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18/06/2010

Parashat Pinchas

Parashat Pinh'as

Le dépassement de l'identité

Dans notre parasha sont relatés plusieurs événements, d'abord, le petit-fils d’Aharon, Pinh'as, est récompensé du zèle (kanaout) exprimé lorsqu’il tua Zimri fils de Salou, prince de la tribu de Chimone, et la princesse non-juive de Midian, Cozbi fille de Tzour, pour leur volonté de légitimer l'inceste et l'idolâtrie au sein du Peuple : D' lui accorde une alliance de paix et le sacerdoce (kehouna) pour lui et sa postérité.

Il suit un recensement du peuple aboutissant au compte de 601 730 hommes âgés de vingt à soixante ans. Moïse apprend alors de D' que la Terre doit être distribuée par tirage au sort aux tribus et aux familles d’Israël. Les filles de Tselof’had réclament leur dû à Moché : recevoir le territoire revenant à leur père, décédé sans laisser de fils. D' fait droit à cette demande et l’intègre aux lois que la Torah édicte en matière d’héritage.

D' annonce ensuite à Moché qu’il va devoir rejoindre ses pères. Selon les ordres reçus, Moché prend alors Yehochua, le met en présence de toute la communauté, lui impose les mains et lui donne ses instructions.

La paracha se termine par la liste détaillée des offrandes quotidiennes et des offrandes additionnelles du Chabbat, de Roch-Hodech (le début du mois) et des fêtes de Pessa'h, Chavouot, Roch Hachana, Yom Kippour, Souccot et Chemini Atseret.


Quel lien entre tous ces événements ?

Notre parasha, comme dit, commence par l'assurance Divine à Pinchas : "Me voici lui donnant Mon alliance de paix", la récompense de son acte de kanaout - excès de zèle marquant un certain type de personnalité, ressentant en leur identité propre la profanation du Nom Divin - acte législativement correct, mais qu'on n'ordonne pas (cf. Sanhédrin 82a et suiv.).

Il est indiqué dans le Talmud (ibid.): "Pinh'as a dit à Moshé - tu nous l'as enseigné en descendant du Mont Sinaï"; il est ainsi ramené au nom du Gaon de Vilna que ces propos se rapportent à la brisure de tables de la Loi.
En effet, cet acte peut être compris comme enseignement : de la même manière que Moshé a brisé les premières tables, ainsi il existe une application de cette directive - excessivement zélée - pour les générations suivantes, constituant la halakha (la loi), alors qu'elle n'est pas appliquée, du moins son application n'est pas ordonnée, au contraire (halakha ve'ein morin ken).

Cette manière d'agir (tuer) et cette récompense (la prêtrise, ainsi qu'une alliance de paix) semblent disproportionnés. Comment un Lévi devient-il Cohen, premièrement et deuxièmement, c'est en tuant un autre homme, et pas n'importe lequel, un prince, chef de tribu, homme de haut-rang, certainement très Sage, qu'il le devient. Il est d'autant plus étonnant que nos Sages nous enseignent (dans de nombreux midrashim) qu'il est le prophète Elie (lié à la Haftara), car il serait encore parmi nous (Targoum Yehonatan sur Bamidbar 25:12)…

[Quant à la question qui s'impose: s'il était si brave, pourquoi ne pas le nommer dirigeant d'Israël après Moché, cf. responsa du Radbaz (Rabbi David Ben Zimra), tome 6, réponse 2294 et le "Akeidat Itzh'ak" (du Rav Itzh'ak Areima) sur notre parasha, p. 118 qui expliquent qu'un dirigeant ne peut pas être trop zélé].

Pour faire court, il s'avère que son acte n'était pas un simple meurtre, ni un simple "excès de zèle".
Pinh'as selon le Talmud (ibid.), cela est aussi ramené dans différents midrashim, a demandé à Moché pourquoi il ne faisait rien et lui a rappelé la halakha (loi). Moché lui dit alors, celui qui la dit se doit de l'appliquer.

En fait, Pinh'as avait peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas être assez pur, d'avoir quelques "affaires" personnelles qui le disculperaient automatiquement. Mais Moché lui dit que ça n'est pas le cas et lui donne son accord. Pinh'as a commis cet acte pour sauver Zimri de la faute, alors qu'il ne pouvait pas parler avec lui et aussi pour sauver le Peuple Juif des conséquences de cette faute, mettre fin à l'épidémie (cf. Zvah'im 101b, Sanhédrin 44a, Messilat Yesharim ch. 19 où le zèle est lié à l'amour dans un degré très élevé, celui du pieux (h'assid), H'azon Ish sur O.H., p. 163, s.v. Oumikol Makom).

Bref, Pinh'as, dans une occasion où il n'y avait guère d'autre choix, l'a fait avec le plus grand amour pour autrui. En cela, il a dépassé sa propre identité. La rencontre des contraires peut provoquer l'annihilation de l'Autre, alors créer chez nous un dépassement. Aimer l'Autre comme moyen de dépassement de sa propre identité.

Dans cet acte extrême, on voit cette "punition" infligée à Zimri avec tant d'amour que Pinh'as dépasse sa propre identité au point qu'on dise, c'est le prophète Elie, c'est une âme angélique qui ne connaît pas la mort, il s'est lié avec l'infini.

Et mida keneged mida - mesure pour mesure, D' le récompense de la prêtrise, les Cohanim sont justement ceux qui dépassent leur propre identité au profit de l'amour, c'est la vertu de Aharon et ses fils : il aime la paix, la poursuit, aime les Créatures et les rapproche de la Torah.

C'est également le cas dans le reste de la parasha. Les filles de Tzelofh'ad recherchent ce dépassement de leur simple identité propre, elles essaient de la transcender en lui laissant un nom, Yehoshua continue celui de Moshe et les fêtes sont le dévoilement même, au Temple, de cette quête vers l'Infini, vers l'Un, vers D'.

Dans notre parasha commence également la Torah Orale (cf. l'article du Rav Avraham Shapira - http://www.yeshiva.org.il/midrash/shiur.asp?cat=54&id=6067&q), cette quête de l'Infini, au sein de l'Ecrit.

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