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27/08/2010

Parashat Ki-Tetze

Sidra Ki Tetze

La Sih’a du Rav Chaim Sabato

Notre sidra énumère un nombre très grand de commandements et contient beaucoup d’intéressants éléments, toutefois, nous allons nous concentrer uniquement sur deux aspects de celle-ci : « Quand tu sortiras en guerre contre ton ennemi… » [1] et le passage du « fils rebelle » [2].

La sortie en guerre
Le Talmud (dans le traité de Sota) nous apprend que tous les « fauteurs » présents dans le peuple ne sortaient pas en guerre, même ceux qui parlaient entre la mise des tfilin (phylactères) du bras et ceux de la tête [3].
N’est-ce pas extraordinaire ?
L’armée du peuple d’Israël n’est ni barbare, ni monstrueuse, ni répugnante, elle est faite de gens pieux, moraux, des tzadikim !
Ainsi, nous voyons que la suite de la paracha évoquant la volonté de se lier avec une captive étrangère ne provient guère d’un “manque d’éducation“ ou d’éthique, d’un homme occupé à écouter son mauvais penchant, assouvissant tous ses désirs.
C’est ainsi que commente le « Or HaH’ayim » le verset citant la crainte du cœur (v’yareh’a levav) : il s’agit, dit-il, de la crainte qu’un homme a de son penchant.
Il nous apprend ici un très grand principe : la force de l’homme est grande et elle peut l’emmener, le pousser, le diriger, même s’il est le plus grand des sages, le plus pieux des héros, à des endroits non raisonnables. Par là-même, nous constatons que les forces de l’homme sont limitées. La Torah, en réponse à cela, nous propose un “système“, un paradigme, un environnement, pour arranger cela, pour accompagner les désirs, pour mieux s’en méfier. C’est ainsi que le Rav Avraham Itzh’ak HaCohen Kook enseigne – selon un passage du Talmud - qu’il est interdit, selon ce principe, de compter sur les forces de l’homme uniquement.

Le fils rebelle
La guemara (Sanhédrin 98b) juge de la véridité factuelle du fils rebelle et enseigne que selon l’avis « qu’il n’a jamais existé et n’a jamais été créé », notre passage dans la parasha est justifiée par son étude – « étudies la et sois récompensé ». Nous devons donc comprendre de quoi il s’agit, l’étudier en tous cas.
La Torah décrit le fils rebelle par cinq attributs :
Sorrère – il va dans une autre voie, il sort du droit chemin.
Moréh – « il désobéit aux propos de son père » (Rashi), à plus forte raison de ses maîtres.
Eineno shomea bekol aviv ve’imo – il n’écoute pas les paroles de ses parents
Zollel – assouvit tous ses désirs corporels.
VéSovéh – se soûle.

Un homme en quête de soi-même, surtout à l’adolescence, puisqu’il s’agit ici bien de cela, est une chose qui n’est pas tellement étonnante, voire extraordinaire. Est-ce surprenant qu’un adolescent n’écoute pas la voix de ses parents ?
On peut répondre que dans le cas du fils rebelle, la situation est bien plus grave, puisque ça n’est plus seulement une simple crise d’adolescence, mais une véritable et puissante rébellion : il va assouvir tous ses désirs et se soûler, ça n’est plus du tout « naturel » et c’est interdit.

Le “Or Sameah’“ (Rav Meir Simh’a HaCohen de Dvinsk - dans son livre sur la Torah « Mesheh’ H’oh’mah ») explique l’état idéal évitant une telle situation : laisser à l’individu la place de se développer afin de qu’il puisse se confronter à de nouveaux événements et user de ses forces de manière positive, par des voies qui ne sont guère prohibées.

Même si l’homme faute, il y a toujours un espoir qu’il se répentisse (fasse techouva), mais lorsqu’on lie cette folie qu’est l’accomplissement de tous ses désirs et sortir de son état naturel pour se soûler quotidiennement, il n’y a plus d’espoir de pouvoir échapper, se sortir de sa rébellion, c’est ainsi que nous enseigne le Sforno.

Et pourquoi la guemara dit « étudies et sois récompensé » ? Pour nous enseigner le danger de la liaison entre les deux éléments (sorrère oumoreh et zollel vesovéh – rebellion et assouvissement des désirs).

Conclusion
De ces deux épisodes extrêmes, on voit combien les forces de l’hommes sont limitées et le danger qu’il y a en elles. Et voici que la Torah nous enseigne de ne pas y céder, d’user de nos forces de manière positive et constructive. Même le Sage et pieux pense qu’il est assez fort et finalement tombe, cède à ses désirs, veut les assouvir, ici de manière licite toutefois, mais qui nous assure qu’il en sera toujours ainsi, alors à plus forte raison quand ça ne l’est pas ! Il en est de même du fils rebelle, ses forces sont mal utilisées, dans une mauvaise direction. Il arrive à la mesure de l’épicurien – tant dans le sens de apikoros – renégat, qu’au sens commun du terme où il cherche à profiter de chaque morceau de viande et à se soûler autant que possible (cf. Ibn Ezra, ibid.), où il n’y a plus de retour possible.
Le message est clair, on parle d’extrêmes, mais c’est là la force de l’homme et il doit la diriger, la controler. Message moral de grande importance.

Puissions-nous tous utiliser nos forces pour améliorer le monde de manière attentive et juste nous amenant au bon endroit.

Shabat shalom.

[Traduit, adapté et annoté par S. Elikan]


[1] Dvarim 21:10

[2] Dvarim 21:18 – 21:21

[3] Il existe une discussion entre Rashi [sur T.B. Menah’ot 36a s.v. lo sah’] et Rabbeinou Tam [ibid. s.v. lo]. Le premier affirme qu’il n’y a qu’une seule bénédiction sur les deux tfilin (celle de la main et celle de la tête)– cela se comprend du talmud (ibid.) enseignant que quiconque parle entre les tfilin de la main et de la tête, doit en dire deux, et donc si on ne parle pas, on n’en dit qu’une seule. C’est également l’opinion du Rif (Rabbi Yehouda Alfassi, 8a dans ses pages), du Rambam (lois des tfillin, ch. 4, loi 5), ainsi que du Rashba (resp. t.I, 156 et 809). Le second, affirme qu’il faut dire deux bénédictions puisque ce sont deux lois différentes et la preuve du T.B Brah’ot (60b), du Yeroushalmi (chap. 9, loi 3) ainsi que du Midrash Tanh’ouma (fin de la parashat Bo, 14). C’est également l’opinion du Rosh et du Tour [quant à la compréhension de Rabbeinou Tam du passage précédemment expliqué par Rashi, cf. Arouh’ HaShoulh’an, O.H. Tefilin, 28, 10].

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