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18/06/2010

Parashat Pinchas

Parashat Pinh'as

Le dépassement de l'identité

Dans notre parasha sont relatés plusieurs événements, d'abord, le petit-fils d’Aharon, Pinh'as, est récompensé du zèle (kanaout) exprimé lorsqu’il tua Zimri fils de Salou, prince de la tribu de Chimone, et la princesse non-juive de Midian, Cozbi fille de Tzour, pour leur volonté de légitimer l'inceste et l'idolâtrie au sein du Peuple : D' lui accorde une alliance de paix et le sacerdoce (kehouna) pour lui et sa postérité.

Il suit un recensement du peuple aboutissant au compte de 601 730 hommes âgés de vingt à soixante ans. Moïse apprend alors de D' que la Terre doit être distribuée par tirage au sort aux tribus et aux familles d’Israël. Les filles de Tselof’had réclament leur dû à Moché : recevoir le territoire revenant à leur père, décédé sans laisser de fils. D' fait droit à cette demande et l’intègre aux lois que la Torah édicte en matière d’héritage.

D' annonce ensuite à Moché qu’il va devoir rejoindre ses pères. Selon les ordres reçus, Moché prend alors Yehochua, le met en présence de toute la communauté, lui impose les mains et lui donne ses instructions.

La paracha se termine par la liste détaillée des offrandes quotidiennes et des offrandes additionnelles du Chabbat, de Roch-Hodech (le début du mois) et des fêtes de Pessa'h, Chavouot, Roch Hachana, Yom Kippour, Souccot et Chemini Atseret.


Quel lien entre tous ces événements ?

Notre parasha, comme dit, commence par l'assurance Divine à Pinchas : "Me voici lui donnant Mon alliance de paix", la récompense de son acte de kanaout - excès de zèle marquant un certain type de personnalité, ressentant en leur identité propre la profanation du Nom Divin - acte législativement correct, mais qu'on n'ordonne pas (cf. Sanhédrin 82a et suiv.).

Il est indiqué dans le Talmud (ibid.): "Pinh'as a dit à Moshé - tu nous l'as enseigné en descendant du Mont Sinaï"; il est ainsi ramené au nom du Gaon de Vilna que ces propos se rapportent à la brisure de tables de la Loi.
En effet, cet acte peut être compris comme enseignement : de la même manière que Moshé a brisé les premières tables, ainsi il existe une application de cette directive - excessivement zélée - pour les générations suivantes, constituant la halakha (la loi), alors qu'elle n'est pas appliquée, du moins son application n'est pas ordonnée, au contraire (halakha ve'ein morin ken).

Cette manière d'agir (tuer) et cette récompense (la prêtrise, ainsi qu'une alliance de paix) semblent disproportionnés. Comment un Lévi devient-il Cohen, premièrement et deuxièmement, c'est en tuant un autre homme, et pas n'importe lequel, un prince, chef de tribu, homme de haut-rang, certainement très Sage, qu'il le devient. Il est d'autant plus étonnant que nos Sages nous enseignent (dans de nombreux midrashim) qu'il est le prophète Elie (lié à la Haftara), car il serait encore parmi nous (Targoum Yehonatan sur Bamidbar 25:12)…

[Quant à la question qui s'impose: s'il était si brave, pourquoi ne pas le nommer dirigeant d'Israël après Moché, cf. responsa du Radbaz (Rabbi David Ben Zimra), tome 6, réponse 2294 et le "Akeidat Itzh'ak" (du Rav Itzh'ak Areima) sur notre parasha, p. 118 qui expliquent qu'un dirigeant ne peut pas être trop zélé].

Pour faire court, il s'avère que son acte n'était pas un simple meurtre, ni un simple "excès de zèle".
Pinh'as selon le Talmud (ibid.), cela est aussi ramené dans différents midrashim, a demandé à Moché pourquoi il ne faisait rien et lui a rappelé la halakha (loi). Moché lui dit alors, celui qui la dit se doit de l'appliquer.

En fait, Pinh'as avait peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas être assez pur, d'avoir quelques "affaires" personnelles qui le disculperaient automatiquement. Mais Moché lui dit que ça n'est pas le cas et lui donne son accord. Pinh'as a commis cet acte pour sauver Zimri de la faute, alors qu'il ne pouvait pas parler avec lui et aussi pour sauver le Peuple Juif des conséquences de cette faute, mettre fin à l'épidémie (cf. Zvah'im 101b, Sanhédrin 44a, Messilat Yesharim ch. 19 où le zèle est lié à l'amour dans un degré très élevé, celui du pieux (h'assid), H'azon Ish sur O.H., p. 163, s.v. Oumikol Makom).

Bref, Pinh'as, dans une occasion où il n'y avait guère d'autre choix, l'a fait avec le plus grand amour pour autrui. En cela, il a dépassé sa propre identité. La rencontre des contraires peut provoquer l'annihilation de l'Autre, alors créer chez nous un dépassement. Aimer l'Autre comme moyen de dépassement de sa propre identité.

Dans cet acte extrême, on voit cette "punition" infligée à Zimri avec tant d'amour que Pinh'as dépasse sa propre identité au point qu'on dise, c'est le prophète Elie, c'est une âme angélique qui ne connaît pas la mort, il s'est lié avec l'infini.

Et mida keneged mida - mesure pour mesure, D' le récompense de la prêtrise, les Cohanim sont justement ceux qui dépassent leur propre identité au profit de l'amour, c'est la vertu de Aharon et ses fils : il aime la paix, la poursuit, aime les Créatures et les rapproche de la Torah.

C'est également le cas dans le reste de la parasha. Les filles de Tzelofh'ad recherchent ce dépassement de leur simple identité propre, elles essaient de la transcender en lui laissant un nom, Yehoshua continue celui de Moshe et les fêtes sont le dévoilement même, au Temple, de cette quête vers l'Infini, vers l'Un, vers D'.

Dans notre parasha commence également la Torah Orale (cf. l'article du Rav Avraham Shapira - http://www.yeshiva.org.il/midrash/shiur.asp?cat=54&id=6067&q), cette quête de l'Infini, au sein de l'Ecrit.

Parashat Balak

Parashat Balak

Doit-on craindre les malédictions ?

Balak, roi de Moav (nommé comme tel par les Anciens de Moav pour résoudre la délicate "question juive", cf. Ramban Bamidbar 22:5) en voyant les miracles que D' fait a Israël dans le désert prend peur: un Peuple vainqueur de toutes les armées qui sont sur sa voie, même les plus puissantes est à sa porte (cf. Rashi sur Bamidbar 22:2-3, selon le midrash Tanh'ouma Balak, 2 ; Sforno, ibid. ; Ramban ibid, vers. 4 et le H'izkouni sur vers. 3 selon H'oulin 60b - le peuple de Moav pensait qu'Israël avait la force et le reshout - le droit, de les annihiler). Celui-ci décide donc de louer les services d'un "magicien"-prophète connu - Bilaam, dont la mission est de maudire le peuple d'Israël ; car il sait que sa force est spirituelle et il a besoin de s'y allier, car lui, Balak, sa puissance est physique. Pourtant D' intervient, à plusieurs reprises : intervention onirique interpellant Bilaam "tu n'iras pas avec eux [les envoyés de Balak], tu ne maudiras pas le Peuple car il est béni" (Bamidbar 22:12), l'épisode de l'ânesse (Bamidbar 22:22), et le changement de sa parole contre son gré (trois fois - Bamidbar 23:5, 23:16, 24:1-3 ; relaté dans Devarim 23:6 ; dans la prophétie de Mikha 6:5 et autres ; il y a dans le Midrash une discussion quant à la manière dont s'est effectué ce changement soudain - "Rabbi Eliezer dit, c'est un ange. Rabbi Yoh'anan dit, c'est une épée", leur discussion est si on a forcé Bilaam ou si c'est une force qui ne lui appartient pas, sans rapport avec son identité propre qui a parlé par sa bouche, pour un plus ample développement, cf. MiOhalei Torah, du Rav Yaakov Ariel, p. 252-254).

Et la question évidente qui se pose est la suivante : quel est le problème ici? Pourquoi tant d'efforts pour la malédiction d'un mécréant? Et même s'il n'était pas mécréant, a priori, on s'en fiche pas mal de ce qu'il dit, puisque tout vient de D'! La guemara (Ta'anit 20a) va encore plus loin et affirme que la bénédiction de Bilaam est pire que la malédiction d'Ah'yia le Shiloni contre le Peuple. Il faut comprendre, de quoi s'agit-il qui est tellement grave…? Doit-on craindre les malédictions?


Réponse intellectuelle (des pashtanim - commentateurs littéraux)

La Torah nous a ordonné de "ne pas insulter [même] un sourd" (Vayikra 19:4). Le Rambam (Maïmonide) explique qu'un homme en quête de vengeance a plusieurs moyens s'offrant à lui. Le plus faible d'entre tous : le cri, l'expression de la colère et la malédiction et ce, même si celui qui l'a auparavant dérangé ne l'entend pas ou n'est pas là. La malédiction apaise l'esprit de celui qui l'énonce, alors même que l'homme visé n'a pas entendu le propos tenu à son encontre. Malgré cela, la Torah nous interdit de maudire, car Elle ne voit pas seulement la situation de la personne maudite, mais également celle de celui qui la dit qui est averti de ne pas éveiller son esprit à la vengeance ni à la colère (Sefer HaMitzvot, comm. non-positifs 317).
Les propos du Rambam sont étonnants. Il ne dit pas qu'on vient sauver quiconque de la malédiction ou qu'elle agit d'une quelconque manière, mais plutôt qu'on vient sauver celui qui la dit de l'abîme, de perdre son bon comportement et ses bonnes midot (mesures) en fautant de la sorte. En d'autres termes, selon le Rambam, la malédiction n'a aucune vérité, on ne doit donc pas la redouter, puisque la raison de son interdit est la réparation morale du blessé…

Avant lui déjà pensait ainsi un grand commentateur, Rabbi Avraham Ibn Ezra. Il écrit à propos de Bilaam dont la malédiction s'est transformée en bénédiction (sur Bamidbar 22:9) :

"Car D' Savait que le Peuple allait fauter à Ba'al Pe'or (dieu d'idolâtrie) [faute à laquelle la punition a été grande: 24'000 morts], et si Bilaam les avait maudit, le monde entier aurait dit «c'est par la malédiction de Bilaam qu'est venue l'épidémie»"
Il ressort de ses propos qu'il ne donne aucun crédit aux malédictions, puisqu'il justifie l'intervention Divine pour une autre raison !

Rabbi Itzh'ak Abrabanel aussi, apparemment, ne croit pas aux malédictions elles-mêmes et à leur conséquences possibles. Il s'interroge : comment Bilaam peut-il par la force de sa bouche récuser le mérite de nos Pères, le mérite de la réception de la Torah au Mont Sinaï? Seulement, D' a empêché la malédiction de Bilaam "car Bilaam était connu aux yeux des Nations pour le fait des bénédictions et des malédictions, comme étant exaucé par le Seigneur, ainsi que l'a dit Balak
"car je sais que quiconque tu bénis, est béni et quiconque tu maudis, est maudit". Et si Bilaam avait maudit Israël, les autres peuples auraient été certains de sa malédiction et auraient fait des efforts sur la base de cette malédiction. Toutefois, lorsqu'ils entendirent de ses propos que D' empêche leur malédiction, alors tout le monde connaîtra et saura que le Nom Divin a été mis sur eux etc. et ils n'auront pas le courage de combattre Israël"
(Abrabanel sur Bamidbar 22:7 vers la fin, p. 117).

Le Rav Moshe Tzuriel, dans un article sur le sujet, voulait même ajouter que le Peuple d'Israël lui-même aurait peur au moment de son combat contre les sept peuples.

Nous voyons donc que selon trois grands rishonim, le problème des malédictions est plus psychologique que réel.

Toutefois, c'est en contradiction avec les propos de nos Sages.

C'est du moins ce qu'affirme Rabbeinou Bah'ya dans son commentaire. Il ramène l'opinion d'Ibn Ezra citée auparavant et ajoute que Bilaam a connu la faute de Baal Peor par l'astrologie et qu'il voulait donner "l'impression" que c'était sa malédiction qui avait agi (Rabbeinou Bah'ya continue longuement sur ce sujet dans son comm. sur Bamidbar 22:20 et conclue "mais il est certain que Bilaam n'avait aucune force par sa parole, ni pour bénir, ni pour maudire"). En outre, il conclue (sur Bamidbar 22:6) "mais ça n'est pas l'opinion de nos Sages".

Il fait apparemment référence à la guemara dans le traité de Brakhot 7a [c'est du moins l'opinion du Rav Chavel, dans ses notes sur Rabbeinou Bah'ya, éd. Mossad HaRav Kook] affirmant que Bilaam savait dire ses paroles au moment où D', une fois par jour, "se met en colère". A ce moment là les malédictions agissent (cf. Rabbeinou Bah'ya ibid, vers. 20, à la fin).

Ça n'est pas uniquement l'avis de Rabbeinou Bah'ya, nos Sages dans le Talmud préconisent "que la malédiction d'un simple ne soit pas petite [sans importance] à tes yeux" (Meguila 15a, Baba Kama 93a), c'est-à-dire qu'il ne faut pas négliger les malédiction. Selon l'explication du Natziv (le rav Naftali Tzvi Yehouda Berlin, dans son commentaire Meromei Sadei sur Meguila, ibid.) il s'agit même de la malédiction d'un non-juif.

Comment concilier l'opinion des trois rishonim cités précédemment avec cet enseignement de nos Sages ?

En fait, il nous faut comprendre si il y a une base réelle chez le maudit aux propos de la malédiction, doit-il la craindre, ou la malédiction est-elle gratuite? Si elle est gratuite, le verset nous dit déjà (Proverbes/Mishlée 26:2) :
"une malédiction gratuite ne viendra pas [ne s'appliquera pas]".
Ce verset s'écrit "lo tavo" (avec un alpeh - ne viendra pas), mais se dit "lo tavo" avec un vav - cela lui viendra à lui, c'est-à-dire que si la malédiction est gratuite, elle retombera sur celui l'énonçant (ainsi expliquent Rachi, Ibn Ezra, le "Metzoudot" et le Malbim, ibid.).

Cela se comprend ainsi : si l'homme est blessé (pas nécessairement physiquement, même moralement) par son prochain à un tel point qu'il se sent obligé de le maudire et sa blessure, elle, est vraie, dure, le faisant terriblement souffrir, il est capable par ses propos d'entraîner une punition Divine au maudit, cela à cause de la faute commise. Sans la malédiction la Justice Divine aurait attendu, afin que l'homme puisse faire techouva, se repentir. La malédiction, malgré son interdiction, fait accélérer le dossier. Donc, la parole n'a pas de valeur en soi, la malédiction ne va pas "s'accomplir", mais elle peut faire "bouger des choses" au Ciel.

Cela est écrit noir sur blanc dans la guemara (Baba Kama 93a) à propos d'Avimeleh' insultant Sarah après l'avoir amenée dans son palais et obligé de la ramener à Avraham, après avoir découvert que c'était sa femme, et cette malédiction s'accomplit sur Itzh'ak qui devient aveugle. La guemara explique, Avraham et Sarah ont caché, voilé, à Avimeleh' le fait de leur mariage et lui ont causé, selon ses dires, un tort ; de la même manière leur fils aura, par sa malédiction, la vue voilée. Ainsi, cela est simple : on doit redouter même la malédiction d'un simple si son propos est fondé, mais s'il ne l'est pas, rien à craindre (la base de cette distinction peut se comprendre de la guemara Makot 11a et Rashi ibid, s.v. "Shehaya lahem levakesh rah'amim al doran").

Ainsi en est-il de Bilaam, si sa malédiction est infondée et le peuple d'Israël n'a pas fauté, il n'y aura rien à craindre. On peut mieux comprendre selon cela les commentaires d'Ibn Ezra et d'Abrabanel, ainsi que le Rambam. Ils parlent en effet d'une malédiction "gratuite", sans raison, c'est pourquoi, elle n'aurait pu agir d'une quelconque manière, sa raison est uniquement psychologique, c'est pourquoi aussi l'intervention Divine est due à d'autres raisons.


Réponse ésotérique (des kabbalistes)

Selon ce que nous avons vu dans le traité Brakhot (7a), il y a un instant chaque jour où D' se mettrait en colère et dirige le monde selon la vertu du jugement (midat haDin), si un homme maudit à ce moment précis, sa parole aura alors valeur certaine et amènera malheur et désarroi. Bilaam, comme dit, savait quand était ce moment, et, nous dit la guemara (ibid.), si D' ne nous avait pas fait la bonté de ne pas "agir de la sorte" ce jour-là, cela aurait été la fin de notre histoire.
Mais qui de nos jours sait reconnaître ce moment?
Selon les Tossafot (s.v. sheilmalei) c'est un temps durant lequel on peut prononcer un mot long de trois lettres !
C'est donc une fraction de seconde. Il y a dans une heure trois milles six cent secondes et vingt-quatre heures dans une journée… Bonne chance pour trouver le moment exact ! Et peut-être est-ce précisément au milieu de la nuit quand tout le monde dort, ou alors à l'aube…
Pour cela, nos Sages disent : "Que la malédiction d'un simple ne soit pas petite à tes yeux", peut-être a-t-il, par hasard, parlé juste au mauvais moment !


D'aucuns, dans ce même mouvement, prétendent que Bilaam était en fait un magicien et toute la force de sa malédiction provient des forces de l'impureté (toum'ah), comme les magiciens d'Egypte, capables de faire les mêmes signes que Moshé ou avec le roi Shaoul qui va chez Ba'alat Ha'Ov, malgré l'interdit de la Torah (Dvarim 18:10), ou encore dans le livre de Yirmiahou, avec les faux prophètes accomplissant des miracles…

Cette vision est incompatible avec le midrash Tanh'ouma (Balak 1,1 - cf. également dans le midrash rabba et yalkout shimoni sur le début de la parasha ; cf. Sifra sur Dvarim 34:10 - "il n'y aura point en Israël de prophète comme Moshé, en Israël-non, dans les nations-oui, qui est-ce? Bilaam fils de Beor") affirmant que Bilaam était prophète.
Ils répondent que cet enseignement est "effrayant, incompréhensible et incompatible avec les propos connus et reçus de nos Sages" (Rav Itzh'ak Areima dans son Akeidat Itzh'ak, portique 82). Ainsi, le "Efodi" dans son commentaire sur le Guide des Egarés du Rambam (2ème partie, chap. 41) écrit :
"de la même manière que Moshé est arrivé à la plénitude de la vraie prophétie, ainsi Bilaam est-il arrivé à la plénitude de la magie, selon la capacité de l'homme, mais pas de la prophétie".
De la même manière, dans le livre de Yehoshua (13:22), le verset dit :
"Et Bilaam fils de Beor le magicien (haKossem) a été tué par le Peuple d'Israël au fil de l'épée…"
Il y a encore de nombreux exemples qui soulignent que Bilaam était dangereux, car sa parole il savait la diriger selon les forces du mal, et c'est ainsi qu'ils interprètent le guemara dans Brakhot (7a) citée auparavant.
Pour comprendre cela en profondeur, le Rav Baroukh HaLévi Epstein propose, dans son commentaire "Torah Temimah" (sur Dvarim 34:10, lettre 26), une allusion, au nom de son maître :
"J'ai entendu au nom du génie Rabbi H'ayim de Volozhin za"l une explication à ce midrash [le Sifra, cité précédemment] - allégorie à un aigle et à une chouette qui tous deux savent quand se lève et se couche le soleil, mais chacun selon son point de vue. En effet, il est bien connu que l'aigle aime les rayons de soleil et la nuit sa vue baisse, alors que la chouette, elle, trouve son répit dans l'obscurité et craint la lueur. Les deux savent quand l'aube apparaît, mais le but de leur connaissance est bien différent. L'aigle sait qu'il peut se réveiller et voler, alors que la chouette doit aller se trouver une cachette, un endroit sombre. Et inversement à la tombée de la nuit. Et cette allégorie nous apprend la connaissance de Moshé et de Bilaam de D', car lorsque c'est un moment de grâce, de volonté ('èt ratzon) Divine pour apporter lumière et bénédiction sur le monde, la prophétie de Moshé "se réveille", et il visait sa prophétie dans ce but là. Bilaam aussi connaissait ce moment, mais c'était pour "se cacher", telle la chouette. Et lorsque "Son Moment de Bonté" se terminait, sentait alors Bilaam qu'il était le moment d'agir contre Israël et faisait ce qu'il pouvait. Mais Moshé pendant ce temps là esquivait et maintenait sa prophétie jusqu'à ce que la colère passe. Selon cela, nous comprenons que les deux connaissaient la Volonté Divine, mais un cherchait la lumière et l'autre l'obscurité."
C'est-à-dire, selon Rabbi H'ayim de Volozhin (disciple du Gaon de Vilna et auteur du Nefesh HaH'ayim), que la prophétie de Bilaam n'en était pas vraiment une puisqu'il cherchait la force de l'impureté, le moment de colère, afin d'arriver à ses fins. C'est pour cela que nos Sages l'appellent Bilaam le mécréant, l'impie (HaRasha). C'est ainsi aussi qu'il faut comprendre la Mishna du traité de Avot ("les maximes de nos Pères") chap. 5, mishna 19 (21 selon les éditions) affirmant que les disciples de Bilaam sont caractérisés par "l'envie, l'orgueil et une volupté insatiable".
Cette manière de voir le monde est négative en soi et c'est pour cela qu'on en craint les malédictions. Voir les défauts d'autrui à la place de chercher ses qualités, c'est également cela l'envie (Ayin Ra'ah) - de la jalousie, chercher le mal, la haine gratuite (cf. Rabbeinou Yonah, Shaarei Tchouva, portique 3, siman 217 ; Midrash Rabba Bamidbar 20:2 ; Kidoushin 70b ; Kountrass "Talmidav shel Avraham Avinou" du Rav Moshe H'adash, Ayin Tova aleph et beth) . Ce ne sont pas tant les mots en eux-mêmes qui nous font peur, mais le fait que des gens avec un tel potentiel à lier le fini et l'infini (telle la prophétie) le gaspillent et arrivent à donner une réalité à leur vision négative, par les mots certes, dans notre monde - c'est là un véritable danger, où l'aide Divine est nécessaire. On a peur d'être atteint par leur vision négative et noire du monde où la spiritualité sert la matérialité, dans quel cas, comme le dit la Mishna dans Avot (ibid.), la fin est au Guéhinom.

Nous avons donc vu trois explications : si quiconque faute, il est plus à même qu'on le punisse, et donc il peut craindre la malédiction ; si par hasard la malédiction a été prononcée au mauvais moment, au moment de la colère Divine, elle risque de se réaliser ; ça n'est pas tant la malédiction que nous craignons, mais plutôt le fait d'être imprégné de la vision du monde du maudissant en d'en ressortir blessés.

Selon les deux premières explications, D' a fait un véritable miracle avec le Peuple dans le désert et L'a protégé d'une mort certaine (comme ramené par le Yalkout Shimoni - ce fut la plus belle bénédiction jamais prononcée sur Israël), alors que selon la troisième explication ramenée, Bilaam et son disciple Balak auront la victoire, certes partielle, mais toutefois dangereusement. C'est ce qui arrivera par la suite au Peuple d'Israël touché par l'inceste des filles de Midian, ainsi nous comprenons mieux la ce qui est dit dans la guemara Ta'anit (20a) citée précédemment, car la malédiction a quand même eu un quelconque effet, aussi néfaste soit-il. En effet, nous savons que les portes du Mal sont la Avodah Zarah (l'idolâtrie) et la Minout (l'inceste) revêtant de nombreuses facettes…

Puissions-nous être à l'abri de toute malédiction, tant dans et par nos paroles [afin de lutter contre Amalek (dernières lettres de l'assemblage de Bilaam et Balak ; cf. aussi Meguila 13b), Bilaam (cf. Brakhot 7a) et Yshmaël (cf. Pirkei deRabbi Eliezer, ch. 30 précisant qu'à la fin des temps celui-ci fera régner, entre autres, le mensonge), dont la force est la parole], que dans notre manière de voir le monde et notre prochain.

Shabat shalom,
Shmuel Elikan.
(article basé sur les enseignements du rav Moshé Tzuriel)

Dédié à la guérison de Menah'em ben Huguette ainsi qu'à tous les malades de notre Peuple, d'autant qu'à la mémoire bénie du Grand-Rabbin d'Israël, le Gaon HaRav Mordekhai Tzemach ben Mazal, à H'aya Routh bat Miriam veH'ayim, à Yirmiahou H'ayim ben Miriam, et à tous ceux qui sont tombés pour la gloire d'Israël, tous nos soldats. Soit leur mémoire bénie !
מוקדש לרפואה כל חולי עמנו ולע“נ הרה“ג הראש“ל מרדכי צמח בן מזל, חיה רות בת מרים וחיים, ירמיהו חיים בן מירים וכל נופלי מערכת ישראל גיבורי כח. ת.נ.צ.ב.ה

Parashat H'oukat

Parashat H'ukat

Obligation ou compréhension ?

Notre sidra s'ouvre sur une série de lois dictées relatives à la mort ainsi qu'à l'impureté en général, et dans ce cadre là les lois relatives à la vache rousse, ou sa qualité cathartique. Suit ensuite la mort de Miriam et la disparition de la source d'eau du peuple. Celui-ci se plaint du manque vital, c'est alors que fautent Moshé et Aharon en frappant le rocher. Le peuple doit ensuite passer par les terres d'Edom, et en arrivant à Hor HaHar meurt Aharon. Suivent des événements plutôt agités : combats contre les Cananéens et attaques de serpents après avoir demandé à Moshé de vivre "naturellement" dans le désert, leur guérison et salut grâce au serpent d'airain que Moshé suspend. Après cela, plus glorieusement, le chant du puis, et quelques conquêtes.
Quel lien entre tous ces événements, s'il en est un ?

Dures épreuves toujours liées à la mort, terminées de manière salutaire.
Pour bien comprendre ce phénomène, il faudrait étudier longuement les lois liées à la pureté et l'impureté, et comme le Maharal de Prague l'explique plus l'homme se rapproche de la mort, le plus il est impur. Il existe cependant différents critères de classification et de transmission (cf. à ce sujet la première partie de "Mincha Tehora" du Rav Daniel Wolf, Alon Shvut, 2009).

Toutefois, nous avons vu encore un autre dénominateur commun (basé sur une drasha du Rav Yaakov Ariel, grand-rabbin de Ramat-Gan).

Quelle était la faute de Moshe et d'Aharon ?
Il est d'usage de dire qu'ils ont frappé le rocher à la place de lui parler. Mais s'il en est ainsi, Moshé n'est en rien responsable, puisqu'en une autre occasion D' lui a explicitement ordonné de frapper le "rocher, et il sortira de celui-ci de l'eau et le Peuple boira". Ici aussi D' dit à Moshe "prends ton bâton". L'ordre Divin à qualité prophétique peut être interprété de différentes manières et il est clair que Moshé a agi selon son habitude. En effet, plus tard, il est dit : "vous parlerez au rocher". Mais s'il suffisait de parler, pourquoi alors prendre le bâton, selon un ordre d'En-Haut qui plus est ?!

Dans le Yalqut Shimoni (Allusion, 763) il est rapporté :
"Lorsque l'enfant est petit, on le frappe (punit) pour lui enseigner, lorsqu'il grandit, c'est par la parole qu'on le corrige. Ainsi D' a dit à Moshé lorsque ce rocher était petit, tu l'as frappé, mais aujourd'hui "vous parlerez au rocher", récite sur lui un chapitre et il sort de l'eau du rocher."


Le midrash voit dans le rocher le cœur de pierre du Peuple au début de son chemin. A la sortie d'Egypte, il a fallu l'élever par des coups (punitions, c.à.d. les dix plaies), toutefois la nouvelle génération qui s'apprête à rentrer en Israël est plus mature ; son éducation se fait par la parole. Selon la Halakha, il est interdit à un père de frapper son fils lorsqu'il est grand, il transgresse ainsi l'interdit de "lifnei iver lo titen mikhshol" ("tu ne mettras point d'obstacle devant un aveugle"), en effet, celui-ci pourrait lui rendre, h'alila, et comme le démontre l'expérience, souvent les conséquences éducatrices sont inverses à celles recherchées. Un grand, on ne le convainc pas par la force, seule la parole fait l'affaire. Le Peuple d'Israël a grandi durant quarante ans et il est temps de lui parler dans une langue plus douce. Le langage de la force, nonobstant son inutilité, peut engrener des dommages. La direction du désert se termine, il faut un leadership différent pour rentrer en Terre Sainte.

Une idée semblable se trouve à la fin de notre parasha, lors de la guerre contre Og roi de Bashan. Nos Sages nous enseignent qu'Og a soulevé une pierre grande de trois parsa (à peu près 12 km) pour la jeter sur le camp du Peuple d'Israël. Cependant, des fourmis, toutes petites, ont grandement troué cette pierre et la tête d'Og s'est retrouvée engloutie dans celle-ci. Lorsqu'il tenta de soulever la pierre pour délivrer sa tête, ses dents se sont profondément enfoncées dedans de telle sorte qu'il ne put s'en délivrer.

Le Maharal de Prague (Gur Aryeh sur la parasha) explique ce midrash de manière profonde : Og tente de vaincre le peuple d'Isräel par sa force physique. C'est sans savoir que le Peuple d'Israël a un avantage certain - spirituel, dans sa bouche (par la prière, l'étude, la parole, etc.). Les fourmis sont certes physiquement petites, mais leur force est dans leur bouche avec laquelle elles creusent un grand trou dans cet énorme rocher. Ainsi, le peuple d'Israël par son influence spirituelle (qui chez le Maharal est très souvent symbolisée par la bouche qui est le passage obligé de la réalité spirituelle de chaque âme dans le monde réel) peut rompre la dureté de la pierre. Le Maharal ne veut pas dire par là qu'il n'y a pas de lutte physique réelle entre Israël et les peuples du Monde, mais qu'en fin de compte, dans la lutte entre Yaakov et Essav, ce n'est pas tant la force qui vainc, mais bien l'esprit qui convainc. Ce sont deux phases dans l'histoire de l'humanité - le premier, primitif est dominé par la puissance physique, alors que le second - quand l'humanité est "réparée" - est prévalu par la parole, par la compréhension. La vérité pourra alors être expliquée et donc il sera facile de convaincre.

Selon cela, on comprend mieux le lien entre les événements. La vache rousse est appelée "h'oukat haTorah" (loi de la Torah). Le mot "h'ok" a deux significations, d'une part, il signifie loi comme commandement et d'autre part il souligne l'infini, comme dans le verset des Psaumes "h'ok natan velo yaavor" ("Il a donné une loi [la nature ?] et Il ne la transgressera pas") - pour nous dire que le commandement Divin est éternel, même lorsqu'on n'en connaît pas la raison (cf. le premier Rashi de la parasha), il en est de même pour toute la Torah, c'est pour cela qu'il est écrit "h'oukat hatorah" (la loi de la Torah) et non pas "h'oukat haPara" (la loi de la vache [rousse]).

Même si l'on ne comprend pas la raison des lois de la Torah, on y reste obligé et astreint. Il n'est pas dit qu'on ne peut pas la comprendre (même si le Roi Salomon ne l'a pas comprise, cf. dans T.B. Nidda sur le sujet), mais notre devoir est malgré notre incompréhension d'effectuer la mitzva. Il faut parfois savoir se retirer de l'image pour voir que tout vient d'En-Haut.
En effet, la compréhension est nécessaire, elle est un signe de maturité, on peut convaincre, se faire convaincre, mais cela n'est pas suffisant. Le côté obligatoire et obligeant du commandement Divin doit aussi se faire ressentir. D'où l'hésitation de Moshé [à noter que le Meshekh Khokhma de Rabbi Meir Simcha HaCohen de Dvinsk écrit que les commentateurs ont accordé tellement d'interprétations quant à la nature de la faute de Moshé et d'Aharon, qu'en fin de compte, ça n'est plus une, mais des dizaines de fautes qu'ils ont commises, et donc, il prévient de prendre les choses en proportion]…

On comprend ainsi le midrash traitant d'Og, il n'a pas compris que tout vient d'En-Haut. Il en est de même pour le Peuple d'Israël. Il ne pleure pas Miriam (selon le Kli Yakar) et c'est pourquoi il manque d'eau, on n'est pas capable de voir la main Divine. De même pour le serpent, la mishna dans le traité de Rosh Hashana dit : "vekhi nakhash memit oumekhayé" (est-ce qu'un serpent tue ou fait revivre?), c'est seulement, quand le Peuple d'Israël, continue la mishna se rappelle que tout vient de D' qu'ils voient le salut. Le fait qu'un serpent tue est évident, que veut dire la mishna? Mon maître, le Rav H'ayim Sabato explique qu'en fait même dans cette fonction là, cette nature là on doit reconnaître la main de D'.

Semblablement, Rabbi Moshe HaDarshan (cité par Rashi, dans parashat Ki Tissa) explique que la vache rousse répare la faute du veau d'or. En réalité, c'est un midrash (Bamidbar rabbah 19:8) que Rabeinou Tam ramène lors d'une discussion dans la guemara Yoma 2a qui contredit la guemara dans Moed Katan 28a affirmant que la vache provoque une "kaparah" ou pas, alors que le Shaagat Aryeh (dans Gvourat Ari sur Yoma 2a) explique que seule la vache rousse qu'a préparé Moshé a réparé la faute du veau d'or.
Quoi qu'il en soit, le veau d'or signifie une puissance qui se suffit en soi et qui provient de soi-même (cf. Gour Aryeh du Maharal sur la parasha), car le veau est un animal puissant présent dans la "merkava" d'Ezekiel représentant la force animale, la force physique ; alors que l'or c'est le désir, l'argent, la noblesse. Le Peuple va du spirituel au matériel et c'est une chute très dangereuse.
Le Peuple, selon l'interprétation d'Ibn Ezra et du Kouzari a fait le veau pour avoir son propre intermédiaire à D'. Cela provient d'une bonne volonté, mais les circonstances sont graves, le Peuple ne peut se suffir à lui-même, il doit se rappeler que tout vient d'En-Haut.
Il ne le comprend, dans notre parasha, qu'après de douloureux et tragiques événements, un manque d'eau, donc de vitalité, des morts et des attaques… mais finalement vient le salut et on peut s'apprêter à rentrer en Israël.

Shabat Shalom.



P.S. : désolé de n'avoir pas pu marquer les références, je n'avais malheureusement pas trop de livres au moment de la rédaction…


Dédié à la guérison de tous les malades de notre Peuple, ainsi qu'à la mémoire bénie du Grand-Rabbin d'Israël, le Gaon HaRav Mordekhai Tzemach ben Mazal, à H'aya Routh bat Miriam veH'ayim, à Yirmiahou H'ayim ben Miriam, et à tous ceux qui sont tombés pour la gloire d'Israël, tous nos soldats. Soit leur mémoire bénie !

מוקדש לרפואה כל חולי עמנו ולע“נ הרה“ג הראש“ל מרדכי צמח בן מזל, חיה רות בת מרים וחיים, ירמיהו חיים בן מירים וכל נופלי מערכת ישראל גיבורי כח. ת.נ.צ.ב.ה

Parashat Korah'

Parashat Qorah'

La dispute


Notre parasha relate l'épisode de la rébellion de Qora'h et sa faction. Parfois, les explications avancées pour comprendre cette révolte sont troublantes ; comment un homme intelligent, érudit, noble, riche, leader politique, avec du yih'ous - de remarquables liens de parenté dévie-t-il de cette manière ?
Le Ari HaKadosh explique même que le verset "Tzadik Katamar Yifra'h" (Ps. 92:13) (Le Juste mûrira [litt. fleurira] telle une date [le fruit…]) s'accorde à Qora'h, puisque les dernières lettres KRH' - forment son nom !
Nos Sages dans différents midrashim expliquent que si Qora'h avait attendu il serait devenu un grand dirigeant, tel qu'il le voulait.
Manque de patience? Jalousie d'Elitzafan fils d'Ouziel qui a reçu le rôle qu'il aurait dû avoir (cf. Rachi 16,1, selon Midrash Tanh'uma, Qorah', 1)?

Il existe différentes explications et raisons au fait qu'une faction entière se rebelle contre D'., alors qu'en fin de compte la raison d'agir de Qora'h semble illogique - la création inutile de conflits amène à un comportement incompréhensible, a expliqué le Rav Y. Amital (ancien Rosh Yeshiva d'Alon Shvut).
J'ai pourtant entendu une fois, au nom du Rav Ashlag (auteur du commentaire "HaSoulam" sur le Zohar) que leur discussion était dans la manière de servir D'. "du haut vers le bas" ou "du bas vers le haut" ; est-on plutôt influencé par le Divin se dévoilant de manière transcendante demandant une foi dans ce qui est au-delà de la raison (ne niant pas le côté immanent de la chose, mais le relativisant) ou le Divin serait-il immanent, "tout le peuple est saint", et notre devoir est de dévoiler D'. par et dans la raison - récusant évidemment toute foi au delà de celle-ci. D'aucuns ont encore affirmé que Qora'h était le premier juif "dans le cœur" - mais cela n'explique pas pourquoi il a agi ainsi.

Toutefois, on peut apprendre de ces commentaires que la Mishna (Avot 5:17) citant Qora'h et sa faction comme étant une discussion sans avenir puisque n'étant pas leshem shamaim (au nom du Ciel), à la différence d'Hillel et Shamai, parle d'un état dans lequel la différence entre leshem shamaim (au nom du Ciel) et lo leshem shamaim (pas au nom du Ciel) est très fin, sinon celle-ci aurait amené d'autres discussions où la différence brille beaucoup plus ! Entre parenthèses, on peut légitimement se demander pourquoi les noms de Moshe et d'Aharon sont-ils absents de ladite Mishna.

Certains ont répondu qu'uniquement Qorah' débatait pour des intérêts personnels, donc pas au nom du Ciel, alors que Moshe et Aharon, eux si.
C'est ainsi que dit la Guemara (H'ulin 89a) :
Le monde n'existe que par le mérite de Moshe et d'Aharon. C'est ainsi qu'il est écrit, "Que sommes-nous? (Va-anachnu ma – allégoriquement, nous sommes ma - quelque chose)," alors qu'ailleurs il est écrit, "Il Suspend le monde sur le néant" (belima - dont ce "ma" fait parti).
Rabbi Ilaa dit: Le monde n'existe que par le mérite de quiconque se retire lors d'une dispute, comme il est écrit : "Il Suspend le monde sur le néant" (allégoriquement, celui se retirant)"


Le monde n'existe pas uniquement par le mérite des pieux, d'ascétiques du monde, etc., au contraire, par le mérite de celui se taisant lors d'une dispute! C'est de cette manière spécifique que se dévoile la grandeur d'un homme.
Nous devons nous rappeler que lors de disputes, chacun a un "Kamtza" - un groupe de soutenants, mais il a également un "bar Kamtza" - des gens qui l'abhorrent. Il est indécent de penser qu'en intégrant une dispute nous sommes immunisés à la détérioration et à l'illogique qui la poursuit. Nous devons nous élever au-dessus du niveau du monde - le degré de Moshe et Aharon qui se sont retirés au moment de la dispute. C'est le fait que Moshe soit tombé sur sa face après avoir entendu leur plainte, selon de nombreux commentateurs, il a prié (Rachi, Rashbam, Hizkouni, etc.), il a cherché a entendre la parole de D' (Rav Saadia Gaon, Ibn Ezra, …).

D'aucuns ont encore expliqué cette Mishna de manière quelque peu différente: c'est parce qu'entre Qorah' et sa faction même il y a avait dispute. C'est ainsi que le H'atam Sofer a expliqué que l'unique lien entre les rebelles était leur bataille contre Moshe et Aharon, alors qu'entre eux ils étaient notoirement divisés : Qora'h prônait le trône de la prêtrise, les aînés et la tribu de Réouven disaient avoir trop cher payé pour "une seule" faute [le veau d'or]. Chacun pensait être plus saint que son voisin au sein même de la faction !
A ce stade là, lorsque Qora'h abandonne son premier propos au profit d'un défi dont le compte est personnel, Moshe en ressort fortifié, la faction a des intérêts antithétiques… C'est ainsi qu'il repousse la discussion au lendemain.
Ainsi, il s’adressa à eux et leur annonça que « demain, Hachem ferait savoir qui était à Lui, et qui était saint… » (Bamidbar 16:5).

On s’est demandé les raisons pour lesquelles Moïse avait ainsi reporté au lendemain l’épreuve qui allait le blanchir des soupçons que l’on faisait peser sur lui [nos Sages affirment qu'en plus de l'accaparât des pouvoirs, Moshé était soupçonné d'adultère (Sanhédrin 109b), cela est difficile à lire dans le texte, mais peut se comprendre de la manière suivante, rapporte le Mishkenot Yaakov HaSefaradi, souvent dans une discussion, par une affirmation on veut sous-entendre son contraire, comme si je dis "je ne suis pas méchant", pour dire "mais toi, tu l'es"; ainsi Qora'h dit: "tout le monde est saint, mais toi tu ne l'es pas", Moshé s'il n'est pas saint serait donc accusé d'immoralité et quoi de plus immoral que l'adultère?] et qui allait punir les rebelles de leur révolte, plutôt que de la proposer tout de suite.

Selon le Midrach Tan‘houma (Qora'h, 5), cité par Rachi (ibid.), l’intention de Moïse était de temporiser dans l’espoir d’une rétractation de la part de ses détracteurs.
On peut rapprocher cet enseignement d’un autre du Talmud Bavli (Berakhoth 19a) :
« Si tu vois qu’un érudit en Tora a commis une transgression, ne lui adresse pas de reproches le lendemain, car il s’est peut-être repenti. “Peut-être”? Non, sûrement ! »

On sait en effet que Qora‘h était, comme dit, un grand érudit, et que les deux cent cinquante hommes qui lui étaient (plus ou moins) fidèles étaient les chefs de tribunaux (cf. Rachi ad. 16:1). Rien d’étonnant, par conséquent, que Moïse ait spéculé sur leur techouva.

Une autre raison possible à la patience manifestée par Moïse peut être trouvée dans la façon était distribuée la manne dans le désert : Les justes la trouvaient tous les matins à leur porte, les gens moyens devaient aller la chercher, et les impies, et les impies devaient sortir des limites du camp pour s’en procurer (Yoma 75a).
Il était ainsi possible de discerner, chaque matin, le niveau de spiritualité de chacun.
C’est ainsi que Moïse a pu, en reportant au lendemain ses pourparlers avec Qora‘h et ses fidèles, déterminer à coup sûr qui était juste et qui ne l’était point. Déterminer si la dispute n'était vraiment pas leshem shamaim !

Pour comprendre encore une dernière raison, il faut expliquer que de manière similaire à Qora'h les peuples demandent : pourquoi est-il nécessaire d'avoir un peuple choisi? Pourquoi ne serions-nous pas tous au même niveau? Et ils continuent de questionner : Si vous êtes dans le vrai, alors pourquoi êtes-vous en exil? Pourquoi n'êtes-vous pas en tête, et célébrés, mais constamment persécutés?

Moshé rétorque que la réponse Divine se fera le lendemain matin. La symbolique du matin, comme nous le savons, est la rédemption, alors que la nuit représente l'obscurité de l'exil. Moshe sait qu'il n'y a aucune réponse à ces questions dans notre monde tel qu'il est aujourd'hui. Nous devons prier pour le lendemain, pour le "matin", pour la rédemption (la guéoula). Seulement à ce moment là, la vérité du Am Israel devient claire.
Ainsi, les chapitres de Téhilim qui commencent par les mots "Du musicien en chef, un psaume pour les fils de Qora'h parle de la rédemption future, où tous les peuples comprendront la fonction du Peuple d'Israël parmi les nations.


Chabat Chalom.

Parashat Shelah'

Parashat Shelach – "Fatal Error"
Rabbi Meir Kahana

All the Children of Israel murmured against Moses and Aaron, and the entire assembly said to them, “If only we had died in the land of Egypt, or if only we had died in this Wilderness! Why is Hashem bringing us to this Land to die by the sword? Our wives and young children will be taken captive! Is it not better for us to return to Egypt?” (Num. 14:2-3)

It is a mitzvah, a Divine decree, that we must live in Eretz Yisrael under G-d's dominion, sanctifying His name, in order to create a holy state and society which clings to mitzvot completely and properly, uninfluenced by the alien, false culture of the nations.
At the same time, it is an unforgivable, loathsome sin to refuse to live in Eretz Yisrael, and to prefer the depravity of the exile and foreign rule. It is a chilul Hashem, and Israel are, thus, exposed to the influence of the nations and their abominations.

G-d, therefore, was angry at our ancestors in the desert when they refused to go up to Eretz Yisrael and called out, “Let us appoint a new leader and go back to Egypt” (Num. 14:4).
Surely the spies Moses sent out were prominent and righteous, as our sages said (Tanchuma, Shelach, 4):
“Send out men” (Num. 13:2): This is in line with, “He that sends a message by the hand of a fool, severs his own feet and imbibes damage” (Prov. 26:6). Were the spies fools? Surely the Torah said, “Send out men (“anashim”),” and “anashim” always refers to righteous persons... Rather, they were called fools only because they slandered the Land... All the same, they were great men who made themselves into fools.

[As Rabbi Meir Kahana puts it in Peirush HaMaccabee – Shemot, Ch. 3]:
Incidentally, this also teaches the bitter lesson that even the greatest of men can become a “fool” in the Torah sense of the word, if he lacks faith. As the Talmud says: What can cause the tzaddikim to have less than their full share in the World to Come? – Their lack of faith (Sotah 48b). Here, their lack of faith caused the spies to put out an evil report of the Land of Israel, and G-d therefore said: For how long will this nation fight against Me and for how long will they refuse to believe in Me? (Numbers 14:11). The leader of the generation has to be perpetually on guard, to ensure that his fear of heaven is greater than his wisdom, because without fear of heaven, his wisdom will not endure. He has to work to ensure that his faith is securely anchored in his fear of heaven. And we all have to be aware that even a leader of the generation can err – especially in matters of faith.

Likewise, Num. 13:3, “All the men were leaders of the children of Israel,” was rendered by Targum Yonatan as, “All were wise men who had been appointed heads of the children of Israel.”

Thus, they were great and righteous men, yet they sinned in turning their backs on Eretz Yisrael and wishing to settle down in the exile, in Egypt. As King David said, “They scorned the Desirable Land, they believed not His word” (Ps. 106:24).

Ostensibly, they had a good argument, pikuach nefesh, i.e., they wished to prevent loss of life. The spies said of the Canaanites, “We were in our own sight as grasshoppers, and so were we in their sight” (Num. 13:33). They were certain that the war against the Canaanites would be severe, and it would be hard to defeat the giants. Moreover, even if they defeated them, a few Israelites would fall. After all, we do not rely on miracles.
For that reason, these great and righteous men rendered a halachic ruling that pikuach nefesh overrides all areas of Eretz Yisrael; it overrides Eretz Yisrael in its entirety. They certainly did not intend to abandon G-d's Torah, but rather to return to Egypt and keep it there. This, however, was their sin, because G-d had decreed that it was forbidden for them to dwell outside the Land, and that only in Eretz Yisrael could they sanctify His name and live in the isolation of Torah. For that reason, no danger to the nation overrode Eretz Yisrael, the only place the Jewish People could keep the Torah completely and properly.

A war over the mitzvah of living in and conquering Eretz Yisrael is a milchemet mitzvah, which no danger to life overrides. Quite the contrary, this mitzvah overrides such danger, as Ramban wrote in Sefer HaMitzvot, Ibid., Mitzvah 4):
This is what our sages call milchemet mitzvah. In the Talmud (Sotah 44b) Rava said, “ Joshua's war of conquest was an obligatory duty according to all opinions.” One should not make the mistake of saying that this mitzvah only applies to the seven nations we were commanded to destroy... That is not so. We were commanded to destroy those nations when they fought against us, and had they wished to make peace we could have done so under specific conditions. Yet, we cannot leave the Land in their control or in the control of any other nations in any generation.

Fear of the nations is just one dismal reason the Jewish People treat the Desirable Land with contempt (longing for the good life is another). Precisely because of this delusion that the exile is safe but Eretz Yisrael is dangerous, G-d became angry and decreed death in the desert for the generation that left Egypt, adding, “You said your children will be taken captive, but they will be the ones I will bring there, so that they will know the land that you rejected” (Num. 14:31). Those who feared that they and their children would die in Eretz Yisrael died precisely in the desert, whereas their children entered the Land and lived. This teaches that the only security for the Jewish People is in Eretz Yisrael, whereas the exile is their burial place. Our sages said (Torat Kohanim, Bechukotai, Ch. 1): “'You will live securely in your land' (Lev. 26:5): In your land you will live securely, but not outside it.” Likewise, Obadiah said (v. 17), “Upon Mount Zion there shall be deliverance.” In other words, in Zion but not in the exile.
G-d, Who knows His people's mind, knew, as well, that Israel would always prefer the non-Jewish life of the exile, whose abominable depravity is so sweet to the sinner among us. As King Solomon said, “Stolen waters are sweet, and bread eaten in secret is pleasant” (Prov. 9:17). G-d, therefore, decreed that Israel would never find safety and security in the exile. Bereshit Rabbah 33:6 teaches:
“He sent out the dove... I t could find no place to rest its feet” (Gen. 8:8-9): “Had it found a place to rest, it would not have returned. Just so, it says, 'She dwells among the nations; she finds no rest' (Lam. 1:3); and; 'Among the nations you shall have no repose; there shall be no rest for the soles of your foot' (Deut. 28:65). If Israel found rest in the exile, they would not return.”

Thus, G-d decreed that Israel would never find permanent rest (“manoach”) in the exile, and whoever says that they really can find it is an “ignoramus” [in Berachot 61a, R. Nachman calls Samson's father Manoach an “ignoramus”].
Not in vain did our sages (Mechilta, Bo, 1) compare the exile to a cemetery, for if Israel refuse to dwell in Eretz Yisrael, if they spurn it for the depravity of the exile, they have no future, but suffering, tragedy and annihilation.


Compiled by Tzipora Liron-Pinner from “The Jewish Idea" and "Peirush HaMaccabee- Shemot" of Rabbi Meir Kahane, HY”D

Parashat Shelah'

Parashat Chelah' - Leh'a
La faute des explorateurs

Le lien entre les Juifs et leur Terre, Israël, commence lorsque D' donne l'ordre à Avraham : “Va-t-en [pour toi] de ta terre…vers la Terre que Je te montrerai” (Genèse 12:1). Dès le début, la relation entre les deux agents a été difficile ; nos Sages nous ont enseigné qu'Eretz Israël s'acquière dans la souffrance (Berachot 5a - "Trois bons cadeaux ont été donnés à Israël, et ils ne sont acquis que par la souffrance: la Torah, Eretz Israël et le 'Olam HaBa (Monde Futur)").

Ainsi fut-il. Avant qu'Avraham n'ait pu s'installer convenablement sur la Terre Promise, il est déjà contraint de s'en éloigner à cause de la famine. Il descend donc en Egypte. Itzhak n'a jamais quitté la Terre, mais sa vie n'était pas tellement rose : les Philistins le sabotent et le terrorisent. Sound familiar? Yaakov également fut contraint de fuir son frère et quitter la Terre. Lorsqu'enfin il revient de chez Lavan et commence à s'installer, recommencent les problèmes. D'abord à Shkhem, puis avec Yossef et ses frères.

Malgré leurs épreuves et difficultés, les Patriarches ont gardé leur foi en la Terre, non seulement durant leur vie, mais également dans leur mort. Yaakov n'a-t-il pas commandé à ses fils : “Ramenez-moi vers mes Pères, pour être enterré dans la grotte, dans le champ d'Efron le Hittite” [à Hévron] (Genèse 49:29)?
Yossef n'a-t-il pas également fait jurer ses descendants de ramener ses ossements en Terre Sainte, auprès de ses ancêtres?

Les premiers dans toute l'histoire d'Israël a montrer un manque de foi envers la Terre furent les explorateurs. La question se pose donc, quelle était leur faute?

Il y a plusieurs explications quant à la cause de la faute. Certains affirment que le fait de vouloir "espionner" a amené à la faute. Toutefois, cela semble étrange puisque l'action a été Divinement ordonnée! On répondra qu'il s'agit d'un type d'ordre spécifique donné par D', attentif aux intentions du peuple, dans le but de pouvoir, en potentiel pour le moins, sanctifier une mission au but douteux. Un peu à la manière, selon certains avis, du commandement de nommer un roi.
Cela est sujet à controverse. On a trouvé de nombreux endroits, dans l'histoire d'Israël, où on a utilisé des espions, des explorateurs. Par exemple, il est écrit: “Moshé a envoyé des gens pour espionner Ya’azer” (Nombres 21:32). De la même manière, Yehoshoua a également envoyé deux hommes pour espionner la Terre d'Israël en général et Yericho en particulier. Quant à Gideon, D' l'a envoyé espionner le camp Midianite afin d'entendre ce qu'ils disaient et être en position de supériorité au moment de l'attaque (Juges 7:11). Cependant, il existe une différence notoire entre ces missions et celle de notre parasha (cf. Sanhédrin 104b, Eikha Rabba sur Lamentations 2:16 et le cours du Rav Weizmann sur le sujet - http://www.yesmalot.co.il/shiurhtml/malot098.html).
Malgré tout, le Ramban (sur Bamidbar 13:2) ne voit pas l'envoi des espions comme un faute. Au contraire, écrit-il que "c'est un conseil raisonnable pour toutes les forces conquérantes. La Torah ne veut pas qu'on compte sur les miracle pour tous nos actes. Il faut plutôt que les soldats, une fois partis, sachent où, quand et comment attaquer.”

D'autres pensent (cf. Sota 34b: "מרגלים לא נתכוונו אלא לבושתה של א“י וכו’") que la nature du voyage n'était pas adaptée. On peut être touriste ou inspecteur. On leur a demandé d'être "touristes", de regarder de l'extérieur, de donner certaines informations. Ils sont venus en inspecteurs, ont cherché ce qui ne convenait pas… Leurs intentions n'étaient pas convenables. De plus, la requête n'était pas la recherche d'informations stratégiques ; simplement dire si la terre est bonne ou non. Ils ont répondu positivement : lait et miel, il y a.

D'aucuns prétendent que la faute est le produit de l'envoi de leaders, gens populaires et de bonne réputation comme espions. En effet, ils ne savent pas se faire discrets: ils sont "obligés" lorsqu'ils reviennent d'exprimer leur opinion.

C'est peut-être dans ce sens que le Zohar (3ème part., parashat Shlah', 158a) écrit : "Tous [les espions] étaient des Justes et des leaders du Peuple d'Israël, mais ils prirent mauvais conseil. Quel est ce conseil? Ils se sont dits lorsque nous rentrerons en Israël, nous ne serons plus des chefs et Moïse en nommera d'autres à notre place, en effet, nous avons eu l'honneur d'être chefs dans le désert, en Israël, nous n'aurons plus ce mérite. Et à cause de ce mauvais conseil, ils périrent, eux et tous ceux qui ont cru (litt. "prirent") leur propos".

D'autre part, on voit de ce passage là qu'ils comprirent que l'entrée en Terre Sainte engendrerait des changements dans le leadership, dans la manière de diriger le peuple, un passage de communauté à nation. Dans la communauté, la direction est essentiellement religieuse, il y a des associations caritatives, et toutes sortes d'autres associations. Dans un état, cela est impossible, ces associations sont remplacés par des institutions de plus grande envergure (des services de santé, des services sociaux, etc.) liés à l'Etat. On doit donc se spécialiser, et nommer des responsables pour chaque chose. La direction, conséquemment et obligatoirement, change. Les "explorateurs" ne voulaient pas de ce changement, ils ont donc été punis.
Ce changement n'est pas à fortiori. Toutefois, ce passage d'un état de communauté à celui d'Etat peut se faire en douceur, cela dépend de l'envergure de la participation des Sages, les Grands de la génération en mesure de comprendre les besoins de leurs contemporains et adapter la diffusion de la Torah à celle-ci.

Puissions-nous mériter voir la réparation de la faute des explorateurs par le retour des quatre coins du monde des Juifs en leur Terre, avec des dirigeants dignes, accompagnés par des Grands de Torah sachant s'adapter à une telle idéologie.


Chabat Chalom,
Shmuel Elikan.


Soucis étymologiques…
Dvar Torah de Jaques Kohn

« Ils s’obstinèrent (waya’pilou) à monter vers le sommet de la montagne, et l’arche d’alliance de Hachem et Moïse ne bougèrent pas du milieu du camp » (Bamidbar 14, 44).

Ce mot waya’pilou a donné lieu, dans notre histoire “récente“, au mot ma‘apilim, terme désignant les «audacieux» qui, sous le mandat britannique, immigraient clandestinement en Israël.

Rachi (sur le verset) explique ce mot de diverses façons : Ce peut être une expression de «vigueur», comme dans : «Voici, son âme enflée d’orgueil (‘oupla)» (Habaqouq 2, 4). Ce peut être aussi une indication d’effronterie, comme le suggère sa traduction en français médiéval : «engrés».
Ce mot peut se rapporter à une «colline fortifiée», comme dans : «colline fortifiée (‘ofèl) de la fille de Sion» (Michée 4, 8), ou dans : «tour ('ofèl) et château fort» (Isaïe 32, 14). Quant au Midrach Tan‘houma, propose encore Rachi, il explique ce mot comme comportant une connotation d’«obscurité» : ils ont marché dans l’obscurité, parce que sans autorisation.
Ce la‘az de Rachi (engrés) pourrait correspondre, selon Moché Catane (Otsar loazei Rachi), à une idée d’«entrée», comme provenant du latin ingressus .
On remarquera cependant que ce même mot engrés s’appliquait, en occitan médiéval, à l’idée de «fâché», «violent», «rebelle», «impatient», «ardent», qui pourrait mieux correspondre à l’idée que s’en fait Rachi.
On notera également que Ganelon, le traître de la Chanson de Roland, y porte aussi le nom de Engrès , ce qui signifierait, en ancien français : avide, obstiné, voire méchant.

* Toutefois, il semble un peu difficile que Rachi cite un mot en occitan, Troyes où Rachi a passé sa jeunesse se situant dans la région de la "langue d'Oyl"… Le mot serait-il peut-être d'originegermanique?

17/06/2010

Parashat Nasso

בס“ד
Parashat Nasso
La Bénédiction des Cohanim

"Et vous mettrez Mon Nom sur les enfants d'Israël, et Je vous bénirai" (Bamidbar 6, 27)

Dans le Talmud, on nous enseigne à propos de ce verset :
"Rabbi Akiva a dit nous l'avons apprise [=la bénédiction Divine] des prêtres [Cohanim], de D'ieu Lui-Même (MiPi HaGevoura) ne l'avons-nous point appris? C'est lorsqu'Il dit "et Je vous bénirai", cela signifie que les Cohanim bénissent Israël et D'ieu agrée par leur biais" (Talmud Bavli, H'oulin 49a)

Il est à retirer de ce passage talmudique que la Volonté Divine est de bénir Son Peuple quotidiennement !
En effet, la Birkat Cohanim (Bénédiction des Cohanim) se faisait tant au Temple que dans les contrées de la Terre d'Israël tous les jours.
(Sur les trois différences entre le Temple et les "Gvoulin" et une explication de celles-ci, cf. le comm. du Rav S. R. Hirsch sur le vers. ibid.)

Nos Sages apprennent encore de notre verset que D'ieu désire la Bénédiction de Cohanim (T. B. Sota 38a), c'est dire à quel point D'ieu aime Son Peuple et désire le bénir. Toutefois, il est clair que le terme "désirer" (MiTavé) n'est pas à prendre à son sens propre, en effet il s'agit là d'un attribut Divin. Il semblerait ainsi nos Sages nous transmettent ici un certain message : il existe un lien puissant entre D'ieu et Israël - de la même manière que D'ieu "désire avoir un appartement ici-bas" (Hakadosh Barouch Hou Mitavé LeDira BaTah'tonim) en ordonnant la construction du Temple [cf. Shemot Rabba 12 ; Likutei Sichot du Rabbi de Loubavitch, part. 2, Lech-Lecha, et al. ; Tanchuma Nasso, 15 ], ainsi Il souhaite résider au sein de Son Peuple, en le bénissant. C'est en quelque sorte un Dévoilement Divin ici-bas, dont la Volonté provient du plus haut point (Itarerouta diLeila).

C'est peut-être cette intention que traduit le Midrash (Tanchuma, Nasso, 8) :
"L'Assemblée Israël [Knesset Israël] dit devant D'ieu: "Maître de Monde, aux Cohanim tu dis de nous bénir. Nous n'avons guère besoin que de Ta Bénédiction et de se faire bénir de Ta Bouche […] D'ieu leur dit, malgré avoir dit aux Cohanim de vous bénir, Je Me tiens avec eux et vous bénis. Par conséquent les Cohanim étendent leur main, pour dire D'ieu Se tient derrière nous."

La Volonté Divine dont nous parlions précédemment est marquée par le fait que rien n'est laissé aux Cohanim seuls. Il n'y a pas de parole marmonnée magiquement - d'hommes naturellement extraordinaires, qui, par leur personnalité ou par un certain rituel nous assure la prospérité et la protection. Tout cela vient directement de D'ieu lui-même et personne d'autre.

Le Yeroushalmi (T. Y. Gittin, ch. 5, hal. 5 - 32b) va encore plus loin :
"… que tu ne dises pas un tel homme incestueux et meurtrier nous bénit. D'ieu dit - qui te bénis, n'est-ce pas moi? Ainsi qu'il est dit "Et vous mettrez Mon Nom sur les enfants d'Israël, et Je vous bénirai" (Bamidbar 6, 27)".

Explique Rav S. R. Hirsch (commentaire sur Bamidbar 6, 27) : "ce ne sont point les Cohanim qui bénissent Israël, les paroles qui sortent de leur bouche n'ont force de bénédiction en aucune manière - leur rôle est uniquement de "mettre mon Nom" sur le Peuple d'israël, alors que "Moi Je vous bénirai" (ibid.) ; leur rôle est de "déposer" le nom de D'ieu au sein du Peuple afin que celui-ci soit le char de la Shekhina [= Présence Divine]".

Il en ressort que l'unique raison pour le Cohen de bénir le Peuple soit son ordonnance Divine et sa nécessité à accomplir la Avoda dont la Birkat Cohanim fait partie intégrante [cf. R.S.R. Hirsch, ibid, vers. 23]. Leur qualité a être la voie par laquelle D'ieu bénit son Peuple est innée et provient du plus profond de leur âme [cf. Sefer Hakhinoukh, commandement positif 367 ; Pri Tzadik de Rabbi Tzadok HaCohen de Lublin, par. Nasso - il explique également qu'étant donné que le rôle des Cohanim est d'enseigner la Torah, il est naturel qu'ils disent la Birkat Cohanim dont les "lettres entourent le travail de la Torah"(sic), et encore plus de précisions dans le "Kedoushat Levi" de R'Levi Itzchak de Berditchev], c'est pourquoi ils accomplissent cette Mitzva (et doivent le faire ainsi), avec amour.

Si cette Mitzva est si chère aux yeux de l'Eternel [cf. T.B. Brakhot 20b, Rosh Hashana 17b, Nidda 70b, T.Y. Ta'anit ch. 4, 1, Sanhédrin ch. 1, 2, etc.] pourquoi est-ce qu'en dehors d'Israël n'est-elle pas effectuée tous les jours?

Le Rama (Rav Moshe Isserles - Sh. Ar. O.H'. 128, 44) écrit : "puisqu'ils sont occupés de pensées quant à leur revenu et à la perte du temps de leur travail et même à Yom-Tov, on ne fait guère monter les Cohanim, sauf à Moussaf, alors que les gens sortent de la synagogue et se réjouissent de la fête".
Cette habitude a plusieurs raisons [cf. l'article du Rav Shear-Yashouv HaCohen (grand-rabbin de H'aifa) in Techoumin, 2, pp. 345-359 - qui en cite cinq].
Nous aimerions en citer ici une autre.

Le Rama (ibid.) ramène également un usage qui peut paraître étrange : les Cohanim célibataires n'ont pas le droit de monter, en effet, le Talmud (Bavli, Yebamot 62b) indique que quiconque n'est pas marié, ne peut être joyeux, il est "laissé sans joie".

Le Maharam Ben Barouh' dans ses responsa se demande pour quelle raison Itzh'ak a demandé à son fils Essav de lui amener des "mets" avant de le bénir ? Il répond ainsi : étant donné qu'Itzh'ak était aveugle, voué à être enfermé, presque emprisonné chez lui à cause de son handicap et le monde lui paraissait sombre, il avait de la peine à être joyeux. Et sans joie, demande-t-il, comme la bénédiction pourra-t-elle prendre lieu? Elle sera faible… Par conséquent Itzh'ak a essayé de réveiller en lui-même ce sentiment là.

Il en est de même pour les Cohanim - qui ne peuvent se suffire de bénir le Peuple par de simples paroles prononcées, seul un cœur plein de bon sentiments convient à ce but, d'autant que sans joie, comme dit, leur bénédiction n'a pas beaucoup d'utilité…

Après cela, le "Levoush" (le plus grand disciple du Rama - ibid.) pose la question suivante : pourquoi même à Shabat, en dehors d'Israël, dans les communautés Ashkénazes (qui ne suivent pas en cela le "Beit Yossef" - le rav Yossef Karo) l'usage est que les Cohanim ne montent pas? Et celui-ci d'affirmer dans sa réponse que seuls les moments fériés tels les jours de fête (Yom Tov) où le cœur des gens est allègre (Touvei Lev) et détaché du souci de leur revenu ainsi que de leur travail, ceux-ci se réjouissent réellement et donc, les Cohanim peuvent monter réciter la Brah'a.

Dans les Responsa du Beit Efraim (du Gaon R' Efraim Zalman Margaliot - O. H'., siman 6), il est expliqué pourquoi en Israël on dit la Birkat Cohanim tous les jours : c'est qu'en Israël on est détaché du fardeau de la Galout - aller de génération en génération de ville en ville, de contrée en contrée, ce lourd poids de l'exil, même historique, n'est plus vécu en Israël, ainsi l'esprit est-il plus clair en Terre Sainte.

D'ici, nous comprenons qu'il y a une différence ontologique majeure entre l'environnement d'Israël et le reste du monde, en tous cas au niveau de la Avodat Hachem.

Ce point là est traité dans beaucoup de livres - nous n'en ramenons que très brièvement deux : le Shem MiShemouel du Rav Shmuel Borenstein de Sokhotshov (le fils du Avnei Nezer) qui écrit entre autres (Parashat Vayshlach, p. 42) qu'en dehors d'Israël la avoda est de "s'éloigner du mal" [sour meRa], alors qu'en Israël le service Divin est essentiellement positif [va'asse tov] et le Sfat Emet du Rabbi Alter de Gour (Parashat Re'eh, drasha de l'année 5661) qui proclame qu'en dehors d'Israël la avoda est marquée par la crainte [i'rah], alors qu'en Terre Sainte - la joie est la voie.


Puissions-nous tous servir D'ieu avec joie, comme les Cohanim, et jouir d'un temps où tous les Juifs entendront la Birkat Cohanim tous les jours, tant dans les contrées (gvoulin) que dans le Temple, Amen.


Shabat Shalom.