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18/06/2010

Parashat H'oukat

Parashat H'ukat

Obligation ou compréhension ?

Notre sidra s'ouvre sur une série de lois dictées relatives à la mort ainsi qu'à l'impureté en général, et dans ce cadre là les lois relatives à la vache rousse, ou sa qualité cathartique. Suit ensuite la mort de Miriam et la disparition de la source d'eau du peuple. Celui-ci se plaint du manque vital, c'est alors que fautent Moshé et Aharon en frappant le rocher. Le peuple doit ensuite passer par les terres d'Edom, et en arrivant à Hor HaHar meurt Aharon. Suivent des événements plutôt agités : combats contre les Cananéens et attaques de serpents après avoir demandé à Moshé de vivre "naturellement" dans le désert, leur guérison et salut grâce au serpent d'airain que Moshé suspend. Après cela, plus glorieusement, le chant du puis, et quelques conquêtes.
Quel lien entre tous ces événements, s'il en est un ?

Dures épreuves toujours liées à la mort, terminées de manière salutaire.
Pour bien comprendre ce phénomène, il faudrait étudier longuement les lois liées à la pureté et l'impureté, et comme le Maharal de Prague l'explique plus l'homme se rapproche de la mort, le plus il est impur. Il existe cependant différents critères de classification et de transmission (cf. à ce sujet la première partie de "Mincha Tehora" du Rav Daniel Wolf, Alon Shvut, 2009).

Toutefois, nous avons vu encore un autre dénominateur commun (basé sur une drasha du Rav Yaakov Ariel, grand-rabbin de Ramat-Gan).

Quelle était la faute de Moshe et d'Aharon ?
Il est d'usage de dire qu'ils ont frappé le rocher à la place de lui parler. Mais s'il en est ainsi, Moshé n'est en rien responsable, puisqu'en une autre occasion D' lui a explicitement ordonné de frapper le "rocher, et il sortira de celui-ci de l'eau et le Peuple boira". Ici aussi D' dit à Moshe "prends ton bâton". L'ordre Divin à qualité prophétique peut être interprété de différentes manières et il est clair que Moshé a agi selon son habitude. En effet, plus tard, il est dit : "vous parlerez au rocher". Mais s'il suffisait de parler, pourquoi alors prendre le bâton, selon un ordre d'En-Haut qui plus est ?!

Dans le Yalqut Shimoni (Allusion, 763) il est rapporté :
"Lorsque l'enfant est petit, on le frappe (punit) pour lui enseigner, lorsqu'il grandit, c'est par la parole qu'on le corrige. Ainsi D' a dit à Moshé lorsque ce rocher était petit, tu l'as frappé, mais aujourd'hui "vous parlerez au rocher", récite sur lui un chapitre et il sort de l'eau du rocher."


Le midrash voit dans le rocher le cœur de pierre du Peuple au début de son chemin. A la sortie d'Egypte, il a fallu l'élever par des coups (punitions, c.à.d. les dix plaies), toutefois la nouvelle génération qui s'apprête à rentrer en Israël est plus mature ; son éducation se fait par la parole. Selon la Halakha, il est interdit à un père de frapper son fils lorsqu'il est grand, il transgresse ainsi l'interdit de "lifnei iver lo titen mikhshol" ("tu ne mettras point d'obstacle devant un aveugle"), en effet, celui-ci pourrait lui rendre, h'alila, et comme le démontre l'expérience, souvent les conséquences éducatrices sont inverses à celles recherchées. Un grand, on ne le convainc pas par la force, seule la parole fait l'affaire. Le Peuple d'Israël a grandi durant quarante ans et il est temps de lui parler dans une langue plus douce. Le langage de la force, nonobstant son inutilité, peut engrener des dommages. La direction du désert se termine, il faut un leadership différent pour rentrer en Terre Sainte.

Une idée semblable se trouve à la fin de notre parasha, lors de la guerre contre Og roi de Bashan. Nos Sages nous enseignent qu'Og a soulevé une pierre grande de trois parsa (à peu près 12 km) pour la jeter sur le camp du Peuple d'Israël. Cependant, des fourmis, toutes petites, ont grandement troué cette pierre et la tête d'Og s'est retrouvée engloutie dans celle-ci. Lorsqu'il tenta de soulever la pierre pour délivrer sa tête, ses dents se sont profondément enfoncées dedans de telle sorte qu'il ne put s'en délivrer.

Le Maharal de Prague (Gur Aryeh sur la parasha) explique ce midrash de manière profonde : Og tente de vaincre le peuple d'Isräel par sa force physique. C'est sans savoir que le Peuple d'Israël a un avantage certain - spirituel, dans sa bouche (par la prière, l'étude, la parole, etc.). Les fourmis sont certes physiquement petites, mais leur force est dans leur bouche avec laquelle elles creusent un grand trou dans cet énorme rocher. Ainsi, le peuple d'Israël par son influence spirituelle (qui chez le Maharal est très souvent symbolisée par la bouche qui est le passage obligé de la réalité spirituelle de chaque âme dans le monde réel) peut rompre la dureté de la pierre. Le Maharal ne veut pas dire par là qu'il n'y a pas de lutte physique réelle entre Israël et les peuples du Monde, mais qu'en fin de compte, dans la lutte entre Yaakov et Essav, ce n'est pas tant la force qui vainc, mais bien l'esprit qui convainc. Ce sont deux phases dans l'histoire de l'humanité - le premier, primitif est dominé par la puissance physique, alors que le second - quand l'humanité est "réparée" - est prévalu par la parole, par la compréhension. La vérité pourra alors être expliquée et donc il sera facile de convaincre.

Selon cela, on comprend mieux le lien entre les événements. La vache rousse est appelée "h'oukat haTorah" (loi de la Torah). Le mot "h'ok" a deux significations, d'une part, il signifie loi comme commandement et d'autre part il souligne l'infini, comme dans le verset des Psaumes "h'ok natan velo yaavor" ("Il a donné une loi [la nature ?] et Il ne la transgressera pas") - pour nous dire que le commandement Divin est éternel, même lorsqu'on n'en connaît pas la raison (cf. le premier Rashi de la parasha), il en est de même pour toute la Torah, c'est pour cela qu'il est écrit "h'oukat hatorah" (la loi de la Torah) et non pas "h'oukat haPara" (la loi de la vache [rousse]).

Même si l'on ne comprend pas la raison des lois de la Torah, on y reste obligé et astreint. Il n'est pas dit qu'on ne peut pas la comprendre (même si le Roi Salomon ne l'a pas comprise, cf. dans T.B. Nidda sur le sujet), mais notre devoir est malgré notre incompréhension d'effectuer la mitzva. Il faut parfois savoir se retirer de l'image pour voir que tout vient d'En-Haut.
En effet, la compréhension est nécessaire, elle est un signe de maturité, on peut convaincre, se faire convaincre, mais cela n'est pas suffisant. Le côté obligatoire et obligeant du commandement Divin doit aussi se faire ressentir. D'où l'hésitation de Moshé [à noter que le Meshekh Khokhma de Rabbi Meir Simcha HaCohen de Dvinsk écrit que les commentateurs ont accordé tellement d'interprétations quant à la nature de la faute de Moshé et d'Aharon, qu'en fin de compte, ça n'est plus une, mais des dizaines de fautes qu'ils ont commises, et donc, il prévient de prendre les choses en proportion]…

On comprend ainsi le midrash traitant d'Og, il n'a pas compris que tout vient d'En-Haut. Il en est de même pour le Peuple d'Israël. Il ne pleure pas Miriam (selon le Kli Yakar) et c'est pourquoi il manque d'eau, on n'est pas capable de voir la main Divine. De même pour le serpent, la mishna dans le traité de Rosh Hashana dit : "vekhi nakhash memit oumekhayé" (est-ce qu'un serpent tue ou fait revivre?), c'est seulement, quand le Peuple d'Israël, continue la mishna se rappelle que tout vient de D' qu'ils voient le salut. Le fait qu'un serpent tue est évident, que veut dire la mishna? Mon maître, le Rav H'ayim Sabato explique qu'en fait même dans cette fonction là, cette nature là on doit reconnaître la main de D'.

Semblablement, Rabbi Moshe HaDarshan (cité par Rashi, dans parashat Ki Tissa) explique que la vache rousse répare la faute du veau d'or. En réalité, c'est un midrash (Bamidbar rabbah 19:8) que Rabeinou Tam ramène lors d'une discussion dans la guemara Yoma 2a qui contredit la guemara dans Moed Katan 28a affirmant que la vache provoque une "kaparah" ou pas, alors que le Shaagat Aryeh (dans Gvourat Ari sur Yoma 2a) explique que seule la vache rousse qu'a préparé Moshé a réparé la faute du veau d'or.
Quoi qu'il en soit, le veau d'or signifie une puissance qui se suffit en soi et qui provient de soi-même (cf. Gour Aryeh du Maharal sur la parasha), car le veau est un animal puissant présent dans la "merkava" d'Ezekiel représentant la force animale, la force physique ; alors que l'or c'est le désir, l'argent, la noblesse. Le Peuple va du spirituel au matériel et c'est une chute très dangereuse.
Le Peuple, selon l'interprétation d'Ibn Ezra et du Kouzari a fait le veau pour avoir son propre intermédiaire à D'. Cela provient d'une bonne volonté, mais les circonstances sont graves, le Peuple ne peut se suffir à lui-même, il doit se rappeler que tout vient d'En-Haut.
Il ne le comprend, dans notre parasha, qu'après de douloureux et tragiques événements, un manque d'eau, donc de vitalité, des morts et des attaques… mais finalement vient le salut et on peut s'apprêter à rentrer en Israël.

Shabat Shalom.



P.S. : désolé de n'avoir pas pu marquer les références, je n'avais malheureusement pas trop de livres au moment de la rédaction…


Dédié à la guérison de tous les malades de notre Peuple, ainsi qu'à la mémoire bénie du Grand-Rabbin d'Israël, le Gaon HaRav Mordekhai Tzemach ben Mazal, à H'aya Routh bat Miriam veH'ayim, à Yirmiahou H'ayim ben Miriam, et à tous ceux qui sont tombés pour la gloire d'Israël, tous nos soldats. Soit leur mémoire bénie !

מוקדש לרפואה כל חולי עמנו ולע“נ הרה“ג הראש“ל מרדכי צמח בן מזל, חיה רות בת מרים וחיים, ירמיהו חיים בן מירים וכל נופלי מערכת ישראל גיבורי כח. ת.נ.צ.ב.ה

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