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27/08/2010

Parashat Ki-Tavo

Parashat Ki-Tavo
Le mérite des prémices

"Lorsque tu viendras sur la Terre que D' te donne en héritage, tu la conquerras et l'occuperas (y habiteras). Et tu prendras des prémices de tous les fruits de la terre (adama) que tu amèneras de ta terre (artzeh'a) que l'Eternel ton D' t'a donné..." (Dvarim 26:1).

Nos Sages nous enseignent (Sifrei, 156, 14 ֵ[psikta 297]) "accomplis ce commandement ( = celui des prémices - bikourim) car par son mérite tu rentres en Israël".

Le H'atam Sofer pose la question, au nom de son maître, le Hafla'a : comment est-ce possible d'accomplir le commandement avant d'avoir conquis la Terre, puisqu'il est bien dit que par le mérite des bikourim (prémices) on rentre en Terre Sainte ?

Il répond ("Torat Moshé", Mahadura Kama, Dvarim, p. 44) :

"Malgré que nos ancêtres sont allés "de peuple en peuple et d'un royaume à l'autre" (Psaumes 105, 13), à chaque endroit de leur déplacement leur cœur, leurs yeux et leur pensée étaient toujours portés vers la Terre promise que D' leur a donné. Ainsi, les tribus ont-elles dit à Pharaon "nous sommes venus résider [temporairement] (lagour) en ton territoire" (Bereshit 47:4) et non pas y habiter [de manière fixe] (lehityashev). Car en chaque instant nous pensons à notre Terre. Et tant qu'ils y pensaient Pharaon et ses décrets ne les touchaient pas. […] De la même manière, dans le passage des bikourim, il est écrit "il descendit en Egypte et ils y résidèrent (vayagor) en petit nombre" - y résidèrent (garou) comme des étrangers (gerim) et n'ont pas abandonné leur patrie. […] Chaque endroit où vous allez, toutes vos pensées seront liées "à la Terre" [= d'Israël] […] par conséquent on dit "nous Te remercions pour ce que tu as donné à nos ancêtres" - il s'agit du don d'une Terre désirée à nos ancêtre descendus en Egypte à chaque endroit de leur exil. Et par leur mérite, Tu nous as sorti d'Egypte. Ainsi, nous comprenons le verset : "Lorsque tu viendras sur la Terre que D' te donne en héritage" - qu'elle soit déjà avant ta venue, ton héritage, quelque soit l'endroit où tu te trouves, penses-y. Alors, méritant, "tu la conquerras et l'occuperas". De cette manière, tu comprends le propos de nos Sages (Sifrei, ibid.)"

Le H'atam Sofer comprend donc qu'il s'agit d'un acte de pensée. Le commandement d'amener les prémices de la terre est très important puisque le monde a été créé pour cela (cf. Bereshit Rabba, 1), mais plus important encore (et c'est peut-être comme ça qu'il faut comprendre ce midrash, cf. "Binyan Av", Sih'ot ouMaamarim, t. II, siman 40, p. 259 et suiv.) est l'idée du commandement : remercier D', reconnaître Sa Bonté. Ce remerciement, cette idée c'est celle de remercier pour la Terre qu'Il nous a octroyé, donné.
[Le Rav Yona Imanuel (Hama'ayan, 5743) disait au nom du rav Shraga Feibel Frank qu'on accomplit cela aussi par la récitation du Birkat HaMazon [= les actions de grâces après le repas], lorsque l'on dit "une Terre désirée, bonne et large, Tu as donné à nos ancêtres" (ce h'idoush est basé sur le midrash Shir HaShirim Rabba, 5), nous remercions D' pour la Terre Sainte autant que pour la nourriture, à tel point que si l'on ne dit pas ce passage cité précédemment, l'on n'est pas quitte du Birkat HaMazon et il faut le refaire (cf. Rambam, Lois des Bénédictions, chap. 2, loi 3, cf. également les notes du Rav Kapah', ibid. pour les preuves du T.B. Brakhot 48b, cf. encore Maharal, Netivot Olam, Avoda, chap. 18, p. 140-141).
Le Rav Shlomo Zalman Auerbach explique qu'il s'agit de lire ces mots avec intention, car sinon, c'est comme s'il ne les avait pas dit ("Minh'at Shlomo", t. I, siman 2). Il paraît que lui-même répétait ces mots lors de la récitation du Birkat HaMazon.]
Ainsi, quiconque se remémore la Terre promise, peut importe où il se trouve, y a droit. C'est le mérite dont nos Sages parlaient.

Le Rav Shaoul Israëli (Siah' Shaoul, p. 531) pose la même question, mais y répond différemment.
Il explique que le concept "d'entrée en Israël" n'est pas un concept géographique uniquement - il est des gens, dit-il, qui passent physiquement leur vie en Israël, alors que leur âme n'y est pas.
"Entrer en Israël signifie reconnaître le principe spirituel et admettre le rôle spirituel de cette Terre, à la différence des autres pays du monde et de leur population expliquant de facto la différence du Peuple qui doit y résider, par rapport aux autres peuples. Par conséquent et à cause de cela, l'évolution de l'occupation de la Terre est complètement différente des autres pays et elle doit l'être. En effet, seulement lorsque ces deux éléments "tu la conquerras et tu l'occuperas" s'accomplissent, qu'il devient nécessaire de lier la somme des événements qui nous ont amené jusqu'ici, percevoir la non-naturalité de toute l'histoire juive et par conséquent que l'Etat qui doit se créer ici ne peut pas être tel les autres pays. Alors et seulement alors, tu rentres en Israël…"

Le Rav Israëli zatsal, à la différence de H'atam Sofer, ne comprend pas cet enseignement comme une voie spirituelle nous liant à D', nous délivrant. Il voit plutôt le côté pratique - entrer en Terre d'Israël, c'est créer un état différent des autres états du monde, modèle de morale, de bienfaisance et d'accomplissement de la Volonté Divine - il s'agit moins de conquérir la Terre physiquement que spirituellement, dans l'acceptation d'un pareil état, lumière pour les Peuples. Quiconque accomplit le commandement des prémices, élève les fruits de la terre, alors qu'elle est déjà occupée, à un niveau spirituel, à un niveau Divin, mérite d'entrer en Israël spirituellement, de lier son histoire à celle de millions de Juifs à travers les générations qui ont tout sacrifié et donné à ce but, pour la Terre d'Israël.

Puissions-nous voir ce jour rapidement et à nouveau amener nos prémices au Temple à Jérusalem, Amen.

Shabat shalom.
Shmouel Elikan


Dédié à la guérison de Avraham H'ayim ben Sarah, Menah'em ben Huguette ainsi qu'à tous les malades de notre Peuple, d'autant qu'à la mémoire bénie du Rav Yehouda Amital, du Grand-Rabbin d'Israël, le Rav Mordekhai Tzemach ben Mazal, à Simone bat Zoé, à H'aya Routh bat Miriam veH'ayim, à Yirmiahou H'ayim ben Miriam, et à tous ceux qui sont tombés pour la gloire d'Israël, tous nos soldats. Soit leur mémoire bénie !

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