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08/10/2010

Parashat Noah'

Fenêtre ou joyau ?

1. La source d'éclairage

Un petit détail

Lorsque Noah' entreprit la construction de son Arche, le verset [Genèse VI, 16] nous parle également d'une source d'éclairage (tzohar) prévue et enjointe par l'Eternel que Noah' doit ajouter.

Fenêtre ou "pierre précieuse"?

Nos Sages, dans le midrash, [Bereshit Rabbah 31,11 - ramené par Rashi sur le verset, cf. également T.B. Sanhédrin 108b et T.Y. Psachim ch. 1, hal. 1] s'interrogent quant à la signification d'un tel détail. R' Abba précise qu'il s'agit d'une simple fenêtre, tandis que R' Lévi pense qu'il s'agit d'un mystérieux cristal éclairant (évèn tovah). [Il est intéressant de noter que le Sifté H'ah'amim, ainsi que le Ibn Ezra, dans une certaine mesure, ne s'intéressent qu'au premier avis, c'est-à-dire la fenêtre].Que ce midrash peut-il bien signifier ?

2. Une première approche : notre lien au monde

L'Arche - un symbole

Afin de pouvoir comprendre la discussion, nous devons comprendre ce que l'Arche symbolise. En fait, elle est l'archétype de l'authenticité divine en ce monde, comme l'explique le Maharal de Prague [Gour Aryeh, ibid., cf. également Zohar, ibid. l'Arche est le prototype de la yeshiva, institut visant à dévoiler le Divin ici-bas]. Par conséquent, elle se doit d'établir un lien, une relation avec l'extérieur, avec le reste du monde. Celle-ci est nécessaire, puisque moyen de la mission dont l'Arche est porteuse. Un isolement complet serait donc difficilement envisageable.

La question qui se pose dès lors est : comment instaurer une telle relation?

L'opinion de R' Abba - l'ouverture

R' Abba préconise une ouverture dans l'Arche. En d'autres termes, les courants prédominant dans la société, bien que parfois de nature dévastatrice, tels des flots prêts à tout submerger, doivent éclairer l'Arche. Evidemment, il s'agira dès lors d'orienter cette fenêtre convenablement, afin d'empêcher un flux néfaste de s'engouffrer à l'intérieur [selon le H'izkuni, ibid.]. Toujours est-il qu'influencer, éduquer ou exercer une quelconque emprise sur le monde environnant exige la connaissance de celui-ci ou, au moins, un aperçu des notions qui le fondent.

L'opinion de R' Levy - avis complémentaire

R' Levy n'en disconvient pas (puisque, d'une part, le verset parle explicitement d'une fenêtre et d'autre part, dans le domaine de la aggada (récits), les différents avis se complètent mais ne s'opposent pas, à moins d'être explicitement rejetés [cf. E. Dessler, Mikhtav MeElyahou, III, p. 353, qui cite le Zohar]). Il complète cependant le propos de R' Abba : certes une ouverture est indispensable, toutefois, préalablement, il s'agit de bénéficier d'une source de lumière propre et interne nous fournissant assez de ressources pour pouvoir gérer ce lien entre l'Arche et l'extérieur. Pour éviter les inéluctables mauvaises influences, il nous faut un précieux cristal parfaitement autonome qui ne doive rien à ces courants extérieurs. Quel autre moyen avons-nous pour conjurer ces préjudiciables et inévitables influences ?

Deux avis, deux visions du monde

Ce cristal luminaire, c'est la sagesse de la Torah [cf. T.B. Megilah 16].La question, pour R' Levy, serait donc, comment construire la fenêtre sans altérer ce cristal, ou en d'autres termes, quelle orientation prendre dans notre rapport au monde pour ne pas se faire immerger et garder notre originalité, notre Sagesse ?

Pour R'Abba, toute notre force réside dans le fait que notre lien avec le monde nous permet de le connaître et donc de nous enrichir, bien que cela comporte des dangers… c'est une lumière naturelle. D'ailleurs, ce n'est que celle-ci qu'on prend, les flots, quant à eux, restent au dehors, on n'en veut pas, on fait un tri obligé.

3. L'approche h'assidique : la force de la parole

Le mot du Baal Shem Tov

Le Baal Shem Tov - fondateur de la H'assidout - lui aussi, propose une approche quelque peu différente au sens littéral du verset. Il est ainsi ramené en son nom (Tsava'at Harivash 8b) :"Tu donneras du jour à l'arche, que tu réduiras, vers le haut, à la largeur d'une coudée etc. [Genèse IV, 16], Rav Israël Baal Shem dit : tu donneras du jour à l'arche - il faut que le mot [teiva] dit par l'homme en [étude de la] Torah et dans sa prière soit éclairant".

Le Baal Shem Tov joue avec une ambiguïté linguistique - l'ambivalence du terme "teiva" qui signifie en hébreu à la fois "arche" et "mot". Etant donné qu'il est évident que l'arche a besoin d'une ouverture, le fondateur du mouvement h'assidique, nous enseigne qu'il faut comprendre le sens profond du verset. Le mot "teiva" ne définit pas seulement l'Arche ou n'importe quel réceptacle - comme le panier ["teiva", encore !] de Moché - mais également un mot, une phrase, une parole. En effet, à chaque fois que l'homme parle, étudie, prie, il crée un vide, un réceptacle.

Mot ouvert à la lumière

C'est une pensée profonde de la H'assidout reprise par beaucoup de grands Admourim, tels que, par exemple, Rabbi Efraim de Sadiklov, petit-fils du Baal Shem Tov [Degel Mah'ane Efraim, sur Noah'] qui pousse l'idée encore plus loin : le mot sortant de la bouche de l'homme peut être "fermé et impénétrable", c'est-à-dire sans aucun éclairage, ou il peut être parole créatrice, mot "ouvert", paré de "fenêtres" permettant à la lumière d'être éclairée en son sein. Rabbi Efraim contraint l'homme à se délivrer soi-même. Il comprend la force de la parole : elle peut être un récipient invitant une réflexion de la lumière en-elle ; mais pour cela, il faut l'ouvrir, trouver son ouverture qui est, soulignons-le, intrinsèque et non pas extérieure à elle. L'ouverture du mot, de la parole rend le propos incitant, invitant, recherchant une signification. Une telle parole qui propose, ouvre le débat, incite à la réflexion et pose les questions devient accorte d'une part et d'autre part ne peut pas être dogmatique, astreignante et contraignante, sinon elle "se ferme". Tel un homme construisant sa maison avec de nombreuses fenêtres, preuves de son intime volonté d'être éclairé de l'extérieur. Une "parole fermée" est vide d'espoir, statique. En bref, une parole ouverte est le reflet de l'ouverture (ou du moins de sa volonté à l'élargir), de celui qui l'exprime, telle une maison ouverte aux invités, reflet de sa dynamité.

La capacité de luire

Rabbi Nah'man de Breslev, autre descendant du Baal Shem Tov (son arrière petit-fils), donne une autre interprétations à ses propos (Likoutei Moharan Kama, 9). L'essentiel est moins dans la lueur du mot que dans la capacité de l'homme à l'éclairer. Rabbi Nah'man nous apprend que les mots sont l'expression d'un monde intérieur et par conséquent ils doivent être pleins de vie, de signification, du plus profond cela vient au plus profond cela atteint l'auditeur. Mais il arrive parfois, surtout dans la prière ou l'étude, qu'on lise des mots, jette des phrases monotones dans l'espace, vide de toute vitalité. Pourquoi? Peut-être quelqu'un saura leur rendre leur sens et leur vie. Le but de la parole est d'influencer, de dévoiler une lumière intérieure, présente en chacun, la lueur Divine.

Ces deux interprétations des propos du Baal Shem Tov se complètent.Parfois il est des orateurs dont le but est d'ouvrir des portes de réflexion, des prières qui sont requêtes. Parfois les mots nous illuminent, nous éclairent, nous influencent, et il est aussi en notre pouvoir d'en créer de ce type - par la parole, selon Rav Nah'man, on donne la possibilité à la Shkhina (Présence Divine) de résider en notre sein.

Halevai Aleinou.

Shabat shalom et h'odesh tov.


Shmuel E.

Dédié à la guérison de Avraham H'ayim ben Sarah, Menah'em ben Huguette ainsi qu'à tous les malades de notre Peuple, d'autant qu'à la mémoire bénie du Rav Yehouda Amital, du Grand-Rabbin d'Israël, le Rav Mordekhai Tzemach ben Mazal, à Simone bat Zoé, à H'aya Routh bat Miriam veH'ayim, à Yirmiahou H'ayim ben Miriam, et à tous ceux qui sont tombés pour la gloire d'Israël, tous nos soldats. Soit leur mémoire bénie !Veyibade Bein Hah'ayim levein Hametim, mazal Tov à Olivier (Aharon) et Myriam Guyot pour la naissance de leur petite fille shetih'ye.

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