédiction » : la bénédiction résultera de l’accomplissement des commandements et son contraire de leur abandon. L’une et l’autre sont proclamés sur le Mont Grizim et sur le Mont Eval après que le peuple ait traversé le Jourdain.
- On nous dit que le Temple devra être établi «au lieu que D.ieu choisira pour y faire demeurer Son nom». Le peuple y apportera ses sacrifices ; nulle part ailleurs on ne pourra faire d’offrandes à D.ieu . Il reste permis d’abattre, en dehors de ce lieu, des animaux, simplement pour en manger la viande. Le sang, cependant, (qui est versé sur l’autel dans le Temple) ne doit jamais être consommé.
- Puis l'épisode du faux prophète ou quiconque entraîne son prochain à servir les idoles devant être condamné à mort; une cité idolâtre devant être détruite. Les signes qui permettent d’identifier les poissons et les animaux cachères, ainsi que la liste des oiseaux non cachères sont répétés. (Il avaient d’abord été mentionnés au chapitre 11 de Vaykra, dans parashat Shemini.)
- On nous enseigne encore qu'un dixième de toutes les productions devra être consommé à Jérusalem ou bien être vendu pour de l’argent, lequel servira à acheter des nourritures là-bas et à les y manger. Certaines années, cette dîme est donnée aux pauvres. Les premiers nés du gros et menu bétail doivent être offerts dans le Temple et leur chair est consommée par le Cohen.
- La Mitsva de charité oblige un Juif à aider son prochain nécessiteux par un don ou un prêt. L’année sabbatique (qui intervient tous les sept ans), toutes les dettes doivent être abandonnées (shmitat ksafim).
- La Paracha conclut avec les lois des trois fêtes de pèlerinage, Pessa’h, Chavouot et Souccot, durant lesquelles chacun doit venir « voir et être vu » devant D. au Beth-Hamikdach et l'obligation de se réjouir à celles-ci.

Une longue parasha pleines de sujets intéressants et de nombreux commandements (17 positifs et 38 négatifs, selon le Sefer Hah'inouh' et encore plus selon le Ramban!).

Alors, la question qui se pose : quel lien y a-t- il entre le fait que Moché place devant Israël la bénédiction et la malédiction, selon leur obéissance ou non aux lois de Dieu. et le fait qu'il leur explique que le culte sacrificiel sera établi dans un ieu à déterminer, et exhorte le peuple à ne pas écouter ceux qui voudraient les inciter à l'idolâtrie et qu'en tant que fils de Dieu, ils doivent se différencier des peuples idolâtres environnant, notamment par leur alimentation et qu'ils doivent prélever la dîme sur la récolte, aider les pauvres, libérer les esclaves et enfin, accomplir les fêtes de pèlerinage ?

De prime abord, il semblerait que le lien soit plutôt d'ordre social. Notre société, si elle veut la bénédiction, tant pour les individus qu'en tant que groupe doit reposer sur la foi en un D'. Unique, depuis notre vie spirituelle jusqu'à notre vie la plus matérielle, comme la nourriture, tout doit être sanctifié, prélevé, y compris la Terre, pour bien souligner notre dépendance et le fait que notre ordre social ne soit pas un simple accord tacite de type "contrat social", mais bien un ordre Divin imposé [cf. H'izkouni et Bekhor Shor, Dvarim 11:26]. Notre lien à autrui, à D' et à la Terre, puis à nous-mêmes est Divinement régi. Ce principe est vrai, mais nous aimerions essayer de l'approfondir quelque peu selon deux compréhensions possibles d'un commentaire au début de la parasha.

Il s'agit bien évidemment des propos du Sforno qui affirme :
"Regarde et vois que ton affaire (inyaneh'a) ne soit pas de manière moyenne (beinoni) tel qu'il est d'usage chez les autres peuples, car il est vrai que Je vous donne la bénédiction et la malédiction et elles sont deux extrémités, etc."


Ce commentaire semble bien intriguant. Que veut-il dire par là?
Le Rav Avraham Elkana Shapira zatsal [ancien rosh yeshiva de Merkaz HaRav ; Alon Kommemiut, Av 2006] propose l'explication suivante. Le Sforno nous enseigne ici un principe de base important. On ne peut pas vivre "moyens", à moitié ici et à moitié là, mais il faut tendre à la plénitude, selon le Sifrei [ibid.] qui lie notre verset au libre-arbitre annoncé dans parashat Nitzavim "et tu choisiras la vie" (ouvah'arta bah'ayim), il ne s'agit pas uniquement de choisir le bien, le juste, la bénédiction, mais de le choisir pleinement pour arriver à une vie pleine et intègre.
Ce même principe se retrouve dans la Guemara à propos du Jour de Jugement (Rosh HaShana) approchant à grands pas - "les moyens" sont suspendus jusqu'à Yom Kippour, s'ils sont méritants, ils sont inscrits à la vie. On explique que durant les dix jours de Pénitence, l'homme peut changer son destin en ajoutant des mitzvot et des bonnes actions.
Le Ritva dans son commentaire sur la Guemara s'étonne : pourtant selon Beit Hillel, celui qui est à moitié méritant et à moitié coupable, D' Lui-même fait pencher la balance en sa faveur par Sa Générosité, il n'y a pas besoin, alors d'ajouter des mitzvot et des bonnes actions durant les dix jours de Pénitence, puisqu'il est déjà assuré à Yom Kippour de mériter une bonne année.
Il répond qu'en réalité D' Veut que l'homme tranche son propre sort et destin par ses actes et justifications, que l'homme lui-même agisse et choisisse la vie et ne reste pas "moyen".

Ajoutons encore une pierre à l'édifice, plus lévinassienne peut-être, mais qui serait également envisageable pour comprendre les propos du Sforno.
Le terme Brah'a - bénédiction, dont la racine est BRH', s'écrit en hébreu avec un Beth qui vaut 2, un Reish - 200 et un Kaf - 20. Tous marquent la dualité, le dépassement de soi-même.
Ainsi, Rabbeinou Bah'ya [sur Dvarim 8:10, cf. encore Maharal, Beer HaGula, 4, vers la fin ; H. Infeld, Torat HaGra VeMishnat Hah'assidout, p.33-38] explique que selon la Kabala "Brah'a" signifie "ajout et pluralité".

Quiconque est capable de se dépasser, de se surpasser, de ne pas rester figé dans sa vision du monde, de voir à partir de moi, mais bel et bien de regarder depuis le côté, d'où le terme "reeh", regarde, ne peut plus rester "moyen". Être moyen c'est vivre selon les lois de la nature tout en s'imposant une certaine morale, c'est vivre un vide, oublier de se lier à quelque chose de transcendant. On peut être Juifs, peuple éternel, spirituels, etc. et vivre comme des animaux, cela n'empêche pas. Le choix est justement la quête de la transcendance, se lier à quelque chose de plus grand que moi, qui me sorte de moi-même. C'est D'. Seule transcendance également immanente, éternellement vraie, puisque Vérité en-soi. La Torah et les mitzvot sont la Voie qu'Il nous a donné pour se lier à Lui, quel cadeau ! Pour cela, Son Saint Nom doit reposer partout, dans chaque élément de notre vie, même sociale. Seulement ainsi on pourra en arriver à la plénitude, à la shlémout, à la vie.

Halevay Aleinou,
Shabat Shalom



Quelques perles…

"Regarde, Je place aujourd’hui devant vous la bénédiction et la malédiction » (Dvarim 11:26)
De nombreux commentateurs font remarquer que ce verset commence au singulier («regarde») pour passer ensuite au pluriel («devant vous»).
Rav Yossef de Sloutsk rappelle l’enseignement de la Guemara (Qiddouchin 40b) :
«Heureux est celui qui accomplit ne serait-ce qu’une seule mitsva, car il fait pencher la balance de la justice non seulement en sa faveur, mais pour le bien du monde en général!»
Nous pouvons en déduire que le monde est jugé selon les actions accomplies par la majorité des hommes. S’ils se comportent dûment, il sera sauvé malgré l’inconduite des pécheurs. Chaque individu peut modifier le résultat, car il suffit d’une seule mitsva pour infléchir les plateaux de la balance. Telle est l’idée soulignée par notre verset, qui avertit l’homme – au singulier – que ses actions exercent une influence sur la société en général – celle décrite au pluriel. Quand il accomplit des mitsvot, l’individu suscite une bénédiction divine, tandis que lorsqu’il pèche, il attire des malédictions sur le monde entier.

Ce verset nous apprend, explique Rav Moché Feinstein, que l’octroi de récompenses dans le monde matériel dépend de l’état spirituel de la génération. Il arrive que quelqu’un mérite une rétribution mais qu’il ne la reçoive pas ici-bas à cause de l’indignité de ses contemporains.
Voilà pourquoi la Tora dit à l’homme : « regarde » – au singulier – que les bénédictions et malédictions attribuées par Hachem sont « devant vous » – au pluriel ; elles dépendent de la situation de la société dans sa globalité.

Le Rabbi de Kotzk expliquait encore : le fait que D' ait "placé devant" nous est accepté par les Juifs, c'est donc au pluriel, alors que pour ce qui est de la définition de la bénédiction et de la malédiction, chacun le voit différemment de ses propres yeux, donc au singulier.
(Maayana Shel Torah, Reeh)

"La bénédiction et la malédiction" (ibid.)
Moché ne dit pas ici qu’il place devant le peuple « le bien et le mal », fait remarquer le Gaon de Vilna, car il arrive que les méchants soient comblés tandis que les justes souffrent. Hachem choisit parfois de récompenser les impies dans ce monde-ci pour les quelques bonnes actions qu’ils ont réalisées, tandis qu’Il fait souffrir les justes pour leurs rares péchés afin de ne pas amoindrir leur récompense dans le Monde à venir.
L’homme qui s’est rendu digne de la bénédiction divine peut être certain qu’elle arrivera, même si ce n’est pas immédiatement. L’infortune présente n’est que transitoire, et la récompense qu’il mérite sera acquise quoi qu’il arrive. C’est ainsi que la berakha de Ya‘aqov assurant son petit-fils Efrayim qu’il «se multiplierait abondamment» (Beréchith 48, 16) ne s’est pas aussitôt réalisée.
Telle est la raison pour laquelle notre verset parle de « bénédiction et malédiction », et non de « bien et mal ».

"Regarde, Je nothén (littéralement: «donne») aujourd’hui devant vous la bénédiction et la malédiction" (ibid.)
La Tora s’exprime ici au présent – nothén –, fait remarquer le Gaon de Vilna, et non au passé – nathati. Gardons-nous de penser que le choix de la « bonne voie » nous « fige » dans cette attitude positive, ni que le choix du mal ne laisse aucune possibilité de changement. La Tora nous apprend ici que la possibilité d’opter pour le bien ou pour le mal se maintient en permanence devant nous, jusqu’à notre dernier souffle. Elle « t’est » donnée constamment ; elle ne t’a pas « été donnée ».
Il ne faut en aucun cas se dire : « Jamais je n’arriverai à réparer tout le mal que j’ai perpétré ! », ou : « Je n’obtiendrai jamais le pardon pour les innombrables péchés que j’ai commis ! » Le choix de faire le bien nous est donné présentement, « aujourd’hui », à tout moment de notre vie. Celui qui se repent est considéré comme un nouveau-né, pourvu qu’il soit sincère dans sa contrition, et qu’il se dirige réellement dans la bonne voie.
Ne doutons jamais non plus de notre faculté de résister aux séductions de notre penchant au mal. Soyons au contraire bien conscient du fait que notre aptitude à accomplir le bien nous est procurée par Hachem, qui sera avec nous, comme Il nous le dit Lui-même – « Je donne aujourd’hui… » N’ayons donc aucune crainte ! Nos Sages nous enseignent en effet (Soucca 52a) que le mauvais penchant nous domine constamment et que si Hachem ne nous assistait pas, nous serions vaincus !
Ne nous laissons pas davantage aller au désespoir en pensant qu’Il accordera Ses bénédictions uniquement s’il y a de nombreux hommes vertueux ici-bas, et donc qu’il ne sert à rien d’être le seul tzadik (juste) dans un environnement dépravé… La Tora emploie ici le singulier (« regarde »), pour bien montrer que même l’individu peut être le véhicule par lequel la bénédiction divine se répand dans le monde entier.

"La bénédiction, si vous écoutez…" (ibid., 27)
Notre verset, indique le Or ha-‘Hayim, parle de deux bénédictions : celle qui nous est promise si nous « suivons » la voie voulue par Hachem, et celle que nous vaudra « l’écoute » de la Tora. Cette « audition » est en soi une bénédiction, comme le dit le prophète (Yecha’ya 55, 3) : « Ecoutez, et votre âme vivra… » Celui qui, attentif à la Tora, se délecte de sa saveur, se sait aussitôt redevable d’une dette de gratitude envers Celui qui lui en a fait don. Il va sans dire qu’il ne lui viendra même pas à l’idée de réclamer une récompense pour cette loyauté.
Moché nous informe ici que la bénédiction est accordée à celui qui ne fait qu’« écouter » la Tora, indépendamment de celle que lui vaut l’observance pratique des mitsvot.
L’âme de celui qui « écoute » la parole de Hachem en est amendée, car la Tora est un élixir de vie.