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18/06/2010

Parashat Korah'

Parashat Qorah'

La dispute


Notre parasha relate l'épisode de la rébellion de Qora'h et sa faction. Parfois, les explications avancées pour comprendre cette révolte sont troublantes ; comment un homme intelligent, érudit, noble, riche, leader politique, avec du yih'ous - de remarquables liens de parenté dévie-t-il de cette manière ?
Le Ari HaKadosh explique même que le verset "Tzadik Katamar Yifra'h" (Ps. 92:13) (Le Juste mûrira [litt. fleurira] telle une date [le fruit…]) s'accorde à Qora'h, puisque les dernières lettres KRH' - forment son nom !
Nos Sages dans différents midrashim expliquent que si Qora'h avait attendu il serait devenu un grand dirigeant, tel qu'il le voulait.
Manque de patience? Jalousie d'Elitzafan fils d'Ouziel qui a reçu le rôle qu'il aurait dû avoir (cf. Rachi 16,1, selon Midrash Tanh'uma, Qorah', 1)?

Il existe différentes explications et raisons au fait qu'une faction entière se rebelle contre D'., alors qu'en fin de compte la raison d'agir de Qora'h semble illogique - la création inutile de conflits amène à un comportement incompréhensible, a expliqué le Rav Y. Amital (ancien Rosh Yeshiva d'Alon Shvut).
J'ai pourtant entendu une fois, au nom du Rav Ashlag (auteur du commentaire "HaSoulam" sur le Zohar) que leur discussion était dans la manière de servir D'. "du haut vers le bas" ou "du bas vers le haut" ; est-on plutôt influencé par le Divin se dévoilant de manière transcendante demandant une foi dans ce qui est au-delà de la raison (ne niant pas le côté immanent de la chose, mais le relativisant) ou le Divin serait-il immanent, "tout le peuple est saint", et notre devoir est de dévoiler D'. par et dans la raison - récusant évidemment toute foi au delà de celle-ci. D'aucuns ont encore affirmé que Qora'h était le premier juif "dans le cœur" - mais cela n'explique pas pourquoi il a agi ainsi.

Toutefois, on peut apprendre de ces commentaires que la Mishna (Avot 5:17) citant Qora'h et sa faction comme étant une discussion sans avenir puisque n'étant pas leshem shamaim (au nom du Ciel), à la différence d'Hillel et Shamai, parle d'un état dans lequel la différence entre leshem shamaim (au nom du Ciel) et lo leshem shamaim (pas au nom du Ciel) est très fin, sinon celle-ci aurait amené d'autres discussions où la différence brille beaucoup plus ! Entre parenthèses, on peut légitimement se demander pourquoi les noms de Moshe et d'Aharon sont-ils absents de ladite Mishna.

Certains ont répondu qu'uniquement Qorah' débatait pour des intérêts personnels, donc pas au nom du Ciel, alors que Moshe et Aharon, eux si.
C'est ainsi que dit la Guemara (H'ulin 89a) :
Le monde n'existe que par le mérite de Moshe et d'Aharon. C'est ainsi qu'il est écrit, "Que sommes-nous? (Va-anachnu ma – allégoriquement, nous sommes ma - quelque chose)," alors qu'ailleurs il est écrit, "Il Suspend le monde sur le néant" (belima - dont ce "ma" fait parti).
Rabbi Ilaa dit: Le monde n'existe que par le mérite de quiconque se retire lors d'une dispute, comme il est écrit : "Il Suspend le monde sur le néant" (allégoriquement, celui se retirant)"


Le monde n'existe pas uniquement par le mérite des pieux, d'ascétiques du monde, etc., au contraire, par le mérite de celui se taisant lors d'une dispute! C'est de cette manière spécifique que se dévoile la grandeur d'un homme.
Nous devons nous rappeler que lors de disputes, chacun a un "Kamtza" - un groupe de soutenants, mais il a également un "bar Kamtza" - des gens qui l'abhorrent. Il est indécent de penser qu'en intégrant une dispute nous sommes immunisés à la détérioration et à l'illogique qui la poursuit. Nous devons nous élever au-dessus du niveau du monde - le degré de Moshe et Aharon qui se sont retirés au moment de la dispute. C'est le fait que Moshe soit tombé sur sa face après avoir entendu leur plainte, selon de nombreux commentateurs, il a prié (Rachi, Rashbam, Hizkouni, etc.), il a cherché a entendre la parole de D' (Rav Saadia Gaon, Ibn Ezra, …).

D'aucuns ont encore expliqué cette Mishna de manière quelque peu différente: c'est parce qu'entre Qorah' et sa faction même il y a avait dispute. C'est ainsi que le H'atam Sofer a expliqué que l'unique lien entre les rebelles était leur bataille contre Moshe et Aharon, alors qu'entre eux ils étaient notoirement divisés : Qora'h prônait le trône de la prêtrise, les aînés et la tribu de Réouven disaient avoir trop cher payé pour "une seule" faute [le veau d'or]. Chacun pensait être plus saint que son voisin au sein même de la faction !
A ce stade là, lorsque Qora'h abandonne son premier propos au profit d'un défi dont le compte est personnel, Moshe en ressort fortifié, la faction a des intérêts antithétiques… C'est ainsi qu'il repousse la discussion au lendemain.
Ainsi, il s’adressa à eux et leur annonça que « demain, Hachem ferait savoir qui était à Lui, et qui était saint… » (Bamidbar 16:5).

On s’est demandé les raisons pour lesquelles Moïse avait ainsi reporté au lendemain l’épreuve qui allait le blanchir des soupçons que l’on faisait peser sur lui [nos Sages affirment qu'en plus de l'accaparât des pouvoirs, Moshé était soupçonné d'adultère (Sanhédrin 109b), cela est difficile à lire dans le texte, mais peut se comprendre de la manière suivante, rapporte le Mishkenot Yaakov HaSefaradi, souvent dans une discussion, par une affirmation on veut sous-entendre son contraire, comme si je dis "je ne suis pas méchant", pour dire "mais toi, tu l'es"; ainsi Qora'h dit: "tout le monde est saint, mais toi tu ne l'es pas", Moshé s'il n'est pas saint serait donc accusé d'immoralité et quoi de plus immoral que l'adultère?] et qui allait punir les rebelles de leur révolte, plutôt que de la proposer tout de suite.

Selon le Midrach Tan‘houma (Qora'h, 5), cité par Rachi (ibid.), l’intention de Moïse était de temporiser dans l’espoir d’une rétractation de la part de ses détracteurs.
On peut rapprocher cet enseignement d’un autre du Talmud Bavli (Berakhoth 19a) :
« Si tu vois qu’un érudit en Tora a commis une transgression, ne lui adresse pas de reproches le lendemain, car il s’est peut-être repenti. “Peut-être”? Non, sûrement ! »

On sait en effet que Qora‘h était, comme dit, un grand érudit, et que les deux cent cinquante hommes qui lui étaient (plus ou moins) fidèles étaient les chefs de tribunaux (cf. Rachi ad. 16:1). Rien d’étonnant, par conséquent, que Moïse ait spéculé sur leur techouva.

Une autre raison possible à la patience manifestée par Moïse peut être trouvée dans la façon était distribuée la manne dans le désert : Les justes la trouvaient tous les matins à leur porte, les gens moyens devaient aller la chercher, et les impies, et les impies devaient sortir des limites du camp pour s’en procurer (Yoma 75a).
Il était ainsi possible de discerner, chaque matin, le niveau de spiritualité de chacun.
C’est ainsi que Moïse a pu, en reportant au lendemain ses pourparlers avec Qora‘h et ses fidèles, déterminer à coup sûr qui était juste et qui ne l’était point. Déterminer si la dispute n'était vraiment pas leshem shamaim !

Pour comprendre encore une dernière raison, il faut expliquer que de manière similaire à Qora'h les peuples demandent : pourquoi est-il nécessaire d'avoir un peuple choisi? Pourquoi ne serions-nous pas tous au même niveau? Et ils continuent de questionner : Si vous êtes dans le vrai, alors pourquoi êtes-vous en exil? Pourquoi n'êtes-vous pas en tête, et célébrés, mais constamment persécutés?

Moshé rétorque que la réponse Divine se fera le lendemain matin. La symbolique du matin, comme nous le savons, est la rédemption, alors que la nuit représente l'obscurité de l'exil. Moshe sait qu'il n'y a aucune réponse à ces questions dans notre monde tel qu'il est aujourd'hui. Nous devons prier pour le lendemain, pour le "matin", pour la rédemption (la guéoula). Seulement à ce moment là, la vérité du Am Israel devient claire.
Ainsi, les chapitres de Téhilim qui commencent par les mots "Du musicien en chef, un psaume pour les fils de Qora'h parle de la rédemption future, où tous les peuples comprendront la fonction du Peuple d'Israël parmi les nations.


Chabat Chalom.

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