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18/06/2010

Parashat Shelah'

Parashat Chelah' - Leh'a
La faute des explorateurs

Le lien entre les Juifs et leur Terre, Israël, commence lorsque D' donne l'ordre à Avraham : “Va-t-en [pour toi] de ta terre…vers la Terre que Je te montrerai” (Genèse 12:1). Dès le début, la relation entre les deux agents a été difficile ; nos Sages nous ont enseigné qu'Eretz Israël s'acquière dans la souffrance (Berachot 5a - "Trois bons cadeaux ont été donnés à Israël, et ils ne sont acquis que par la souffrance: la Torah, Eretz Israël et le 'Olam HaBa (Monde Futur)").

Ainsi fut-il. Avant qu'Avraham n'ait pu s'installer convenablement sur la Terre Promise, il est déjà contraint de s'en éloigner à cause de la famine. Il descend donc en Egypte. Itzhak n'a jamais quitté la Terre, mais sa vie n'était pas tellement rose : les Philistins le sabotent et le terrorisent. Sound familiar? Yaakov également fut contraint de fuir son frère et quitter la Terre. Lorsqu'enfin il revient de chez Lavan et commence à s'installer, recommencent les problèmes. D'abord à Shkhem, puis avec Yossef et ses frères.

Malgré leurs épreuves et difficultés, les Patriarches ont gardé leur foi en la Terre, non seulement durant leur vie, mais également dans leur mort. Yaakov n'a-t-il pas commandé à ses fils : “Ramenez-moi vers mes Pères, pour être enterré dans la grotte, dans le champ d'Efron le Hittite” [à Hévron] (Genèse 49:29)?
Yossef n'a-t-il pas également fait jurer ses descendants de ramener ses ossements en Terre Sainte, auprès de ses ancêtres?

Les premiers dans toute l'histoire d'Israël a montrer un manque de foi envers la Terre furent les explorateurs. La question se pose donc, quelle était leur faute?

Il y a plusieurs explications quant à la cause de la faute. Certains affirment que le fait de vouloir "espionner" a amené à la faute. Toutefois, cela semble étrange puisque l'action a été Divinement ordonnée! On répondra qu'il s'agit d'un type d'ordre spécifique donné par D', attentif aux intentions du peuple, dans le but de pouvoir, en potentiel pour le moins, sanctifier une mission au but douteux. Un peu à la manière, selon certains avis, du commandement de nommer un roi.
Cela est sujet à controverse. On a trouvé de nombreux endroits, dans l'histoire d'Israël, où on a utilisé des espions, des explorateurs. Par exemple, il est écrit: “Moshé a envoyé des gens pour espionner Ya’azer” (Nombres 21:32). De la même manière, Yehoshoua a également envoyé deux hommes pour espionner la Terre d'Israël en général et Yericho en particulier. Quant à Gideon, D' l'a envoyé espionner le camp Midianite afin d'entendre ce qu'ils disaient et être en position de supériorité au moment de l'attaque (Juges 7:11). Cependant, il existe une différence notoire entre ces missions et celle de notre parasha (cf. Sanhédrin 104b, Eikha Rabba sur Lamentations 2:16 et le cours du Rav Weizmann sur le sujet - http://www.yesmalot.co.il/shiurhtml/malot098.html).
Malgré tout, le Ramban (sur Bamidbar 13:2) ne voit pas l'envoi des espions comme un faute. Au contraire, écrit-il que "c'est un conseil raisonnable pour toutes les forces conquérantes. La Torah ne veut pas qu'on compte sur les miracle pour tous nos actes. Il faut plutôt que les soldats, une fois partis, sachent où, quand et comment attaquer.”

D'autres pensent (cf. Sota 34b: "מרגלים לא נתכוונו אלא לבושתה של א“י וכו’") que la nature du voyage n'était pas adaptée. On peut être touriste ou inspecteur. On leur a demandé d'être "touristes", de regarder de l'extérieur, de donner certaines informations. Ils sont venus en inspecteurs, ont cherché ce qui ne convenait pas… Leurs intentions n'étaient pas convenables. De plus, la requête n'était pas la recherche d'informations stratégiques ; simplement dire si la terre est bonne ou non. Ils ont répondu positivement : lait et miel, il y a.

D'aucuns prétendent que la faute est le produit de l'envoi de leaders, gens populaires et de bonne réputation comme espions. En effet, ils ne savent pas se faire discrets: ils sont "obligés" lorsqu'ils reviennent d'exprimer leur opinion.

C'est peut-être dans ce sens que le Zohar (3ème part., parashat Shlah', 158a) écrit : "Tous [les espions] étaient des Justes et des leaders du Peuple d'Israël, mais ils prirent mauvais conseil. Quel est ce conseil? Ils se sont dits lorsque nous rentrerons en Israël, nous ne serons plus des chefs et Moïse en nommera d'autres à notre place, en effet, nous avons eu l'honneur d'être chefs dans le désert, en Israël, nous n'aurons plus ce mérite. Et à cause de ce mauvais conseil, ils périrent, eux et tous ceux qui ont cru (litt. "prirent") leur propos".

D'autre part, on voit de ce passage là qu'ils comprirent que l'entrée en Terre Sainte engendrerait des changements dans le leadership, dans la manière de diriger le peuple, un passage de communauté à nation. Dans la communauté, la direction est essentiellement religieuse, il y a des associations caritatives, et toutes sortes d'autres associations. Dans un état, cela est impossible, ces associations sont remplacés par des institutions de plus grande envergure (des services de santé, des services sociaux, etc.) liés à l'Etat. On doit donc se spécialiser, et nommer des responsables pour chaque chose. La direction, conséquemment et obligatoirement, change. Les "explorateurs" ne voulaient pas de ce changement, ils ont donc été punis.
Ce changement n'est pas à fortiori. Toutefois, ce passage d'un état de communauté à celui d'Etat peut se faire en douceur, cela dépend de l'envergure de la participation des Sages, les Grands de la génération en mesure de comprendre les besoins de leurs contemporains et adapter la diffusion de la Torah à celle-ci.

Puissions-nous mériter voir la réparation de la faute des explorateurs par le retour des quatre coins du monde des Juifs en leur Terre, avec des dirigeants dignes, accompagnés par des Grands de Torah sachant s'adapter à une telle idéologie.


Chabat Chalom,
Shmuel Elikan.


Soucis étymologiques…
Dvar Torah de Jaques Kohn

« Ils s’obstinèrent (waya’pilou) à monter vers le sommet de la montagne, et l’arche d’alliance de Hachem et Moïse ne bougèrent pas du milieu du camp » (Bamidbar 14, 44).

Ce mot waya’pilou a donné lieu, dans notre histoire “récente“, au mot ma‘apilim, terme désignant les «audacieux» qui, sous le mandat britannique, immigraient clandestinement en Israël.

Rachi (sur le verset) explique ce mot de diverses façons : Ce peut être une expression de «vigueur», comme dans : «Voici, son âme enflée d’orgueil (‘oupla)» (Habaqouq 2, 4). Ce peut être aussi une indication d’effronterie, comme le suggère sa traduction en français médiéval : «engrés».
Ce mot peut se rapporter à une «colline fortifiée», comme dans : «colline fortifiée (‘ofèl) de la fille de Sion» (Michée 4, 8), ou dans : «tour ('ofèl) et château fort» (Isaïe 32, 14). Quant au Midrach Tan‘houma, propose encore Rachi, il explique ce mot comme comportant une connotation d’«obscurité» : ils ont marché dans l’obscurité, parce que sans autorisation.
Ce la‘az de Rachi (engrés) pourrait correspondre, selon Moché Catane (Otsar loazei Rachi), à une idée d’«entrée», comme provenant du latin ingressus .
On remarquera cependant que ce même mot engrés s’appliquait, en occitan médiéval, à l’idée de «fâché», «violent», «rebelle», «impatient», «ardent», qui pourrait mieux correspondre à l’idée que s’en fait Rachi.
On notera également que Ganelon, le traître de la Chanson de Roland, y porte aussi le nom de Engrès , ce qui signifierait, en ancien français : avide, obstiné, voire méchant.

* Toutefois, il semble un peu difficile que Rachi cite un mot en occitan, Troyes où Rachi a passé sa jeunesse se situant dans la région de la "langue d'Oyl"… Le mot serait-il peut-être d'originegermanique?

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