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12/02/2011

Parashat Tetzavé

Parashat Tetzavé


L’habit fait le prêtre ?


Notre parasha continue la précédente concernant le sanctuaire construit dans le désert (mishkan) et précise la nature des vêtements des prêtres, des kohanim, de leur sacerdoce et responsabilités, puis du devoir de construire un autel pour la combustion des parfums.



C’est la vie ou l’habit ?


Parfois, les vêtements sont définis par l’homme, alors que d’autres, ils le définissent.

Les habits que l’homme crée sont le symbole de la civilisation humaine. Ils préservent le corps du froid et autres dégâts. Ils l’ornent et sont insignes de majesté. Ils rendent unique son statut, son travail et son rôle. Sans eux, l’homme ressemble à un animal sauvage, primitif.


Toutefois, au delà de ce degré, il en est un autre : des habits qui font l’homme. Ils changent sa personnalité, l’améliore ou au contraire la détériore. Par exemple, le fait de revêtir un costume militaire change automatiquement le comportement, tantôt pour le mieux, tantôt pour le pire et parfois un peu des deux mélangés. Lorsqu’un juif s’habille, le matin, de ses tzitzit - et s’identifie de toute son âme avec cet acte et sait le considérer à sa juste valeur – il ressent qu’il ne s’agit pas uniquement d’un acte physique, mais également d’un acte spirituel : son âme aussi se revêt de lumière Divine qui commence même à se propager sur la Terre et ses habitants.

«Tu T’enveloppes de lumière comme d’un manteau, tu déploies les cieux comme une tenture»[1].
L’homme s’enveloppe, d’une certaine manière, de “l’ombre des ailes“ de la Présence Divine, tel un oisillon dans son nid, au-dessus duquel survole l’aigle protecteur de tout ennemi potentiel non seulement physique, mais surtout psychologique.

« Combien précieuse est ta grâce, ô D’ ! Les fils de l’homme s’abritent à l’ombre de tes ailes » [2].


L’offrant et l’offrande


Les habits des kohanim ont moins pour but la particularité de marquer leur identité et leur rôle [3], ils ne sont pas uniquement insignes extérieurs d’honneur et de majesté aux yeux du prochain, que de marquer principalement un but supérieur : « afin de le consacrer à mon sacerdoce »[4].

Les vêtements les sanctifient, ils les rendent prêtres, les définissent comme kohanim. Sans ceux-ci, ils sont considérés comme inaptes au service et comme étrangers. « Leurs habits ne sont pas sur eux, leur prêtrise n’est pas sur eux »[5]. Plus encore, les vêtements mêmes ont un but cathartique tout autant que les sacrifices, tel que l’exprime le Talmud [6] :

« Rabbi Anani fils de Sasson dit : … de la même manière que les sacrifices expient, ainsi les habits des prêtres expient. La tunique à maille expie le versement de sang… les pantalons, l’adultère… la tiare expie les grossiers… l’écharpe, les pensées [interdites] du cœur… le pectoral, les jugements [erronés]… l’éphod expie l’idolâtrie… la robe, la médisance… la plaque d’or expie les actes “culotés“ ».

Comment ça marche ?


L’idée principale est que l’offrande rapproche l’homme de D’. Le sacrifice (korban) vient de la racine hébraïque rapprocher (lekarev). L’homme doit se sacrifier, se sanctifier, tel Itzh’ak sur l’autel, alors que son père allait l’immoler, prêt à être sacrifié, le bélier vint le remplacer, ainsi tout sacrifice d’Israël. Sans cette préparation psychologique, cette acceptation spirituelle, le sacrifice n’a aucune valeur, il n’est qu’un acte banal et extérieur qui non seulement n’a aucune utilité, mais plus encore, nuit. En effet, l’homme se pense - par erreur - exempt de toute responsabilité personnelle à se rapprocher lui-même de D’ dans sa vie. D’ ne veut pas d’offrandes insignifiantes, de liturgies utilitaristes. Plus important encore que le sacrifice lui-même est celui qui l’offre [cf. le comm. du Rav S.R. Hirsch sur la parasha].


Le rôle du kohen est d’approcher l’offrant à son Créateur par le biais du sacrifice [7].

Son exemple personnel et son degré spirituel et moral représentent finalement la possibilité d’élever l’offrant et faire régner en lui un esprit de pureté et de sainteté ; lorsque ces qualités ne sont pas telles, elles amènent inévitablement à une détérioration de l’offrant.


En résumé, le kohen ne doit pas seulement porter des vêtements de sainteté et de pureté, ceux-ci doivent plutôt révéler des qualités qui sont présentes en lui. Si ça n’est pas le cas, l’habit (beged) devient trahison (begida) et la robe (me’il) devient une aliénation (mé’ila) de la confiance et de l’espérance des qualités requises.

Cette intégrité requise entre l’homme et son apparence, son vêtement, comme exemple permettant d’élever autrui, de lui permettre de rencontrer un Autre - entouré de sainteté et de pureté - lui montrer une voie nouvelle constitue un rôle des plus importants [8].



Des habits lumineux


La parasha des habits du prêtre s’ouvre sur le rôle du kohen : allumer le « luminaire, afin d’alimenter les lampes en permanence »[9].


L’intention du verset n’est pas uniquement d’allumer la bougie située dans la ménorah, mais également d’allumer la bougie qui est dans l’âme du kohen et par sa force alimenter de la lumière dans les âmes du peuple Juif. Seul un prêtre qui est une lueur et se luit à lui-même peut « allumer » d’autres âmes. C'est peut-être une allusion aux habits d'Adam : koutnot or - vêtements de lumière…


Le but des vêtements du kohen est donc de les sanctifier et d’élever la flamme de leur âme. S’habiller, c’est se compléter, s’ajouter la protection qui nous manque. De la même manière que tout habit a pour but de masquer la laideur et embellir l’homme, de lui attribuer un statut (social), tels les habits du roi qui lui sont spécifiques, ainsi les vêtements du kohen remplissent et complètent son âme. Lorsque ces habits et lui deviennent uns, dit le prophète Zacharie [10] :

« Puis il me fit voir le grand-prêtre Josué debout devant l’ange de l’Eternel… Celui-ci s’écria […] : “Enlevez-lui ces vêtements souillés !“. Puis il lui dit : “Vois, je te débarasse de tes pêchés, en te faisant vêtir d’habits de prix » … Ainsi parle l’Eternel Tzeva’ot : “si tu marches dans mes voies, si tu suis mon observance et que tu gouvernes bien Ma maison et gardes avec soin Mes parvis, je te donnerai accès parmi ceux qui sont là debout[11]“ ».

Puisque tout le peuple d’Israël est considéré comme prêtre pour les nations, puissions-nous tous connaître ce degré de pureté et de sainteté, et voir ainsi rapidement la construction de notre Temple. Amen.



[1] Psaumes 104:2

[2] Psaumes 36:8

[3] cf. Emek Davar du Natziv sur Chemot 28 :2

[4] Chemot 28 :3

[5] T.B. Sanhédrin 83b

[6] T.B. Erkhin 16a

[7] cf. l’art. du Rav Y.D. Soloveitchik sur les rôles du kohen, dans Divrei Hashkafa, Jérusalem, 1993

[8] cf. Guide des Egarés III, chap. 37 et 47

[9] Chemot 27:20

[10] 3:4-7

[11] C’est-à-dire les anges.

Parashat Toldot

Parashat Toldot

Notre parasha nous relate la vie de notre Patriarche Itzh'ak, sa manière de continuer la voie de son père, Avraham auquel il ressemble [cf. Rashi 25:19, Bereshit Rabba, ibid.], puis ses engendrements - les (faux?) jumeaux : Essav et Ya'akov. Ancêtres de deux Peuples plutôt antithétiques et ce, durant des siècles. On nous raconte également leur péripéties, et leur nature divergente : Ya'akov, le plus jeune homme simple, est assis sous les tentes, alors qu'Essav est un homme à grande faim, toujours prêt à la chasse tant des animaux que des femmes [cf. T.B. Baba Bathra 16b et Rashi 26:34] dès le plus jeune âge. En effet, la vente du pain et du plat de lentilles en échange du droit d'aînesse se produisit à la mort d'Avraham, puisque ledit plat constituait le repas des endeuillés que Ya'akov préparait [ibid.] alors que les deux jeunes avaient juste quinze ans…
Le passage relatif à la vente par 'Essav de son droit d'aînesse est rapporté dans la Tora en ces termes :
"Et Ya'akov donna à Essav du pain et du potage de lentilles, il mangea et il but, il se leva et il partit, et Essav dédaigna le droit d'aînesse." (Bereshit 25:34)

L'ordre précis des derniers mots dans notre verset est plein d'enseignements. Au début de la vente, on peut encore juger Essav de manière favorable il était fatigué et tellement affamé que, en raison du danger que constituait son énorme faim, il fut obligé de conclure cette vente ; en revanche, il n'avait jamais eu l'intention de dédaigner le droit d'aînesse ou d'en rabaisser la valeur. Mais à partir du moment où il a déjà mangé et qu'il a déjà étanché sa soif, il est maintenant logique qu'il élève sa voix pleine de regrets et de tristesse: "j'y étais contraint et forcé et je regrette toute cette vente!".
Au contraire, il est écrit: "il mangea et il but, il se leva et il partit". Il s'est levé et est parti en silence, avec satisfaction, comme si rien ne s'était passé.
C'est à ce moment-là qu'il nous apparaît qu'Essav dédaigna le droit d'aînesse. Il nous apparaît que l'acte même de la vente ne provenait pas de la faim, mais d'une attitude d'outrage et de mépris envers le droit d'aînesse qui n'avait aucune valeur à ses yeux.

Puis vient l'épisode de la bénédiction. Itzh'ak se fait vieux, il avait déjà perdu la vue et veux bénir son fils Essav, du moins c'est ce qu'il lui dit. Celui-ci doit, en contrepartie, lui préparer une viande chassée, telle qu'il l'aime. Rivka - au courant, alerte Ya'akov et prépare deux agneaux pris par Ya'akov du bétail, habille son fils des habits d'Essav, son frère et lui dit de se présenter devant Itzh'ak pour demander sa bénédiction.
Quel est le but de tout cette trame?
Itzh'ak était-il au courant de ce qui se passait sous son toit?
Les avis des commentateurs divergent sur ces questions.

En tout cas, il est écrit que Ya'akov a dit à sa mère, Rivka : "Si par hasard mon père me tâte, je serai à ses yeux comme un trompeur, et, au lieu de bénédiction, c'est une malédiction que j'aurai attirée sur moi" (Bereshit 27:12). Il avait peur que son père s'aperçoive que cet octroi n'était pas justifié.

Le Ramban [ibid.] demande pourquoi Ya'akov n'a-t-il pas craint que son père le reconnaisse à sa voix, même sans toucher ; en effet, il est de règle qu'un aveugle et également le reste des hommes sont permis à leur femme respective durant la nuit, car il y a une reconnaissance vocale et cela suffit [cf. T.B. H'oulin 96a].

Nah'manide répond qu'il est possible que les deux frères avaient une voix similaire, ainsi nos Sages nous enseignent [Bereshit Rabba 65, 19] que le verset explicitant "la voix de Ya'akov" nous parle non pas de sa voix, telle qu'elle est entendue, mais de ses propos, il parlait de manière douce et agréable, en rappelant le nom Divin.
Peut-être, dit-il encore, comme deuxième possibilité, a-t-il modifié sa voix afin qu'elle ressemble à celle de son frère.

Nous apprenons du Ramban deux choses :

1. Il faut parler avec chacun de manière douce, ne pas crier, symbole de force intérieure, en rappelant le nom Divin, Le liant à nos paroles, afin de les élever [cf. Ohev Israël du Rav A.Y. Heshel MeApta au nom de Rav Nah'man Kassavir sur le verset ; comm. du Gaon de Vilna sur Proverbes 13:18 ; les propos du Ramban à son fils dans sa lettre, sur le fait de parler avec douceur].

2. Il faut savoir distinguer le paraître de l'être. Souvent la limite est très fine.
Cela a été expliqué littéralement par le rav S.R. Hirsch affirmant que Ya'akov et Essav sont des jumeaux qui se ressemblent surtout extérieurement, c'est à dire dans leur paraître.
Alors comment expliquer le terme Admoni (roux - Bereshit 25:25) ?

Le Baal Hatourim précise que Essav était couvert du sang de la matrice de Rivka qui a saigné de façon abondante au moment de sa naissance, punition “à la mesure” de ses plaintes. D’autres commentateurs expliquent qu’il est marqué qu’Essav est roux pour nous dire qu'il est sanguinaire et va verser du sang, mais cela n'a rien à voir avec son apparence.
Nous voyons donc que même s'ils se ressemblaient extérieurement, ce qui les distinguait, comme le souligne le midrash cité par le Ramban, c'est l'essence, ce qu'ils disent. Essav pleure et s'énerve.

Un message tant moral que philosophique.
Il faut savoir parler convenablement et s'occuper de choses essentielles, tel que le fait Ya'akov, l'érudit assis dans les tentes atteignant la plénitude - seulement ainsi on peut mériter la bénédiction. Itzh'ak, bien qu'aveugle, sait différencier de ces choses. Quand il voit qu'Essav n'a pas atteint ce niveau spirituel et moral, il ne lui dit pas qu'il a une deuxième bénédiction "dans son sac", celle d'Avraham, l'héritage de la Terre d'Israël, Itzh'ak était pourtant sous une pression psychologique aiguë. Il lui invente une nouvelle bénédiction.

C'est seulement plus tard qu'il la donnera à Ya'akov (Bereshit 28:4) [cf. à ce propos Midrash Ariel du Rav Itzh'ak Arieli, auteur d'Einayim LaMishpat, ibid.].Itzh'ak était en effet plus lié à la Terre d'Israël que le reste des Patriarches, il n'en est jamais sorti [cf. H'essed L'Avraham du Rav Avraham Azoulai, grand-père du H'ida, Mayan 3, Nahar 14], de plus nous dit le Rav Moshe Y.Tzouriel [Drishat Tzion, p.28], l'acrostiche du nom d'Itzh'ak constitue tous les noms de la Terre d'Israël :
I
- eretz Israël.
Tz - eretz Tzvi (Terre de Finesse et de Noblesse [=comme la gazelle]).
H' - eretz H'emda (Terre Désirée).
aK - eretz haKodesh (Terre Sainte).


Puissions-nous mériter de tous ces degrés et des bénédictions données à notre Ancêtre, tant celle de la Terre que celle de la descendance.

29/10/2010

Parashat H'ayei-Sarah

La dernière épreuve

Notre parasha commence par nous raconter la mort de Sarah, notre première Matriarche. Elle vécut 127 ans. Avraham vint à H'evron la pleurer [cf. Bereshit 23:1-2 ; Ramban, ibid.]. Le mot "livkotah" - "la pleurer" est écrit dans la Torah de manière étrange : la lettre "kaf" (כ) est à caractère réduit.

Le Baal HaTurim [ibid.] nous explique que la raison à cela est qu'Avraham a diminué au possible ses pleurs - en effet, dit-il, Sarah était déjà âgée et son heure approchait…

Rashi, quant à lui [ibid., basé sur le midrash Bereshit Rabba 58,5 et Pirkei deRabbi Eliezer, ch. 32] écrit :

"la mort de Sarah a été accolée à l'épisode de la ligature d'Itzh'ak, car quand la chose lui fut annoncée, que son fils allait être sacrifié, son âme l'a quitté et elle est décédée".

La chose est étonnante de la part de Rashi qui commente lui-même, précédemment [Bereshit 21:12] que la prophétie de Sarah est plus grande que celle d'Avraham [cf. Siftei H'ah'amim, ibid.], sous-tendant que plus tard aussi, Sarah savait déjà ce qui se tramait et était donc au courant de la ligature.

Il serait plutôt illogique d'affirmer qu'Avraham et Itzh'ak auraient su surmonter cette épreuve alors que Sarah y aurait échoué - son âme quittant son corps.


Dans la prière que l'on récite tous les soirs, "Hashkiveinou", on demande à D' de nous garder du "Satan" qui est devant nous et de celui derrière nous.
De quoi s'agit-il ?

On prie pour qu'on nous ôte notre mauvais penchant (yetzer hara, aussi appelé "Satan", cf. Sih'ot Moussar du Rav Shmulewitz sur le sujet), qu'il ne se mette pas en notre chemin, lors de l'accomplissement d'un commandement ou lorsqu'on est éprouvé. Par exemple, lors de la ligature, le mauvais penchant s'est affirmé dans l'affirmation probablement pensée par Avraham [cf. à ce propos le dvar torah de la semaine dernière] que tout le commandement de la ligature n'est qu'un grand bluff, puisqu'il lui a déjà été promis qu'Itzh'ak constituerait sa descendance. Avraham a dû dépasser son penchant. De même son fils a été tenté de persuader son père d'abandonner cette épreuve [cf. Midrash Rabba sur l'épisode de la ligature].
C'est cela le "Satan qui est devant nous".

Toutefois, il existe un autre type de "Satan", celui qui se trouve derrière nous. Après chaque réussite l'homme doit affronter sa fierté, son ego. Cette confrontation interne de l'homme peut le pousser jusqu'aux plus profondes abîmes, de sorte qu'il ne ressort plus rien de bon du bien qu'il aura accomplit - comme s'il n'avait rien fait !

Lorsque le "Satan" tente de faire trébucher Avraham avant la ligature et manque son opportunité, il se dit qu'il va réussir après coup. Etant donné que l'heure de Sarah approchait de toutes les façons, il voulait faire croire à Avraham qu'il était responsable de son départ pour le monde de Vérité, afin qu'il regrette l'acte de la ligature. Mais il n'en fut point ainsi, c'est cela que la Torah nous apprend en rapetissant la lettre "kaf" - Avraham pleure un peu, car il connaissait la vérité, Sarah devait de toute façon rendre son âme au Créateur, ça n'était pas lié à l'acte de la ligature, comme voulait le lui faire croire son mauvais penchant.
C'est peut-être également la raison pour laquelle la Torah nous explicite exactement le décompte des jours de la vie de Sarah, elle a vécu toutes les années qui lui étaient imparties.

Tandis qu'à propos d'Avraham il est écrit : "Le nombre des années, que vécut Avraham, fut de 175 ans" [Bereshit 25:7].

L'expression «asher 'haï» – que vécut – est également employée à propos d'Adam dans le verset [Bereshit 5:5] : « Tous les jours, que vécut Adam, furent de 930 ans... ». Cela n’est pas fortuit : Adam aurait dû vivre exactement 1000 ans, mais il a offert 75 années de sa propre vie au roi David, comme nous l'enseignent nos Sages. L'expression «asher 'haï» vient nous signifier que bien qu’un certain nombre d'années lui était destiné, il n'en a vécu qu'un nombre inférieur !
Il en est de même pour Avraham dont les jours furent raccourcis, peut-être afin qu'il n'ait pas à souffrir de la mauvaise conduite de son petit-fils Essav.

Puissions-nous aussi vivre toutes nos années, dans la joie, le bonheur, la santé et la plénitude,en dépassant le "Satan" devant et derrière nous.

21/10/2010

Parashat Vayera

Parashat Vayera
L'épreuve de la ligature

Dans notre parasha nous lisons un fameux épisode du livre de Béréshit à propos duquel le rav Don Itsh'ak Abrabanel (1437 - 1508) affirmait que de là provenait
"toute la fortune [=spirituelle] d'Israël et son mérite devant leur Père au Ciel et dont les mots [de ce passage] sont connus de tous et récités dans nos prières."
Il s'agit bien évidemment du passage de la ligature d'Itzh'ak fils d'Avraham [Bereshit 22:1 et suiv.].

Celui-ci est toujours lu comme source fortifiante en moment de misère ; en effet, il ne nous est jamais demandé d'affronter une épreuve à laquelle on ne puisse surmonter [comme le souligne le Ramban, ibid.] ; si Avraham était prêt à sacrifier son fils qu'il a si longtemps et duquel il a tant attendu, l'enfant qui devait continuer sa voie - on doit pouvoir surmonter nos petits problèmes, ils ne sont que de petites épreuves…

La question qui se pose dès lors est le pourquoi de cette épreuve.
D' ne connaît-Il pas le degré d'Avraham?
Ne sait-Il pas de quoi il est capable?

Avraham était savant, il était largement capable de souligner les propos contradictoires de D' : d'une part on lui avait promis qu'Itzh'ak constituerait sa descendance tant matériellement que spirituellement, qu'il allait, comme dit, continuer sa voie, d'autre part il avait également reçu le commandement de sa ligature… Qu'il aurait pu d'ailleurs comprendre comme simplement le fait d'amener Itzh'ak sur l'autel [comme cela est induit par Rashi sur le verset 12], mais pas de le tuer, toutefois cela ne fut pas le cas. Avraham a su "annuler" l'amour de son fils et le transvaser en un amour plus grand, absolu, du Divin
[cf. Tanya, Likutei Amarim, p. 114 ; Le Livre des Principes III, 36].

Nous apprenons de là qu'en vérité, l'épreuve constitue un exercice dont le but est de dévoiler les forces présentes dans l'âme de l'homme.

Le Natziv (Rav Naftali Tzvi Berlin 1817-1892) dans son commentaire "Haemek Davar" [ibid.] ramène à ce propos un midrash expliquant que de la même manière que l'agriculteur frappe le lin pour l'adoucir et permettre son utilisation, ainsi l'épreuve élève l'homme et le rend apte à un degré supérieur.

"Puisses-tu donner à tes adorateurs une bannière, pour s'y rallier au nom de la vérité, Sélah !" [Psaumes, 60:6, (trad. du rabbinat français)]

Tel un drapeau élevé à sa cime, comme pour proclamer au monde entier quel degré l'amour de D' peut atteindre. Cela motive également l'homme à se rapprocher encore plus du Divin - chose précédemment plus ou moins délaissée.
[cf. à ce propos le Guide des Egarés de Maïmonide III, 24 ; Ramban, préc. cit. ; Le Livre des Principes de Rav Yossef Elbo, IV, 13 et Rav S.R. Hirsch dans son commentaire sur la parasha, ibid.].

C'était donc cela le but et le message de la ligature d'Itzh'ak : dévoiler à Avraham lui-même des forces dont il n'était pas forcément conscient, accomplir son amour de D', rendre transcendant un amour naturel, l'élever et ainsi montrer au monde entier que l'amour de D' n'est pas limitée et qu'il n'est pas d'épreuves à laquelle on ne puisse surmonter.

Puissions-nous mériter tous ces degrés sans que les épreuves ne soient trop rudes.
Amen.

Parashat Lech-Lecha

Parashat Lech-Lecha

L'amour de la Terre d'Israël

Dans notre parasha [Bereshit 12:1] est relaté le commandement Divin entendu par Avraham d'aller vers la Terre qui lui serait indiquée, mais il n'est pas précisé sa nature, c'est-à-dire de quelle terre il s'agit.

Rashi [s.v. asher arei'ka] écrit que cela ne lui fut pas indiqué immédiatement afin de lui faire envier la Terre et lui donner une récompense à chaque parole [notons que dans le midrash Bereshit Rabba 39,8 dont Rashi s'inspire largement, il est écrit "à chaque pas", car il ne sait pas où il va…].


Le Maharal de Prague [dans son commentaire sur Rashi, Gour Aryeh, ibid.] explique que lorsqu'une chose n'est pas dévoilée de suite, elle devient appréciée ; en effet, Avraham est peiné d'accomplir un commandement dont il n'a pas connaissance et par conséquent il reçoit chaque parole Divine avec amour, ainsi, il est récompensé pour chaque parole reçue. Il en est de même, dit-il, au moment de la ligature d'Itzh'ak, le lieu n'est pas directement indiqué - "une de ces montagnes" indique le verset, encore une fois pour rendre Avraham méritant.

En résumé, selon le Maharal si un homme est peiné relativement à l'acquisition, à l'accomplissement d'un certain élément c'est pour que, finalement, son lien, sa relation à ce même élément (une fois acquis) en soit accrue. Ainsi, nos Sages nous enseignent dans le Talmud [Bavli Brah'ot 5a] que la Terre d'Israël (tout comme la Torah et le monde futur) s'acquiert dans la souffrance (issourim).

On peut ajouter que D'ieu Voulait rendre éternel dans le cœur du Peuple Juif le lien d'amour à la Terre d'Israël. Par conséquent, quand Avraham vient pour la première fois en Israël c'était sans le savoir - afin de l'embellir à ses yeux et d'inséminer en son âme et celle des ses descendants un amour transcendant envers la Terre Sainte. On peut trouver une preuve à ce principe dans le commentaire de Rav H'ayim de Volozhin sur les Maximes de Nos Pères [Rouah' H'ayim sur Pirkei Avot 5, 2] où il est écrit qu'Avraham notre Père a subi dix épreuves : il est dit Avraham notre Père pour nous apprendre que chacune des épreuves qu'Avraham a surmonté et pour laquelle il a été prêt à se sacrifier fur enracinée dans la nature israélite. Ainsi, ajoute-t-il, la volonté de venir en Israël provient de "Lech-Lecha".


Une autre explication des propos de Rashi nous donne le Malbim [dans son livre "Eretz H'emda" début Lech-Lecha s.v. "El HaAretz"] :

"Au moment où Avraham a vu la Terre d'Israël - il l'a acquise et elle lui fut consacrée, sa sainteté a alors commencé, etc. Selon ce principe, on peut comprendre ce que nos Sages ont dit "après avoir posé ces yeux sur lui, il se transforma en une pile d'os" [T.B. Shabat 34a]. En effet, les yeux ont ce pouvoir d'attraction qu'a une pierre imbibante, tel le regard de la chouette [cf. "Etz Hah'ayim" du Ari za"l, portique 8, ch. 1]. […] Ainsi Avraham, par la force de son regard vers la Terre Sainte a su se lier à la sainteté retenue au sein de celle-ci […] et par conséquent, après avoir atteint la sainteté de la Terre, celle-ci devint sienne… C'est là l'intention de Rashi lorsqu'il dit "pour la lui faire envier", "la rendre douce à ses yeux", c'est-à-dire que par la vue d'Avraham notre Père, la Terre devient douce et heureuse".

Le Malbim nous explique, à la différence du Maharal, que le changement n'est pas psychologique, n'est pas en Avraham, mais en la Terre d'Israël qui, par un processus de liaison transcendantal avec celui-ci, lui devient acquise. En fait, le Malbim nous décrit comment Avraham acquiert la Terre, pour lui et ses descendants après lui - alliance, fusion et union mystique, amour éternel.

Puissions-nous connaître cet amour à la Terre et mériter son accomplissement plein et entier, tout le Peuple Juif, ensemble - dans la paix et la joie ; voir la construction de notre Temple, au plus vite, de nos jours. Amen.

08/10/2010

Parashat Noah'

Fenêtre ou joyau ?

1. La source d'éclairage

Un petit détail

Lorsque Noah' entreprit la construction de son Arche, le verset [Genèse VI, 16] nous parle également d'une source d'éclairage (tzohar) prévue et enjointe par l'Eternel que Noah' doit ajouter.

Fenêtre ou "pierre précieuse"?

Nos Sages, dans le midrash, [Bereshit Rabbah 31,11 - ramené par Rashi sur le verset, cf. également T.B. Sanhédrin 108b et T.Y. Psachim ch. 1, hal. 1] s'interrogent quant à la signification d'un tel détail. R' Abba précise qu'il s'agit d'une simple fenêtre, tandis que R' Lévi pense qu'il s'agit d'un mystérieux cristal éclairant (évèn tovah). [Il est intéressant de noter que le Sifté H'ah'amim, ainsi que le Ibn Ezra, dans une certaine mesure, ne s'intéressent qu'au premier avis, c'est-à-dire la fenêtre].Que ce midrash peut-il bien signifier ?

2. Une première approche : notre lien au monde

L'Arche - un symbole

Afin de pouvoir comprendre la discussion, nous devons comprendre ce que l'Arche symbolise. En fait, elle est l'archétype de l'authenticité divine en ce monde, comme l'explique le Maharal de Prague [Gour Aryeh, ibid., cf. également Zohar, ibid. l'Arche est le prototype de la yeshiva, institut visant à dévoiler le Divin ici-bas]. Par conséquent, elle se doit d'établir un lien, une relation avec l'extérieur, avec le reste du monde. Celle-ci est nécessaire, puisque moyen de la mission dont l'Arche est porteuse. Un isolement complet serait donc difficilement envisageable.

La question qui se pose dès lors est : comment instaurer une telle relation?

L'opinion de R' Abba - l'ouverture

R' Abba préconise une ouverture dans l'Arche. En d'autres termes, les courants prédominant dans la société, bien que parfois de nature dévastatrice, tels des flots prêts à tout submerger, doivent éclairer l'Arche. Evidemment, il s'agira dès lors d'orienter cette fenêtre convenablement, afin d'empêcher un flux néfaste de s'engouffrer à l'intérieur [selon le H'izkuni, ibid.]. Toujours est-il qu'influencer, éduquer ou exercer une quelconque emprise sur le monde environnant exige la connaissance de celui-ci ou, au moins, un aperçu des notions qui le fondent.

L'opinion de R' Levy - avis complémentaire

R' Levy n'en disconvient pas (puisque, d'une part, le verset parle explicitement d'une fenêtre et d'autre part, dans le domaine de la aggada (récits), les différents avis se complètent mais ne s'opposent pas, à moins d'être explicitement rejetés [cf. E. Dessler, Mikhtav MeElyahou, III, p. 353, qui cite le Zohar]). Il complète cependant le propos de R' Abba : certes une ouverture est indispensable, toutefois, préalablement, il s'agit de bénéficier d'une source de lumière propre et interne nous fournissant assez de ressources pour pouvoir gérer ce lien entre l'Arche et l'extérieur. Pour éviter les inéluctables mauvaises influences, il nous faut un précieux cristal parfaitement autonome qui ne doive rien à ces courants extérieurs. Quel autre moyen avons-nous pour conjurer ces préjudiciables et inévitables influences ?

Deux avis, deux visions du monde

Ce cristal luminaire, c'est la sagesse de la Torah [cf. T.B. Megilah 16].La question, pour R' Levy, serait donc, comment construire la fenêtre sans altérer ce cristal, ou en d'autres termes, quelle orientation prendre dans notre rapport au monde pour ne pas se faire immerger et garder notre originalité, notre Sagesse ?

Pour R'Abba, toute notre force réside dans le fait que notre lien avec le monde nous permet de le connaître et donc de nous enrichir, bien que cela comporte des dangers… c'est une lumière naturelle. D'ailleurs, ce n'est que celle-ci qu'on prend, les flots, quant à eux, restent au dehors, on n'en veut pas, on fait un tri obligé.

3. L'approche h'assidique : la force de la parole

Le mot du Baal Shem Tov

Le Baal Shem Tov - fondateur de la H'assidout - lui aussi, propose une approche quelque peu différente au sens littéral du verset. Il est ainsi ramené en son nom (Tsava'at Harivash 8b) :"Tu donneras du jour à l'arche, que tu réduiras, vers le haut, à la largeur d'une coudée etc. [Genèse IV, 16], Rav Israël Baal Shem dit : tu donneras du jour à l'arche - il faut que le mot [teiva] dit par l'homme en [étude de la] Torah et dans sa prière soit éclairant".

Le Baal Shem Tov joue avec une ambiguïté linguistique - l'ambivalence du terme "teiva" qui signifie en hébreu à la fois "arche" et "mot". Etant donné qu'il est évident que l'arche a besoin d'une ouverture, le fondateur du mouvement h'assidique, nous enseigne qu'il faut comprendre le sens profond du verset. Le mot "teiva" ne définit pas seulement l'Arche ou n'importe quel réceptacle - comme le panier ["teiva", encore !] de Moché - mais également un mot, une phrase, une parole. En effet, à chaque fois que l'homme parle, étudie, prie, il crée un vide, un réceptacle.

Mot ouvert à la lumière

C'est une pensée profonde de la H'assidout reprise par beaucoup de grands Admourim, tels que, par exemple, Rabbi Efraim de Sadiklov, petit-fils du Baal Shem Tov [Degel Mah'ane Efraim, sur Noah'] qui pousse l'idée encore plus loin : le mot sortant de la bouche de l'homme peut être "fermé et impénétrable", c'est-à-dire sans aucun éclairage, ou il peut être parole créatrice, mot "ouvert", paré de "fenêtres" permettant à la lumière d'être éclairée en son sein. Rabbi Efraim contraint l'homme à se délivrer soi-même. Il comprend la force de la parole : elle peut être un récipient invitant une réflexion de la lumière en-elle ; mais pour cela, il faut l'ouvrir, trouver son ouverture qui est, soulignons-le, intrinsèque et non pas extérieure à elle. L'ouverture du mot, de la parole rend le propos incitant, invitant, recherchant une signification. Une telle parole qui propose, ouvre le débat, incite à la réflexion et pose les questions devient accorte d'une part et d'autre part ne peut pas être dogmatique, astreignante et contraignante, sinon elle "se ferme". Tel un homme construisant sa maison avec de nombreuses fenêtres, preuves de son intime volonté d'être éclairé de l'extérieur. Une "parole fermée" est vide d'espoir, statique. En bref, une parole ouverte est le reflet de l'ouverture (ou du moins de sa volonté à l'élargir), de celui qui l'exprime, telle une maison ouverte aux invités, reflet de sa dynamité.

La capacité de luire

Rabbi Nah'man de Breslev, autre descendant du Baal Shem Tov (son arrière petit-fils), donne une autre interprétations à ses propos (Likoutei Moharan Kama, 9). L'essentiel est moins dans la lueur du mot que dans la capacité de l'homme à l'éclairer. Rabbi Nah'man nous apprend que les mots sont l'expression d'un monde intérieur et par conséquent ils doivent être pleins de vie, de signification, du plus profond cela vient au plus profond cela atteint l'auditeur. Mais il arrive parfois, surtout dans la prière ou l'étude, qu'on lise des mots, jette des phrases monotones dans l'espace, vide de toute vitalité. Pourquoi? Peut-être quelqu'un saura leur rendre leur sens et leur vie. Le but de la parole est d'influencer, de dévoiler une lumière intérieure, présente en chacun, la lueur Divine.

Ces deux interprétations des propos du Baal Shem Tov se complètent.Parfois il est des orateurs dont le but est d'ouvrir des portes de réflexion, des prières qui sont requêtes. Parfois les mots nous illuminent, nous éclairent, nous influencent, et il est aussi en notre pouvoir d'en créer de ce type - par la parole, selon Rav Nah'man, on donne la possibilité à la Shkhina (Présence Divine) de résider en notre sein.

Halevai Aleinou.

Shabat shalom et h'odesh tov.


Shmuel E.

Dédié à la guérison de Avraham H'ayim ben Sarah, Menah'em ben Huguette ainsi qu'à tous les malades de notre Peuple, d'autant qu'à la mémoire bénie du Rav Yehouda Amital, du Grand-Rabbin d'Israël, le Rav Mordekhai Tzemach ben Mazal, à Simone bat Zoé, à H'aya Routh bat Miriam veH'ayim, à Yirmiahou H'ayim ben Miriam, et à tous ceux qui sont tombés pour la gloire d'Israël, tous nos soldats. Soit leur mémoire bénie !Veyibade Bein Hah'ayim levein Hametim, mazal Tov à Olivier (Aharon) et Myriam Guyot pour la naissance de leur petite fille shetih'ye.

06/10/2010

Parashat Nitzavim-Vayelekh

L'unité (d'élite?)

Après la difficile reproche de la semaine dernière (parashat Ki-Tavo), D' finit ses propos en demandant pourquoi Il agit (Lui-même!) de cette manière (Dvarim 29:23) et Il répond (ibid., 27) qu'Il nous chasse de notre Terre avec grande amertume, colère, etc. … tout cela pourquoi ?
"Car les choses voilées sont à l'Eternel notre D' et celles dévoilées à nous et à nos enfants pour toujours, afin d'accomplir toutes les paroles de cette Torah" (ibid., 29).

Nos Sages nous enseignent que de ce verset nous apprenons que chacun a l'obligation morale de corriger son prochain ou de lui faire un reproche, le cas échéant, pour l'aider à revenir au droit chemin (Sanhédrin 43b).

Rashi (dans son commentaire sur notre verset) explique :
"Qu'y a-t-il en nos mains que nous puissions faire? Peut-on punir tout un groupe pour les pensées d'un individu? Pourtant personne ne connaît les pensées intérieures d'autrui? D' de répondre - "Je ne punis pas pour les choses qui vous sont voilées, car elles sont à l'Eternel notre D' et Il fera rendre des comptes à ce même individu. Mais les choses dévoilées, elles sont à nous et à nos enfants afin que nous ôtions le mal qui est parmi nous. Si on ne le fait pas, le groupe est puni. […] et même le groupe, il n'est puni qu'après avoir traversé le Jourdain, alors que le Peuple a intégré la promesse du Mont Guerizim et du Mont Eival et devient responsable l'un de l'autre".


On comprend des propos de Rashi que la responsabilité des Juifs l'un envers l'autre, du moins comme concept juridique, hilkhatique, n'existe pas en dehors d'Israël et c'est ce que vient nous apprendre ce verset de notre parasha (cf. également Vaykra 25:35-38).

Selon ce même principe le Maharal (Netivot Olam, I, Netiv HaTzedaka, chap. 6) explique un autre midrash : quiconque est indifférent à la tzedaka (= écarte son regard, l'évite) est considéré comme vouant culte à l'idolâtrie" (T.B. Baba Batra 10a), car Israël, dit-il, est complètement uni, totalement un, et cela prouve qu'ils n'ont qu'un seul D'.
"Mais cela se voit uniquement quand l'un donne à l'autre et l'autre donne à l'un, ainsi ils sont unis […] mais ils ne furent réellement unis qu'en rentrant en Israël. La preuve à cela et que tant qu'ils n'avaient pas franchi le Jourdain et n'étaient pas venus en Terre Sainte, ils ne furent pas punis pour les "choses voilées". Jusqu'à ce qu'ils traversent le Jourdain et deviennent responsables (arèvim) l'un de l'autre (Sanhédrin 43b). Est responsable quiconque est lié à autrui. Et les Juifs n'ont pas été liés, tel un Peuple, jusqu'à leur arrivée en Israël, alors qu'ils furent ensemble sur la Terre, où ils avaient un endroit la Terre d'Israël. Et grâce à la Terre d'Israël, ils sont un Peuple, entièrement…"


En vérité cela est écrit textuellement dans le Zohar (III, 93b) à propos du verset (récité chaque shabat à minh'a): "Qui comme ton Peuple Israël est un peuple uni sur Terre" (Samuel II, 7:23) - quand le Peuple est-il déterminé comme uni? Lorsqu'il est sur sa Terre.

Le "Méam Loez" rapporte qu'il est dit dans le verset "Vous voici aujourd'hui tous debout devant D-ieu… tout homme d'Israël" (Dvarim 29:9). Quand pourrons-nous tous nous tenir debout ? Quand nous serons tous unis.
Et cela s'illustre de la sorte :
Un père dans ses derniers jours appela ses enfants autour de lui : "Apportez-moi une botte de joncs."
Après l'avoir reçue, il leur demanda d'essayer de la casser en deux. Aucun n'y parvint.
Il leur dit alors : "regardez de quelle manière il faut s'y prendre." Les enfants curieux de savoir comment il allait réussir, s'approchèrent de lui. Il défit la botte, et cassa les joncs l'un après l'autre. "Voilà, dit-il. De là vous apprendrez que si vous êtes unis, personne ne pourra vous vaincre ; en revanche, si vous êtes dans la dispute et désunis, nulle sera votre résistance." C'est ce que dit Moshé au peuple d'Israël. "Vous voici aujourd'hui tous debout devant D-ieu… tout homme d'Israël.

Ce même principe d'unité est également présent dans la deuxième parasha que nous lisons cette semaine, Vayelekh.

Tandis que Nitzavim parle plus de la liberté de l'homme et de son choix à choisir la Voie Divine ou non, ainsi que des implications de son choix, Vayelekh s'ouvre sur le commandement de Hak'hel, du Rassemblement (Dvarim 31:12). Ce commandement s'applique au Roi, il doit réunir une fois tous les sept ans tout le Peuple au Temple (Beit HaMikdash) et lire dans la Torah (en particulier la parasha de Shema marquant l'acceptation du joug Divin) devant tout le monde, femmes et enfants compris.
Il y a une discussion entre le Rambam, Rav Eliezer de Metz et le Sefer Hah'inouh' quant à savoir si le commandement est de rassembler, d'étudier, de lire ou plutôt que les paroles du Roi soient entendues.

Il est évident que ce commandement ne peut s'appliquer qu'en Israël, car il faut premièrement, comme dit, un Roi et deuxièmement, cela se déroulait au Mont du Temple en présence, troisièmement, de tout le Peuple, et cela n'est valable qu'en Israël. En effet, les Juifs se trouvant en dehors d'Israël sont exempts du commandement de monter au Temple durant les trois fêtes de pèlerinage (Psachim 3b, Tossafot s.v. Me'eleah - "Netzivin est en dehors d'Israël") et ne font pas partie intégrale de l'ensemble "tout Israël", à cet égard.

A ce propos il est raconté dans la guemara (T.B. H'aguiga 3a) que Rabbi Yo'hanan ben Broka et Rabbi Elèazar H'asma étaient partis visiter Rabbi Yehoshoua, à Pèkiin. Il leur dit : quoi de nouveau au Beit Hamidrash (= dans la maison d'étude) aujourd'hui ?
Nous sommes tes élèves et nous buvons tes paroles de sagesse, répondirent-ils. Quand même, rétorque leur maître, il n'y a pas de Beit Hamidrash sans nouveautés, à qui était-ce le shabat? A Rabbi El'azar ben Azarya, il nous a enseigné la parachat Hak'hel, et avons appris que si les hommes doivent venir pour apprendre, les femmes doivent venir pour écouter, mais la question est: les bébés pourquoi viennent-ils? La réponse : pour assurer une bonne récompense à ceux qui les accompagnent. Lorsque Rabbi Yehoshoua entendit cette interprétation du verset. Il leur dit : vous aviez une pierre si précieuse dans vos mains et vous vouliez m'en priver ?!

Pourquoi Rabbi Yehoshoua réagit-il avec tant d'enthousiasme à la leçon qu'il venait d'entendre?
C'est qu'il avait été lui-même amené par sa mère à la yeshiva, dans son berceau. Elle disait toujours : "il faut que l'oreille de mon garçon s'habitue aux paroles de la Torah." Et c'est la raison essentielle pour laquelle il faut amener les bébés dans ce grand rassemblement (selon le Talmud de Jérusalem, Yevamot 1).

Mais au delà d'une simple identification avec le propos énoncé, Rabbi Yehoshouha est heureux de voir que ses disciples comprennent la valeur de l'éducation.
En effet, seule une éducation aux valeurs de la Torah, de l'Etat d'Israël (en l'occurrence dans ce cas, le Royaume) sur sa Terre peut conduire à l'unité.

Puissions-nous mériter voir l'unité, sur notre Terre, de tous les Juifs, construire notre Temple et mériter la Délivrance pleine et entière, de nos jours.
Amen.