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16/07/2010

Parashat Dvarim

Entre remontrances et délivrance…

Notre parasha commence par les propos de Moshé, avant sa mort. Il rappelle au Peuple leur odyssée et leurs "exploits" (c'est une manière de leur faire une remontrance, selon Rashi [sur Dvarim 1:1] qui ramène le midrash), puis, par la suite, et jusqu'à la fin du Livre, revient sur toute la Torah, l'interprète, la raconte.
Il omet les lois de pureté et d'impureté, des korbanot (sacrifices), les habits des kohanim (prêtres), etc.

Ainsi, dans son introduction au commentaire sur Dvarim, le Ramban écrit :
« On connaît le thème général de ce livre : Il inclut la répétition de la Tora où Moché a expliqué à la génération qui allait entrer en Erets Yisrael la plupart des commandements qu’elle devrait y observer. Il ne s’y trouve, en revanche, aucune mention des commandements des kohanim. »

Le Rav Mordekhaï Yaffé (le Lévoush) s’interroge quant à la raison qui a empêché Moshé de répéter ces lois spécifiques. Il répond en citant un midrach expliquant qu'aucun membre de la tribu de Lévi n’est mort dans le désert, celle-ci ayant été la seule à ne pas calomnier Erets Yisrael alors que les explorateurs revenaient de leur mission. Il n’était donc pas nécessaire de rappeler les lois propres aux kohanim, puisque ceux-ci les avaient toutes apprises de la bouche même de Moshé !

Seules les autres tribus ont dû réétudier les commandements qui leur étaient applicables. En effet, leurs membres qui les avaient recueillis de Moché étaient morts dans le désert. La conquête du pays allait être opérée par une nouvelle génération ignorante des prescriptions faites à leur parent. C’est pourquoi il a dû les lui répéter et procéder à cette mise au point.

Ainsi, d'autres lois sont énoncées pour la première fois dans ce Livre : le divorce, le lévirat (yiboum) et d'autres encore. D'aucuns commandements sont expliqués différemment, interprétés par Moshé. Ainsi en est-il, par exemple, des dix Paroles explicitées dans la parashat Vaeth'anan différant notamment de celles écrites dans la section d'Yitro, dans le livre de Chemot.

La parasha de Dvarim est toujours fixée comme "Shabat H'azon", veille du 9 Av. Il existe à cela plusieurs raisons.

Premièrement, comme nous l'avons vu précédemment dans les propos du Lévoush, il y a un lien intrinsèque entre le livre de Dvarim et la faut des explorateurs. De la même manière, Moshé, comme dit, fait des remontrances au Peuple d'Israël et parle longuement de la faute des explorateurs [Dvarim 1:22-45].

Cette faute nous dit le Talmud [Ta'anit 29a] est ontologiquement liée à la date du 9 Av :
"“Le Peuple pleura cette nuit là”, Rabbi Yoh'anan dit - “cette nuit là” était la nuit du 9 av, D' leur a dit : vous avez pleuré en vain, Je vous fixe un pleur pour les générations à venir".

Ce lien, deuxièmement, se voit également dans notre parasha [Dvarim 1:12] au verset "Eikha essa levadi…" (Hélas, comment porterais-je seul votre fardeau, vos disputes et querelles?) ressemblant par son style à l'ouverture des Lamentations de Jérémie "Eikha yashva badad…" (Hélas, comment? elle est assise solitaire!).

Cette similitude est rapportée dans le midrash [Eikha Rabba 1,1] :
"Trois prophètes ont employé le mot "Eikha", Moshé, Isaïe et Jérémie… Rabbi Lévi dit : cela ressemble à une mariée qui avait trois garçons d'honneur: le premier assiste à son bonheur, le deuxième à son infidélité et le troisième à sa disgrâce. Ainsi Moshé a vu les Juifs dans leur gloire et leur bonheur et s'est écrié "Comment supporterais-je seul votre charge?" (Eikha essa levadi tarkhekhem), Isaïe, témoin de leur infidélité s'est exclamé "Comment la Cité fidèle est-elle devenue une prostituée?"(Eikha hayta lezona). Jérémie assistant à leur disgrâce se lamenta "Hélas, elle est assise solitaire"(Eikha yashva badad).

Le midrash nous apprend par là qu'il existe un lien essentiel entre la Terre d'Israël (tel que le souligne le Talmud [ibid.] et Moshé dans ses remontrances au Peuple - ça n'est par pour rien qu'il explique si longuement la gravité de la faute (23 versets!) aux descendants de ceux qui ont fauté), l'identité juive (comme chez Isaïe) et notre indépendance (comme chez Jérémie).

Ce sont également les propos de la mishna [Ta'anit chap. 4, mishna 6] :
"Le 9 Av, il a été décrété que nos Ancêtres ne rentreraient pas en Terre d'Israël, le Temple fut détruit à deux reprises, la ville de Beitar fut ravagée et la Ville [=Jérusalem] a été labourée [c.à.d. entièrement détruite]."

La mishna commence avec un événement qui apparemment est sans rapport avec la destruction du Temple, alors que tous les autres y sont liés. La réponse généralement admise et que le Talmud laisse entendre [cf. également Tour O.H. 450] est que "le jour engendre", c'est-à-dire que ce sont des jours de malheur, ceux-ci se reproduisant en sont la preuve.

En fait, le lien est plus profond : les fautes seraient liées l'une à l'autre, elles ont un lien d'ontologie. Nos Sages, souvent, marquent au début d'un enseignement sa source, sa racine, son "shoresh".
Le rav H'arlap dans ses livres (surtout Mei Marom) s'applique toujours à rechercher la racine de chaque chose, souvent selon la Kabbala.
Le rav H'ayim Sabato, suivant ses enseignements, explique que la cause de la destruction des deux Temples et tout ce qui s'ensuivit (la destruction de Beitar et de Jérusalem) est due au fait même de ce rejet de la Terre d'Israël.
Les fautes commises contre la Terre engendrent le rejet de celle-ci, elle ne nous accepte que lorsque nous la respectons: n'y commettons pas d'inceste, d'idolâtrie (l'ipséité en est aussi une, ai-je entendu aujourd'hui du Rav Neventzal), de meurtres, de haine gratuite et que nous acceptons notre héritage, notre identité, la Torah.

La Terre d'Israël, la Torah d'Israël et le Peuple d'Israël ne font qu'un, quiconque vient à en renier l'un de ces éléments induit nécessairement un manque dans les autres.

Puissions-nous connaître, nous qui vivons la renaissance de ces trois éléments aujourd'hui, la délivrance pleine et entière, au plus vite, Amen.

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