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21/05/2010

Parashat Nasso

Parashat Nasso
La Bénédiction des Cohanim

"Et vous mettrez Mon Nom sur les enfants d'Israël, et Je vous bénirai" (Bamidbar 6, 27)

Dans le Talmud, on nous enseigne à propos de ce verset :
"Rabbi Akiva a dit nous l'avons apprise [=la bénédiction Divine] des prêtres [Cohanim], de D'ieu Lui-Même (MiPi HaGevoura) ne l'avons-nous point appris? C'est lorsqu'Il dit "et Je vous bénirai", cela signifie que les Cohanim bénissent Israël et D'ieu agrée par leur biais" (Talmud Bavli, H'oulin 49a)

Il est à retirer de ce passage talmudique que la Volonté Divine est de bénir Son Peuple quotidiennement !
En effet, la Birkat Cohanim (Bénédiction des Cohanim) se faisait tant au Temple que dans les contrées de la Terre d'Israël tous les jours.
(Sur les trois différences entre le Temple et les "Gvoulin" et une explication de celles-ci, cf. le comm. du Rav S. R. Hirsch sur le vers. ibid.)

Nos Sages apprennent encore de notre verset que D'ieu désire la Bénédiction de Cohanim (T. B. Sota 38a), c'est dire à quel point D'ieu aime Son Peuple et désire le bénir. Toutefois, il est clair que le terme "désirer" (MiTavé) n'est pas à prendre à son sens propre, en effet il s'agit là d'un attribut Divin. Il semblerait ainsi nos Sages nous transmettent ici un certain message : il existe un lien puissant entre D'ieu et Israël - de la même manière que D'ieu "désire avoir un appartement ici-bas" (Hakadosh Barouch Hou Mitavé LeDira BaTah'tonim) en ordonnant la construction du Temple [cf. Shemot Rabba 12 ; Likutei Sichot du Rabbi de Loubavitch, part. 2, Lech-Lecha, et al. ; Tanchuma Nasso, 15 ], ainsi Il souhaite résider au sein de Son Peuple, en le bénissant. C'est en quelque sorte un Dévoilement Divin ici-bas, dont la Volonté provient du plus haut point (Itarerouta diLeila).

C'est peut-être cette intention que traduit le Midrash (Tanchuma, Nasso, 8) :
"L'Assemblée Israël [Knesset Israël] dit devant D'ieu: "Maître de Monde, aux Cohanim tu dis de nous bénir. Nous n'avons guère besoin que de Ta Bénédiction et de se faire bénir de Ta Bouche […] D'ieu leur dit, malgré avoir dit aux Cohanim de vous bénir, Je Me tiens avec eux et vous bénis. Par conséquent les Cohanim étendent leur main, pour dire D'ieu Se tient derrière nous."

La Volonté Divine dont nous parlions précédemment est marquée par le fait que rien n'est laissé aux Cohanim seuls. Il n'y a pas de parole marmonnée magiquement - d'hommes naturellement extraordinaires, qui, par leur personnalité ou par un certain rituel nous assure la prospérité et la protection. Tout cela vient directement de D'ieu lui-même et personne d'autre.

Le Yeroushalmi (T. Y. Gittin, ch. 5, hal. 5 - 32b) va encore plus loin :
"… que tu ne dises pas un tel homme incestueux et meurtrier nous bénit. D'ieu dit - qui te bénis, n'est-ce pas moi? Ainsi qu'il est dit "Et vous mettrez Mon Nom sur les enfants d'Israël, et Je vous bénirai" (Bamidbar 6, 27)".

Explique Rav S. R. Hirsch (commentaire sur Bamidbar 6, 27) : "ce ne sont point les Cohanim qui bénissent Israël, les paroles qui sortent de leur bouche n'ont force de bénédiction en aucune manière - leur rôle est uniquement de "mettre mon Nom" sur le Peuple d'israël, alors que "Moi Je vous bénirai" (ibid.) ; leur rôle est de "déposer" le nom de D'ieu au sein du Peuple afin que celui-ci soit le char de la Shekhina [= Présence Divine]".

Il en ressort que l'unique raison pour le Cohen de bénir le Peuple soit son ordonnance Divine et sa nécessité à accomplir la Avoda dont la Birkat Cohanim fait partie intégrante [cf. R.S.R. Hirsch, ibid, vers. 23]. Leur qualité a être la voie par laquelle D'ieu bénit son Peuple est innée et provient du plus profond de leur âme [cf. Sefer Hakhinoukh, commandement positif 367 ; Pri Tzadik de Rabbi Tzadok HaCohen de Lublin, par. Nasso - il explique également qu'étant donné que le rôle des Cohanim est d'enseigner la Torah, il est naturel qu'ils disent la Birkat Cohanim dont les "lettres entourent le travail de la Torah"(sic)], c'est pourquoi ils accomplissent cette Mitzva (et doivent le faire ainsi), avec amour.

Si cette Mitzva est si chère aux yeux de l'Eternel [cf. T.B. Brakhot 20b, Rosh Hashana 17b, Nidda 70b, T.Y. Ta'anit ch. 4, 1, Sanhédrin ch. 1, 2, etc.] pourquoi est-ce qu'en dehors d'Israël n'est-elle pas effectuée tous les jours?

Le Rama (Rav Moshe Isserles - Sh. Ar. O.H'. 128, 44) écrit : "puisqu'ils sont occupés de pensées quant à leur revenu et à la perte du temps de leur travail et même à Yom-Tov, on ne fait guère monter les Cohanim, sauf à Moussaf, alors que les gens sortent de la synagogue et se réjouissent de la fête".
Cette habitude a plusieurs raisons [cf. l'article du Rav Shear-Yashouv HaCohen (grand-rabbin de H'aifa) in Techoumin, 2, pp. 345-359 - qui en cite cinq].
Nous aimerions en citer ici une autre.

Le Rama (ibid.) ramène également un usage qui peut paraître étrange : les Cohanim célibataires n'ont pas le droit de monter, en effet, le Talmud (Bavli, Yebamot 62b) indique que quiconque n'est pas marié, ne peut être joyeux, il est "laissé sans joie".

Le Maharam Ben Barouh' dans ses responsa se demande pour quelle raison Itzh'ak a demandé à son fils Essav de lui amener des "mets" avant de le bénir ? Il répond ainsi : étant donné qu'Itzh'ak était aveugle, voué à être enfermé, presque emprisonné chez lui à cause de son handicap et le monde lui paraissait sombre, il avait de la peine à être joyeux. Et sans joie, demande-t-il, comme la bénédiction pourra-t-elle prendre lieu? Elle sera faible… Par conséquent Itzh'ak a essayé de réveiller en lui-même ce sentiment là.

Il en est de même pour les Cohanim - qui ne peuvent se suffire de bénir le Peuple par de simples paroles prononcées, seul un cœur plein de bon sentiments convient à ce but, d'autant que sans joie, comme dit, leur bénédiction n'a pas beaucoup d'utilité…

Après cela, le "Levoush" (le plus grand disciple du Rama - ibid.) pose la question suivante : pourquoi même à Shabat, en dehors d'Israël, dans les communautés Ashkénazes (qui ne suivent pas en cela le "Beit Yossef" - le rav Yossef Karo) l'usage est que les Cohanim ne montent pas? Et celui-ci d'affirmer dans sa réponse que seuls les moments fériés tels les jours de fête (Yom Tov) où le cœur des gens est allègre (Touvei Lev) et détaché du souci de leur revenu ainsi que de leur travail, ceux-ci se réjouissent réellement et donc, les Cohanim peuvent monter réciter la Brah'a.

Dans les Responsa du Beit Efraim (du Gaon R' Efraim Zalman Margaliot - O. H'., siman 6), il est expliqué pourquoi en Israël on dit la Birkat Cohanim tous les jours : c'est qu'en Israël on est détaché du fardeau de la Galout - aller de génération en génération de ville en ville, de contrée en contrée, ce lourd poids de l'exil, même historique, n'est plus vécu en Israël, ainsi l'esprit est-il plus clair en Terre Sainte.

D'ici, nous comprenons qu'il y a une différence ontologique majeure entre l'environnement d'Israël et le reste du monde, en tous cas au niveau de la Avodat Hachem.

Ce point là est traité dans beaucoup de livres - nous n'en ramenons que très brièvement deux : le Shem MiShemouel du Rav Shmuel Borenstein de Sokhotshov (le fils du Avnei Nezer) qui écrit entre autres (Parashat Vayshlach, p. 42) qu'en dehors d'Israël la avoda est de "s'éloigner du mal" [sour meRa], alors qu'en Israël le service Divin est essentiellement positif [va'asse tov] et le Sfat Emet du Rabbi Alter de Gour (Parashat Re'eh, drasha de l'année 5661) qui proclame qu'en dehors d'Israël la avoda est marquée par la crainte [i'rah], alors qu'en Terre Sainte - la joie est la voie.


Puissions-nous tous servir D'ieu avec joie, comme les Cohanim, et jouir d'un temps où tous les Juifs entendront la Birkat Cohanim tous les jours, tant dans les contrées (gvoulin) que dans le Temple, Amen.

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